« Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien. »
(Saint Paul, 1 Corinthiens 15, 17)
Sommaire de la page
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Jésus ressuscité, vraiment ?
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Ce qu'implique pour l'Homme la Résurrection de Jésus
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Évangiles commentés sur le thème du chemin à choisir pour suivre Jésus
Saint Thomas ne croyait pas ses amis lui annonçant la Résurrection de Jésus.
Évangile selon Saint Jean :
« Les autres disciples lui disaient : "Nous avons vu le Seigneur !" Mais il leur déclara : "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas !"
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : "La paix soit avec vous !" Puis il dit à Thomas : "Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant." »
Jésus est-il vraiment ressuscité ?
Toute la foi chrétienne est basée sur la Résurrection de Jésus. Les témoins ont risqué leur vie pour la proclamer, la diffuser. Ceux qui ont choisi de le croire ensuite ont eux aussi risqué leur vie pour cela. Beaucoup sont devenus martyrs.
Malgré ces débuts périlleux, le christianisme a survécu et s'est répandu sur toute la terre.
Jésus en a accompagné l'expansion, soutenant, au fil des époques, apôtres, disciples, croyants du monde entier.
Aujourd'hui comme hier, il est vivant, désireux, par amour, de rejoindre chaque être humain sur terre, afin de vivre avec lui et en lui, de le guider dans son chemin sur terre, et de lui offrir le salut qu'il a chèrement acquis pour chacun d'entre nous sur la croix.
Jésus est apparu ressuscité à plus de 500 personnes et certaines en ont témoigné par écrit, au péril de leur vie, les juifs persécutant sans relâche les chrétiens, n'hésitant pas à tuer en lapidant, à plus forte raison ceux qui répandaient la Bonne Nouvelle et la Résurrection.
Les Romains aussi ont persécuté à mort les chrétiens, car leur Dieu Jésus faisait de l'ombre aux leurs et aussi aux empereurs successifs.
Au premier siècle, puis dans les quelque suivants, il ne faisait pas bon être chrétien, à Rome comme à Jérusalem, les chrétiens servant de torches vivantes ou de divertissement pour les jeux du cirque.
Qui a vu Jésus ressuscité ?
Du temps de Jésus : Marie-Madeleine, les Saintes Femmes, Pierre, Jean et les autres apôtres et disciples présents au Cénacle, y compris Thomas l'incrédule, auquel Jésus est spécialement apparu pour lui montrer ses blessures, les disciples et témoins au nombre de 500, donc. Rappelons que les Romains avaient mis des gardes à la pierre du tombeau et qu'ils y sont restés sans interruption...
Qui a formellement témoigné par écrit avoir vu Jésus ressuscité ?
Les apôtres et rédacteurs des Évangiles et textes annexes Saint Matthieu, Saint Jean, Saint Pierre, Saint Jacques.
Les apôtres citent aussi par leur nom de nombreux témoins, et aucun d'entre eux n'a jamais exprimé la moindre réserve.
Où a-t-il été vu ressuscité ?
Les lieux cités dans les Évangiles sont : près du tombeau et au Cénacle (Jérusalem), sur une montagne de Galilée (peut-être le Mont Thabor) et au bord du lac de Tibériade. Là, Jésus réalise un miracle attestant de sa qualité pour se faire reconnaître à coup sûr par ses disciples qui ont quitté Jérusalem et sont revenus près du lac : alors qu'ils viennent de passer une nuit entière sur l'eau sans rien avoir péché, il renouvelle une seconde fois le miracle de la pêche surabondante ; trois ans auparavant, aux débuts de son ministère public et lors de l'appel des premiers apôtres, ainsi avait-il bouleversé Pierre, André, Jacques et Jean avec une première pêche surabondante surnaturelle authentifiant ses Paroles.
Qui a rapporté par écrit des témoignages de personnes ayant vu Jésus ressuscité ?
Saint Luc, rédacteur de l'un des Évangiles.
Qui a eu une apparition de Jésus ressuscité et en a témoigné par écrit ?
Quelques années après sa mort, Jésus est apparu au juif Saül, qui persécutait les chrétiens, et alors qu'il était en route pour Damas afin d'en arrêter le plus grand nombre. Cette apparition a généré une spectaculaire conversion, Saül devenant le grand apôtre Saint Paul (de Tarse), dont les écrits dans les Évangiles sont d'une importance capitale.
Depuis, Jésus est apparu, de visu ou en songe, à des saints religieux, parmi lesquels on peut citer Sainte Marguerite-Marie Alacoque et Sainte Faustine auxquelles il a confié la mission de révéler au monde Son Sacré-Cœur, pour la première citée, et Sa Divine Miséricorde, pour la seconde.
Et le Ressuscité donne des signes tangibles, crédibles et puissants de Sa Présence à toute personne qui le cherche avec sincérité. Lorsqu'on était au préalable incroyant et très sceptique, on est alors bien obligé de croire à l'impossible...
Arrêté dans le Temple de Jérusalem à l'initiative des Juifs, Paul de Tarse est transféré à Césarée (capitale royale d'Hérode 1er, ci-dessus, une partie des ruines de son palais), puis à Rome, où il sera décapité.
Pour voir une super vidéo de la Résurrection
Pour en savoir plus sur Jésus, la Résurrection de Jésus et les raisons de croire qu'il s'agit d'un fait vrai, lire :
Lieu d'apparition possible du Christ ressuscité à ses disciples, le Mont Thabor, en Galilée, photographié au printemps
Le lac de Tibériade, lieu d'une apparition du Christ ressuscité à ses disciples et du second miracle de pêche surabondante
Implications pour l'Homme
de la Résurrection de Jésus
La Résurrection de Jésus est le signe tangible de l'acceptation par Dieu le Père du sacrifice parfait de son Fils pour la Rédemption des hommes, telle qu'ils l'avaient ensemble voulue, par amour pour l'Homme.
Elle est la victoire éclatante de Dieu sur Satan dont le plan est déjoué, Jésus ayant racheté les fautes des hommes, dont l'ennemi féroce des hommes et du Christ est l'instigateur. Les conséquences sont énormes car dès cet instant :
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le Christ a aussi rouvert les portes du ciel fermées lors de la faute originelle et Satan ne peut plus entraîner les hommes dans la crainte d'une mort éternelle ;
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chaque homme peut choisir, durant sa vie, de croire et de suivre Jésus qui lui offre son soutien, son aide, sa Présence invisible durant la vie terrestre, puis la vie éternelle, en sa Présence visible ;
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lors de la parousie du Christ (son retour, tous les hommes ressusciteront aussi dans leur corps, car Dieu qui a créé toute chose est capable de recréer le corps à partir de sa poussière. Lire plus sur la Résurrection des hommes sur ce site.
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Jésus est une sorte de prototype leader de l'homme nouveau, de la Création renouvelée et définitivement débarrassée du Mal telle que le Père l'a souhaitée, et la fera, car Dieu fait ce qu'il dit. Toujours.
Avons-nous réellement conscience de ce que sera la vie de notre âme en présence du Créateur de l'univers ? Sublime est un mot trop faible pour décrire l'inimaginable. Nos petits et grands plaisirs de la vie ne sont rien en comparaison.
Extraits d'Évangiles sur le thème de la Résurrection de Jésus
À noter que les différences dans les récits de la Résurrection et des apparitions de Jésus aux apôtres ne signifient pas une contradiction, mais une volonté de Dieu, qui a inspiré les évangélistes lorsqu'ils ont rédigé les textes, de montrer la Résurrection sous divers angles, complémentaires.
De plus, un récit uniforme serait suspect. L'uniformité des témoignages est un critère de rejet par les historiens et aussi par les autorités policières.
« On a enlevé le Seigneur de son tombeau »
(Jn 20, 2-8)
« Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine courut trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. »
Premier commentaire
Dans Jérusalem encore endormie, une femme court.
Elle court de toutes ses forces, en se répétant : "Où l'ont-ils mis ?"
Elle vient réveiller Pierre et le disciple que Jésus aimait, qui se mettent à courir, eux aussi, à perdre souffle. Le disciple arrive le premier au tombeau, mais laisse entrer Pierre, l'aîné, le responsable. Pierre ressort, troublé, inquiet. Alors seulement entre le disciple que Jésus aimait.
"Il vit, et il crut", dit l'Évangile. Qu'a-t-il vu ? Les mêmes choses que Pierre: les linges posés à plat, et le suaire de la tête, roulé à part. Mais il a cru. Dans le froid du tombeau une lumière très forte et très douce s'est faite en lui : "Il est vivant !" Jean a vu les signes de l'absence ; mais en même temps il a entendu dans son cœur les paroles et la promesse de Jésus.
Il est vivant, comme il l'avait dit !
Il est vivant pour toujours! L'amour de Dieu a été le plus fort !
Au dehors, rien n'a changé. Jérusalem s'éveille pour une journée tout ordinaire. Mais dans le cœur du disci¬ple, tout est nouveau, tout est joyeux, tout est splendide : "Jésus est vivant ; il est la vie ; j'irai le dire au bout du monde !"
Elle est pour nous, frères et sœurs, cette joie du disciple.
Elle traverse tous nos doutes, toutes nos morts, toutes nos tristesses. Abandonnons les peurs, les souvenirs, les contraintes; lâchons ce qui ne peut que vieillir. Dans le soleil de la Pâque de Jésus, laissons l'Esprit Saint faire de nous des êtres nouveaux.
Au nom de tous ceux que Dieu aime et veut sauver, tournons les yeux vers les réalités d'en haut, regardons le Christ assis à la droite de Dieu, cachons notre vie en Dieu avec le Christ, heureux de nous perdre de vue puisque Jésus est notre vie.
Là où règne la haine, il apporte l'amour ; là où les hommes se déchirent, il propose sa paix ; là où les hommes trébuchent dans les ténèbres, il resplendit comme la lumière du monde.
Entrons comme des pauvres dans la joie de Jésus.
C'est une joie trop grande pour notre cœur, parce qu'elle vient du cœur de Dieu.
C'est une joie que Jésus donne : il la donne à tous ceux qui l'aiment, à tous ceux qui le cherchent.
Il la dépose ce matin dans notre cœur pour que nous l'accueillions au nom du monde entier.
Deuxième commentaire
Jérusalem est endormie. Au petit jour, quelques femmes se hasardent hors de la ville et se dirigent vers le tombeau de Jésus. En bonnes juives, elles sont restées chez elle pendant tout le sabbat, mais le souvenir du crucifié les ramène maintenant à l'endroit où il a été déposé.
Personne ne sait qu'elles sont là ; et elles ne savent qu'une chose, c'est que tout est fini... De pauvres femmes, seules, mais qui ne peuvent pas oublier ! Elles viennent vers un mort, et voilà que Dieu prend l'initiative de leur révéler la victoire de la vie. La pierre est roulée, le tombeau est ouvert, et le messager de Dieu, lumineux, éclatant, s'est assis sur la pierre pour signifier la victoire définitive de Dieu sur la prison de la mort.
Et Dieu parle par ses envoyés : "Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? Il n'est pas ici ; il est ressuscité. Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié : il n'est pas ici, il est ressuscité, comme il l'a dit". C'est fait, c'est déjà accompli quand les envoyés parlent. Personne n'a vu le moment de la résurrection, personne ne pourrait le décrire, ni ces femmes, ni personne d'autre. La résurrection est un acte de Dieu ; Dieu le révèle quand il l'a accompli ; et le tombeau vide atteste que Dieu a dit vrai. "Venez voir où il gisait".
Puis aussitôt le messager transmet aux femmes leur mission : "Vite, allez dire à ses disciples qu'il est ressuscité d'entre les morts ; voici qu'il vous précède en Galilée ; c'est là que vous le verrez". "Vous le verrez", dit l'ange, et de fait elles ne l'ont pas encore vu, lui, le ressuscité. Mais déjà elles croient ; elles croient, puisqu'elles courent. Et Jésus lui-même vient au-devant de leur foi. Le voici devant elles : "Je vous salue !". Et les deux femmes se prosternent. Jésus alors redit seulement le message que Dieu avait confié à l'ange : "Allez dire à mes frères de se rendre en Galilée ; c'est là qu'ils me verront".
Ainsi, au matin de Pâques, Jésus se révèle comme vivant, uniquement à ses intimes : grâce aux femmes qui ont cru, il va reconstituer autour de lui la petite communauté de frères et de sœurs qui l'entourait depuis ses débuts en Galilée. C'est à cette poignée d'hommes et de femmes qu'Il va confier le message de sa victoire sur la mort, pour le crier au monde.
C'est ainsi que tout est reparti, simplement, divinement, au petit jour, lorsque deux femmes essoufflées ont rejoint dans la ville les disciples de Jésus. Elles étaient remplies de crainte et de joie ; de crainte, parce qu'elles venaient de vivre une rencontre avec la puissance de Dieu ; de joie, parce que Jésus lui-même leur avait dit : "N'ayez pas peur !"
"Vous, soyez sans crainte". Ce fut la première parole de Jésus ressuscité, et Jésus la redit au monde entier en ce jour anniversaire de sa Pâques. "Soyez sans crainte !" Nous aurions pourtant, en plein monde ou au cloître, tant de raisons de craindre ! Partout où la mort paraît, on la croit victorieuse, mais elle s'efface là où le Christ est vivant. Partout des humains souffrent, des innocents meurent, des populations entières sont jetées sur les routes ; partout la haine crie victoire, la vérité doit se cacher dans les cœurs, et même l'Église de Jésus vit parfois des heures sombres où son espérance fléchit.
Notre joie de Pâques ne peut oublier toutes ses tristesses, pas plus que nos misères personnelles, et pourtant Jésus ressuscité nous redit d'avance d'avancer avec confiance, parce que, dans le plan de Dieu, ce n'est pas la mort qui aura le dernier mot.
Le chrétien ne fanfaronne pas aux avant-postes, comme si sa foi lui soufflait des solutions miracles ou l'immunisait contre la douleur ; mais il avance parmi ses frères humains, portant dans un vase d'argile une lumière et une certitude qu'il ne veut pas garder pour lui : "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique", et ce Fils qui a pris sur lui toutes les souffrances et toutes les morts du monde, désormais nous attend dans la gloire du Père.
Il est ressuscité, comme il l'a dit
« Il est ressuscité
et il vous précède en Galilée »
(Mat 28, 1-10)
« Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre. Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. Il avait l’aspect de l’éclair, et son vêtement était blanc comme neige. Les gardes, dans la crainte qu’ils éprouvèrent, se mirent à trembler et devinrent comme morts. L’ange prit la parole et dit aux femmes : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait. Puis, vite, allez dire à ses disciples : “Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; là, vous le verrez.” Voilà ce que j’avais à vous dire. » Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. » Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui. Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. »
« Femme, pourquoi pleures-tu ? »
(Jn 20, 1.11-18)
« Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit. »
Dans tous les récits évangéliques qui rapportent une apparition de Jésus ressuscité, on retrouve trois éléments :
Le Christ ressuscité prend l’initiative : il se fait voir, puis il se fait reconnaître, et enfin il confie une mission.
Ici Marie de Magdala semble avoir pris les devants : elle se hasarde hors des murs de Jérusalem alors qu’il fait encore sombre. Mais elle s’attend à trouver un homme mort ; c’est un mort qu’elle cherche, parce qu’elle ne veut pas oublier, et elle accuse déjà ceux qui l’ont devancée : « Ils ont enlevé mon Seigneur, et nous ne savons pas où ils l’ont mis ! »
Elle est en quête de son Seigneur mort, du corps de son Seigneur, mais la véritable initiative va venir du Vivant, de Jésus de nouveau vivant, qui se tient là où elle est, et qui lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? »
Ainsi l’initiative de Jésus vient au-devant du courage de Marie Madeleine : si elle trouve, c’est parce qu’elle cherche, mais surtout parce que Jésus la cherche.
Mais il faut que Jésus se fasse reconnaître. Or la reconnaissance du Ressuscité est souvent difficile.
Marie Madeleine, dans un premier temps, croit avoir affaire au jardinier : elle n’a reconnu ni les traits ni la voix de Jésus. D’ailleurs Marie ne s’attend pas à rencontrer un homme debout, un homme qui parle. Elle cherche un corps iner¬te, et son chagrin lui fait dire des choses impossibles : « Si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et moi, j’irai le prendre ». Comme si elle aurait eu la force d’emporter dans ses bras le corps de son Seigneur !
Mais ce qui rend surtout la reconnaissance difficile, c’est que Marie est fixée sur le passé, sur le visage d’autrefois, sur l’amitié d’autrefois, sur le déjà vécu. Elle est comme murée dans ses regrets et dans ses souvenirs ; et il va falloir que Jésus l’arrache à cet enfermement, à cette clôture sur elle-même et sur son passé, car elle se cherche elle-même à travers Jésus aimé.
Jésus lui dit simplement : « Marie ». Immédiatement elle retrouve les réflexes d’autrefois : « Rabbouni » : mon maître ! Mais Jésus ajoute : « Ne me retiens pas (ne cherche pas à me retenir comme le passé revenu), car je ne suis pas encore monté vers le Père ». Désormais, c’est auprès du Père qu’il faut chercher Jésus. Désormais elle devra trouver la présence de Jésus à travers son absence sensible, elle devra rejoindre l’amour du Seigneur dans sa propre solitude ; elle devra vivre d’espérance.
Jésus s’est fait reconnaître, et sans attendre il donne à Madeleine une mission : « Va trouver mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ».
Voilà la réponse de Jésus à la solitude de Madeleine : un envoi, une mission personnelle. C’est en allant vers les frères de Jésus, vers ses frères, que Marie Madeleine quittera son passé trop centré sur elle-même ; c’est en obéissant à sa mission qu’elle trouvera, d’une autre manière, la présence de son Seigneur.
Le visage du jardinier, c’est pour nous, par exemple, l’aspect décevant de notre service, de notre environnement familial ou fraternel, de la dynamique communautaire ; ce sont les nouvelles exigences de la vie en Église, les nouveaux chemins de la fidélité, qui ne ressemblent en rien à ce que nous avions prévu. Tout cela, pensons-nous, est trop ordinaire pour révéler les traits de Jésus. Or justement le salut se reçoit et se vit dans l’ordinaire, dans le quotidien assumé avec amour, avec la certitude de la présence de Jésus.
C’était déjà la leçon de Nazareth. C’est encore l’un des messages du matin de Pâques, et Marie Madeleine nous le donne à comprendre lorsqu’elle vient nous confier : “J’ai vu le Seigneur. Voilà ce qu’il m’a dit”.
« C’est en Galilée qu’ils me verront »
(Mt 28, 8-15)
« En ce temps-là, quand les femmes eurent entendu les paroles de l’ange, vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples. Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. » Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui. Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. » Tandis qu’elles étaient en chemin, quelques-uns des gardes allèrent en ville annoncer aux grands prêtres tout ce qui s’était passé. Ceux-ci, après s’être réunis avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme en disant : « Voici ce que vous direz : “Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions.” Et si tout cela vient aux oreilles du gouverneur, nous lui expliquerons la chose, et nous vous éviterons tout ennui. » Les soldats prirent l’argent et suivirent les instructions. Et cette explication s’est propagée chez les Juifs jusqu’à aujourd’hui. »
Premier commentaire
Marie de Magdala et l'autre Marie ont vécu coup sur coup, le même matin de Pâques, deux apparitions : Celle d'un ange devant le tombeau, et celle de Jésus ressuscité.
La première, celle de l'ange, équivalait à une proclamation divine de la résurrection de Jésus. La résurrection de Jésus n'est pas une conjecture humaine, et les deux femmes ne l'ont pas admise au bout d'une longue enquête : c'est une affirmation directe de Dieu, par son envoyé-Ange : "Il est ressuscité !". C'est Dieu qui l'a fait, et c'est Dieu qui le dit, comme pour toute la geste du peuple de Dieu : Dieu agit et commente son geste ; Dieu agit et annonce sa merveille. C'est le jour que Dieu a fait, et ce fut merveille aux yeux des deux femmes.
L'ange vient de leur dire : "Vite, allez dire à mes disciples" ...les voilà donc chargées d'un message, et d'un message double : une annonce, et une consigne : "il est ressuscité " (c'est l'annonce) ; "il vous précède en Galilée, c'est là que vous le verrez " (c'est la consigne). Et c'est sur ce chemin de la foi et de l'obéissance, de la foi obéissante, que Jésus vient à elles. Parce que d'abord elles ont cru sans avoir vu, Jésus leur fait la grâce d'une rencontre personnelle, et parce que déjà elles vivent un geste de foi obéissante, elles reconnaissent immédiatement leur Seigneur. "Elles s'approchent de lui et lui saisissent les pieds en se prosternant", avec le mélange de crainte et de joie que les Évangiles ont souvent noté.
Que va leur dire Jésus ? Il ne répète pas le message de la résurrection, puisqu'il est lui-même la résurrection. Mais il reprend deux éléments de la parole de l'ange. D'abord il redit, avec insistance : "Ne craignez pas … n'ayez pas peur !", et l'encouragement n'est pas superflu, car, en rencontrant Dieu, nous sommes toujours menacés de retomber dans la peur : Peur de la nouveauté de Dieu, peur de l'aventure que Dieu apporte toujours, peur de nos propres résistances, de notre opacité et de notre pesanteur.
"N'ayez pas peur !", dit Jésus, et il confirme la mission donnée aux deux femmes, mais en modifiant l'un des termes. Il ne dit pas :"Allez dire à mes disciples", mais : "Allez dire à mes frères de se rendre en Galilée". Qui sont ces frères de Jésus ? Ceux qui, le jeudi soir, ont fui sans courage et sans gloire, et ceux qui l'ont renié plus ou moins ouvertement. "Mes frères", dit Jésus, parce qu'il vient avec son pardon. Et il leur donne rendez-vous en Galilée. Il les met en marche. Tous devront faire les cent kilomètres, tous devront se regrouper au nom de Jésus, pour voir Jésus, pour entendre Jésus : c'est l'Église en marche, dès le premier jour, dès la première aurore de la résurrection.
Ce qui est remarquable, c'est la tâche de premier plan que Jésus confie aux femmes dans ce premier regroupement de son Église. Elles sont, ensemble, les premières à entendre le message de la résurrection ; elles en sont, ensemble, les premières messagères. Parce qu'elles ont été, après le vendredi saint, les premières à se souvenir, les premières fidèles, Jésus leur confie, dans son Église, une mission pour l'éveil de la foi et, inséparablement, une mission de rassemblement et de cohésion.
À cause de ce qu'elles ont vécu, de ce que Jésus leur a donné de vivre, l'une de leurs premières tâches dans l'Église sera de redire à tous, au nom de Jésus : "N'ayez pas peur !".
Deuxième commentaire
Dieu l'a ressuscité, ce Jésus, nous en sommes tous témoins".
Voilà ce que proclame Pierre dans son premier discours à la foule le jour de la Pentecôte. Et l'évangéliste saint Matthieu souligne de deux manières l'importance du témoignage.
Commençons par le faux témoignage, celui que les soldats acceptent de répandre contre une forte somme d'argent. Dieu n'a pas empêché ce faux témoignage… "et cette fable s'est colportée jusqu'à ce jour", écrit saint Matthieu. Dieu n'a pas arraché tout de suite l'ivraie de son champ, parce qu'il faisait confiance au bon grain, au vrai témoignage rendu à la résurrection de son Fils. Et c'est bien ce message qui a triomphé du mensonge : l'Église de Jésus a rempli l'univers.
Mais l'importance du témoignage ressort davantage encore du premier récit de l'Évangile de ce matin. Rappelons-nous les faits qui ont précédé :
- au point du jour, Marie de Magdala et l'autre Marie viennent au tombeau. La pierre déjà est roulée, et un ange, assis dessus, s'adresse aux deux femmes : "Ne craignez pas ; il est ressuscité, comme il l'avait dit. Allez dire à ses disciples : Il vous précède en Galilée ; c'est là que vous le verrez."
- les femmes alors, tout émues et pleines de joie, courent porter la nouvelle aux disciples : elles ont cru le messager, elles ont appuyé leur foi sur son témoignage, elles vont obéir à la mission qui leur a été transmise.
- c'est dans leur geste d'obéissance que Jésus les rejoint. Il vient à leur rencontre, et elles se prosternent devant lui. Que va leur dire Jésus ? Pas autre chose que ce que l'ange avait annoncé : "Ne craignez pas ! Allez annoncer à mes frères qu'ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront".
Ce que les femmes avaient cru déjà sur la parole du messager, Jésus le confirme maintenant par sa présence directe.
Ainsi en va-t-il dans la vie spirituelle, dans le cheminement de notre foi. Jésus nous demande d'abord d'accueillir le témoignage de l'Église et de ses messagers/ères, et ce qu'il vient ensuite nous révéler au fond du cœur par sa présence directe et personnelle vient toujours corroborer ce témoignage de l'Écriture et de la tradition vivante de l'Église.
Simplement, ce que Jésus confirme ainsi par sa présence, par l'amour qu'il nous fait sentir, s'imprime dans notre cœur comme par le sceau de l'Esprit Saint.
Dans quelques instants, quand le Seigneur se donnera à nous par son Eucharistie, prosternés à ses pieds comme les deux femmes au matin de Pâques, demandons-lui d'illuminer pour toujours le plus profond de nous-mêmes par la lumière de sa Pâque qui déjà rayonne de son Évangile.
Et que Dieu notre Père, par son Esprit, daigne garder vivant en nous le témoignage qu'il rend à son Fils.
« Allez dans le monde entier.
Proclamez l’Évangile »
(Mc 16, 9-15 et Mc 16, 15-20)
« Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie Madeleine, de laquelle il avait expulsé sept démons. Celle-ci partit annoncer la nouvelle à ceux qui, ayant vécu avec lui, s’affligeaient et pleuraient. Quand ils entendirent que Jésus était vivant et qu’elle l’avait vu, ils refusèrent de croire. Après cela, il se manifesta sous un autre aspect à deux d’entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne. Ceux-ci revinrent l’annoncer aux autres, qui ne les crurent pas non plus. Enfin, il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu’ils étaient à table : il leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs cœurs parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient contemplé ressuscité. Puis il leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. »
En ce temps-là, Jésus ressuscité dit aux onze Apôtres : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. » Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. »
Il ne s'agit plus d'un récit vivant et coloré, mais d'une sorte de résumé des apparitions de Jésus Ressuscité.
Nous le trouvons tout à la fin de l'Évangile de Marc ("finale longue de Marc"), qui fait partie des Écritures inspirées, bien que probablement Marc ne soit pas l'auteur de ces quelques versets. Les matériaux ont été pris, semble-t-il, dans les traditions de Luc et de Jean ; et, de toute façon, nous avons là une relique authentique de la première génération chrétienne. C'est à ce titre que l'Église l'accueille dans sa liturgie pascale. Tout au long de cette semaine, nous avons pu relever trois constantes dans les récits d'apparitions du Sauveur :
– l'initiative venait de Jésus,
– la reconnaissance de Jésus se faisait toujours progressivement,
– chaque rencontre du Ressuscité débouchait sur une mission pour les disciples.
Aujourd'hui encore, l'initiative de Jésus est soulignée.
- Jésus apparut (se fit voir),
- Jésus se manifesta sous une autre forme,
- Jésus se manifesta aux Onze eux-mêmes.
- le thème de la reconnaissance de Jésus est présent, lui aussi, mais renversé, en quelque sorte : l'Évangile souligne par trois fois l'incrédulité des compagnons de Jésus :
ils refusent de croire Marie-Madeleine,
ils refusent de croire les deux disciples qui revenaient de la campagne (=Emmaüs),
Jésus lui-même reproche aux Onze leur entêtement à ne pas croire ceux qui l'avaient vu ressuscité.
Mais l'accent principal de l'Évangile porte aujourd'hui sur la mission universelle.
Il ne s'agit plus seulement de porter la nouvelle à Pierre et aux autres disciples rassemblés à Jérusalem, mais de partir dans le monde entier et de proclamer la victoire de Jésus à toute la création.
Si nous laissons l'Esprit Saint nous interroger à partir de ces paroles de l'Évangile d'aujourd'hui, nous nous rendons très vite compte que ces quelques versets, d'apparence anodine, reflètent exactement notre situation actuelle de témoins du Christ et les principales tensions que nous connaissons dans notre itinéraire spirituel.
Tensions dans notre vie face aux initiatives de Jésus. Nous l'avons découvert, reconnu, accueilli, au moment du premier don, mais, les années passant, il nous arrive de constater que, par moments, nous avons transféré notre trésor ailleurs et que notre cœur est ailleurs aussi, là où se trouve l'autre trésor.
Dès lors Jésus vivant, Jésus ressuscité, quand de nouveau il prend l'initiative de nous rencontrer, de croiser notre route, nous apparaît comme un étranger, difficilement reconnaissable.
Tensions au cœur même de notre foi et de notre espérance, lorsqu'il s'agit justement de rejoindre le Vivant, le Ressuscité, non pas dans l'euphorie d'une présence sentie, claire pour les yeux et chaude pour le cœur, mais humblement, quotidiennement, à partir du témoignage des Écritures et sous les traits de sa communauté souffrante. C'est la difficulté de croire sans avoir vu, de tout miser sur la parole du Maître.
Tensions, enfin, au niveau de la mission.
À qui, en effet, Jésus confie-t-il le message universel ? – à ceux et à celles qu'il vient de trouver incrédules, entêtés, lents à croire. Pourtant « il nous est impossible de ne pas dire ce que nous avons vu et entendu ». Porteurs d'une nouvelle bouleversante pour le monde, nous portons en même temps le poids de nos lenteurs, de nos velléités, de nos réticences et de nos reprises. Jésus nous confie la flamme qui peut allumer dans le monde l'incendie de la charité, mais nous la portons «;dans des vases d'argile;».
L'amour du Christ, toutefois, est si fort, si personnel, si rédempteur, qu'il nous interdit de nous laisser paralyser par notre misère. La mission est là, belle, urgente, décisive, et «;il est fidèle, le Dieu qui nous a appelés à la communion de son Fils;».
C'est encore lui qui fera cela.
« La paix soit avec vous ! »
(Jn 20, 19-31)
« C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. »
La foi est difficile ; elle l'a toujours été.
Elle l'était lors des apparitions du Ressuscité ; elle l'était même du vivant de Jésus sur terre, et même pour ceux qui étaient témoins de ses miracles et de ses guérisons. Tous ces hommes et ces femmes qui ont vu un paralysé emporter son brancard, des estropiés marcher droit et des aveugles de naissance ouvrir les yeux sur un monde qu'ils ne connaissaient qu'avec les mains, tous sont rentrés chez eux en disant : « nous avons vu aujour¬d'hui des choses extraordinaires ! » ; puis ils ont repris leur travail aux champs, à l'atelier, à la maison. Il leur fallait passer sans transition des merveilles de Dieu à l'ordinaire de leur vie ; et même si le souvenir de Jésus les poursuivait, le quotidien était là nécessaire, accaparant.
Nous côtoyons, nous aussi, les merveilles de Dieu, spécialement lorsque nous recevons le Corps du Christ Ressuscité ou son pardon, ou la lumière de sa parole. Puis les choses à faire, les choses à dire, les choses à pré¬voir reprennent leur urgence ; des choses bien réelles, joyeuses, banales ou tristes, mais sur lesquelles, si peu que ce soit, nous avons prise.
C'est alors que Dieu, parfois, nous paraît lointain, insaisissable, même si pour rien au monde nous ne voudrions le perdre. C'est alors aussi que la voix de Jésus en nous s'estompe, même si un moment elle nous a touchés.
Les fêtes liturgiques se succèdent, les années passent, et une certaine pesanteur nous guette au niveau qui est pour nous le plus intime et le plus précieux, celui de notre relation à Dieu et à son Christ, une relation que nous voudrions confiante, intense, filiale, et que nous vivons, à certaines heures de notre vie, sous le signe de l'échec.
Il est bien vrai que nous portons une part de responsabilité lorsque Dieu, chez nous, devient l'étranger. Mais il se peut aussi que nous soyons victimes d'une sorte d'illusion tenace concernant Dieu, le monde de Dieu, et l'espace de notre foi.
Nous sommes toujours tentés de chercher Dieu ailleurs, très loin, dans l'impossible, alors que Dieu nous attend déjà, dans un monde bien à nous, juste à l'endroit où il nous a placés pour que nous portions du fruit. Certes, quand le moment de la gloire sera venu, Dieu nous prendra dans son monde à Lui ; mais pour l'heure, Il aime réaliser ses merveilles dans l'ordinaire de nos vies, et à ses yeux il n'y a pas de divorce entre le quotidien et l'éternel, pas de cloison entre l'amour qu'on lui dit et l'amour qu'on lui prouve, pas de retombée entre le moment de l'Eucharistie et la journée de service accomplie pour le Christ et avec lui.
N'épuisons pas nos forces à vouloir toucher les choses de Dieu, comme Thomas les plaies de Jésus, qui étaient déjà des plaies de gloire. N'attendons pas, pour dire oui à Dieu, d'être de plain pied avec les choses de la foi, car Dieu seul, s'il le veut, peut nous les rendre visibles. Nous n'avons pas de mains pour saisir Dieu, pas de cœur pour l'enfermer, pas d'intelligence pour épuiser son mystère, et les yeux que nous avons ne sont pas capables de supporter sa gloire. Mais cela, Dieu le sait, et Jésus a transformé notre impuissance en béatitude : « Bien-heureux ceux qui croient sans avoir vu »
Si nous n'avons pas vu le visage du Christ sur terre, si nous n'avons même pas vu les linges dans le tombeau vide, nous pouvons entendre la voix du Seigneur, que sa communauté vivante nous transmet depuis la Pentecôte. Notre foi tout entière, depuis notre baptême, repose sur cette écoute. Depuis que notre Berger est entré dans la gloire, une sorte d'instinct venu de l'Esprit Paraclet nous fait reconnaître sa voix, là où nous sommes, là où il nous veut.
Ce qu'il attend de nous, là où nous servons, là où nous peinons, là où nous cheminons sans voir, c'est la réponse si vraie, si simple, si heureuse, de Thomas :
« Mon Seigneur et mon Dieu ! »
« Baptisez-les »
(Mt 28, 16-20)
« En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Saint Paul écrivait aux chrétiens de Colosses :
"Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en haut, là où se trouve le Christ assis à la droite de Dieu" ( Col 3,1).
Or, dans le récit de l'ascension de Jésus, les messagers s'adressent aux disciples en leur disant : "Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ?"
Serait-ce donc que saint Luc contredit saint Paul ? Regarder le ciel, est-ce notre devoir, ou est-ce un luxe qui nous démobilise ? En relisant l'Écriture, en pénétrant davantage dans le mystère de l'Ascension, nous pouvons répondre : tout dépend de la qualité de notre regard.
Si nous regardons vers le ciel comme des gens frustrés et des orphelins, si nous scrutons le ciel vide comme Marie de Magdala fouillait des yeux le tombeau vide, et surtout si notre regard déçu nous tient lieu de réponse au mystère, alors nous encourons le reproche des messagers : "Pourquoi restez-vous là plantés à regarder le ciel ?"
Mais si notre regard est un regard de foi, tout change ! Si nous disons :
"Seigneur, de là où je suis, je te rejoins par la foi dans la gloire où tu es ; Seigneur, tu es assis pour toujours à la droite de Dieu, tu vis assis, glorieux, et rien ni personne ne te fera lever jusqu'à la fin des temps ; Seigneur, je le crois, tout pouvoir t'a été donné au ciel et sur la terre."
Si notre regard dit cela au Christ Seigneur, alors ne nous lassons pas de rechercher les choses d'en haut, là où notre amour retrouve le Christ, assis à la droite de Dieu, pour le repos et pour une œuvre incessante dans le cœur des hommes.
Si notre regard est porteur d'espérance, alors il rend gloire à Dieu et à son Christ.
La dernière image que les disciples ont gardée dans les yeux, c'est celle de Jésus, les mains levées, bénissant, et c'est en bénissant qu'il a été emporté au ciel, c'est-à-dire dans le monde de la gloire, dans le monde de Dieu.
La dernière parole qu'ils ont entendue de la bouche du Ressuscité, c'est : "Je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la fin des temps". "Vous êtes mes témoins pour toutes les nations … Vous allez recevoir la force d'en haut".
Et c'est pourquoi le départ de Jésus, son départ définitif, (après ses quarante jours d'apparitions), loin de nous laisser tristes et paralysés, galvanise toutes les forces de notre fidélité, car nous savons ce que Jésus glorieux attend de nous :
- tout d'abord demeurer dans la ville : resserrer dans la joie nos liens d'Église, les liens de sa communauté - puis bénir Dieu ensemble dans son temple - attendre ensemble le moment où, d'en haut, nous serons "revêtus de puissance", c'est-à-dire : attendre la promesse de Dieu, l'Esprit Paraclet, unanimes dans la prière avec la Mère de Jésus - et puis partir... Partir sur place, laisser partir au loin notre amour jusqu'aux confins de l'œuvre du Christ, jusqu'aux extrémités du monde, jusqu'au dernier village où l'Évangile est annoncé ; et, plus immédiatement repartir chaque jour pour vivre l'Évangile et témoigner de Jésus, au milieu de ceux qu'il nous donne à aimer, à comprendre, à porter : les petits, qui entendent si peu parler de Dieu et de son Christ, les jeunes, qui ont tant besoin de nous voir espérer, l'époux ou l'épouse, trop souvent renvoyé(e) à sa solitude, parce qu'on laisse grandir au foyer des habitudes d'égoïsme ou des réflexes d'agressivité, le frère ou la sœur, dans la communauté, isolé(e) dans sa fidélité ou dans sa souffrance, et qui a l'impression de n'exister pour personne.
Oui, partons avec la force d'en haut, et quand la fatigue survient, quand le courage fléchit, quand la joie de servir risque de nous quitter, regardons là-bas, regardons le ciel.
Jésus, les bras levés, nous suit du regard et nous bénit.
« Proclamez l’Évangile
à toute la création »
(Mc 16, 15-20)
« En ce temps-là, Jésus ressuscité se manifesta aux onze Apôtres et leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. » Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. »
« Le Seigneur Jésus, après nous avoir parlé, s'est assis à la droite de Dieu ».
Il s'est assis : c'est une image, mais combien riche d'enseignement pour nous !
Il s'est assis, comme celui qui a pleins pouvoirs.
Il s'est assis à la droite de Dieu, parlant au Père d'égal à égal, et intercédant pour nous dans ce dialogue d'amour.
Il s'est assis définitivement, et rien ne le fera se lever jusqu'au dernier jour, ni les guerres ni les bruits de guerre, ni les scandales ni les contestations, ni les périls ni les victoires de son Église.
Il s'est assis dans la paix, ayant achevé chez nous l'œuvre du Père, et goûtant déjà, lui, notre Premier-né, le repos de Dieu.
Ainsi la dernière image que Saint Marc nous a laissée de Jésus est celle du Seigneur céleste partageant le trône de Dieu, et en ce temps d'épreuves et d'incertitudes que nous traversons elle est pour nous porteuse d'un message de sérénité et d'espérance.
Sérénité, parce que nous ne sommes pas seuls et que nous ne serons jamais seuls, tant que notre souci restera d'accomplir le dessein du Père.
Ce que Dieu a fait garantit ce qu'Il fera ; s'il a livré son Fils pour nous, ce n'est pas pour nous ôter maintenant sa faveur ou cesser de nous regarder avec tendresse ! Dieu a scellé avec nous une Alliance, éternelle et chaque jour nouvelle, et si Lui est avec nous, qui pourrait imaginer venir à bout de notre fidélité ? si Dieu a décidé de faire de nous ses amis et ses messagers, qui pourrait se mettre en travers de notre route ?
Le Christ auprès de Dieu nous parle d'espérance.
D'abord parce qu'il nous promet une victoire aussi complète, étrange, paradoxale que la sienne. Le monde du refus aura beau nous bousculer, nous angoisser, nous persécuter, nous raconter que tout est perdu d'avance, « en tout cela nous n'avons aucune peine à triompher » (Rm 8), parce que Celui qui nous a aimés nous aime encore à la droite de Dieu.
Pour nous, comme les Apôtres, nous sommes témoins de cette victoire, « nous nous en allons prêcher en tout lieu », c'est-à-dire en un seul lieu à la fois, là où Dieu nous a placés et nous placera pour que nous y portions du fruit ; et le Seigneur ressuscité, le Seigneur « assis », agit avec nous ; il confirme la parole de notre témoignage.
L'espérance, promesse du Père, que Dieu suscite en notre cœur ne nous décevra jamais, car l'Esprit vit en nous pour l'entretenir chaque jour.
Puisque "nous sommes revêtus de la force d'en haut", puisque nous tenons, dans l'Esprit, le commencement de la vie éternelle, rien ne pourra nous séparer du Père et du Fils, si paisibles dans leur gloire, ni les inquiétudes, ni les critiques, ni les séquelles du passé, personnel, familial ou communautaire, ni les écroulements du présent, ni les menaces sur l'avenir, ni les statistiques, ni les sondages d'opinion, ni les étroitesses des hommes, ni même nos chutes et nos propres misères ; rien ne pourra nous séparer de l'amour que Dieu nous a manifesté en nous donnant le Christ à aimer et à servir.
« Il se fit reconnaître par eux
à la fraction du pain »
(Lc 24, 13-35)
« Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé. Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. » Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple : comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié. Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux. Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.
Deux hommes sur une route de banlieue. Deux hommes qui nous ressemblent comme des frères. Deux croyants, qui ont vécu avant nous l'aventure de la foi.
Tout commence pour eux par une initiative du Christ.
Ils ont espéré, et maintenant ils n'espèrent plus. La libération politique d'Israël n'a pas eu lieu ; le prophète Jésus est mort sans résistance, du supplice réservé aux criminels, en quelques heures, aux portes de la ville : c'est l'échec sur toute la ligne : la mort a vaincu une fois de plus.
Il y aurait bien une lueur d'espoir : des femmes du groupe prétendent que Jésus est vivant. Tout ce qu'on sait, c'est que le tombeau est vide : quelques-uns y sont allés voir ; mais lui, Jésus, ils ne l'ont pas vu.
Ainsi en va-t-il de nous, chaque jour. Nous avons entendu parler du Ressuscité, nous accueillons le témoignage de la communauté de Jésus, mais lui, nous ne le voyons pas. Nous le croyons lointain, et pourtant, invisiblement, il chemine avec nous ; jour après jour il reprend avec nous l'initiative du dialogue.
Et cette initiative d'amour prise par Jésus rend possibles la rencontre et la reconnaissance progressive.
L'inconnu qui a rejoint les deux disciples ne les aveugle pas de sa gloire, comme saint Paul fut aveuglé sur la route de Damas, il ne leur montre pas ses mains et ses pieds, il ne leur donne pas d'évidence facile : il les invite à écouter une parole déjà dite par Dieu, une parole qui commente divinement l'histoire de Jésus le Nazaréen et qui révèle le sens de ce qui s'est passé.
Il a plu à Dieu de sauver le monde par la folie de la Croix, en réservant à Jésus le destin mystérieux du Serviteur souffrant ; mais la folie de Dieu est suprême sagesse pour le salut des hommes. Et désormais la souffrance humaine change de signe : au lieu d'être source de révolte, elle devient chemin de rédemption.
Tout au long de la route, cette catéchèse de Jésus transforme le regard des disciples ; mais ils ne se rendent pas compte tout de suite de la " brûlure de leur cœur ", ni de la clarté qui est entrée en eux. Ils comprennent peu à peu. Ils ont suffisamment soif de la lumière pour retenir Celui qui l'apporte, mais ils ne le reconnaîtront, lui, qu'au moment où la liturgie de la parole débouchera sur la fraction du pain, au moment où la parole les introduira dans le sacrement.
Mystère de l'amitié : l'invité devient l'invitant ; l'invité donne en partage sa propre chair. Mais ce moment suprême où éclot la présence est également celui de la séparation. Comme Marie de Magdala, les deux hommes doivent saisir la présence dans l'absence, en faisant fond sur la parole de l'ami.
Il n'est pas question de voir, de toucher, de sentir la proximité ; il s'agit, par la parole et le sacrement, de communier à la vie du ressuscité.
Ainsi, l'initiative du Christ aboutit une fois de plus à une rencontre personnelle et vivifiante avec lui. Mais aussitôt ce dialogue avec le ressuscité s'épanouit en mission et en témoignage.
Ils étaient partis, tournant le dos à la ville de l'échec, abandonnant les frères à leur solitude. Mais, ayant rencontré Jésus, ils reviennent d'instinct à la communauté. Ils avaient fui la fraternité désemparée, fixée sur le souvenir d'un mort ; mais maintenant qu'ils ont rencontré le Vivant, ils se veulent à jamais solidaires de ceux qui croient en lui.
"Se levant, à cette heure même ils revinrent à Jérusalem, et ils trouvèrent réunis les Onze et ceux qui étaient avec eux".
« Ainsi est-il écrit que le Christ
ressusciterait le troisième jour »
(Lc 24, 35-48)
« En ce temps-là, les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Comme ils en parlaient encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux. Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : “Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.” » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. »
Une fois de plus le Ressuscité prend l'initiative.
La présence de Jésus n'est pas le fruit d'une déduction intellectuelle des Apôtres ni d'une autosuggestion. Ce ne sont pas les disciples qui s'imaginent ou se persuadent que Jésus est présent pour combler le vide affectif laissé par son absence : c'est Jésus qui manifeste sa présence, librement, volontairement, comme il veut et quand il veut.
Et cela reste vrai quotidiennement de notre expérience spirituelle. Il n'est pas en notre pouvoir de créer à volonté en nous-mêmes un sentiment de la proximité de Jésus ; et jamais une surchauffe du cœur humain dans la prière ne nous donnera des évidences immédiates qui nous dispenseraient de croire et d'espérer. C'est toujours Jésus qui a l'initiative et qui se manifeste comme vivant, en chacun de nous comme au milieu de nous tous ; et même l'Eucharistie n'abolit pas forcément toute impression d'absence, car entre le sacrement visible et la réalité invisible il n'y a pas d'immédiateté totale. Un espace reste ouvert, qui est celui de la foi.
Ce soir-là, il est vrai, Jésus a tout fait pour aider les disciples à le reconnaître :
« Voyez, regardez, mes mains, mes pieds ; constatez cette chair, ces os ».
« Touchez-moi ; rendez-vous compte par vous-mêmes ; prenez des preuves tangibles ».
Et même, Jésus exprès reprend contact avec les choses de notre univers : il mange devant tous un morceau de poisson.
Mais tous ces gestes ne font que traduire extérieurement deux mots essentiels que prononce Jésus : « C'est moi ; c'est bien moi ! » Ce qui veut dire : « Moi, le Ressuscité qui vous parle, je suis Jésus de Nazareth. Moi, le Nazaréen, je suis le Seigneur pour aujourd'hui et pour l'avenir ».
Ainsi, en traversant la mort, Jésus est resté le même, bien qu'il vive différemment ; et ce lien entre le passé et le présent est essentiel au message de Pâques. Jésus souligne le lien vital qui existe entre son passé d'humilité et de souffrance et son aujourd'hui de gloire, entre le mystère de son passage pascal et les promesses répétées de Dieu dans l'ancienne alliance. En ouvrant l'esprit des disciples à l'intelligence des Écritures, il leur découvre la cohérence du dessein de Dieu, la divine sagesse de la folie du Père, et par là même il nous révèle le sens de notre propre destin : la reconnaissance du ressuscité permet la reconnaissance de nous-mêmes comme serviteurs souffrants promis à la résurrection.
Mais cette lumière nouvelle qui transfigure notre existence personnelle est destinée également à illuminer le destin du monde. Et c'est pourquoi, comme pour Marie de Magdala près du tombeau, comme pour les deux voyageurs d'Emmaüs, cette nouvelle rencontre du Ressuscité débouche pour les Onze sur une mission nouvelle. « C'est vous, dit Jésus, qui êtes témoins de tout cela ».
C'est nous qui sommes témoins...
Témoins que les souffrances du Messie ont eu un sens.
Témoins que la résurrection de Jésus donne sens à toute l'histoire humaine.
Témoins de la conversion nécessaire pour le pardon de Dieu et pour la vie authentique.
« Les enfants, auriez-vous
quelque chose à manger ? »
(Jn 21, 1-14)
« En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien. Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples. »
Aux heures d’incertitude et de désarroi, dans la vie personnelle, familiale ou communautaire, il est souvent sage et sain de continuer à marcher sur la route toute simple du quotidien et à partir des éléments habituels de notre fidélité.
C’est bien ainsi que Pierre a réagi en Galilée. Il sentait un certain flottement dans l'esprit des disciples. Tous étaient encore sous le choc des événements, et leur foi dans le Ressuscité demeurait encore bien timide. De plus Pierre percevait bien que l’inaction pouvait désagréger les personnes.
Et nous le voyons prendre une décision inattendue, qui révèle à la fois son tempérament de chef et sa santé spirituelle : "Je vais à la pêche !". Les autres n’attendaient que cela : "Nous allons aussi avec toi !"
Il fallait prendre cette initiative. En attendant des directives précises de Jésus, en attendant sa présence plus sensible, Pierre propose de retrouver dans un travail d’équipe les automatismes d’autrefois. C’est vigoureux. C’est dynamisant ...et pourtant ils vont peiner toute une nuit sans rien prendre.
Mais Jésus les rejoint tous ensemble au moment de l’effort infructueux, et il se fait reconnaître par des signes qu’il donne au niveau de l’action entreprise : D’abord l’abondance de la pêche, la surabondance annoncée par les prophètes pour les jours du Messie et que les disciples ont connue déjà à Cana et lors de la multiplication des pains, et surtout la disproportion de ce que Jésus donne en quelques instants avec les échecs répétés tout au long de la nuit. Quand Jésus exauce, c’est toujours royal.
Tous voient la pêche, tous mesurent la réussite, mais un seul devine, un seul a immédiatement l’éclair de la foi, celui qui depuis toujours s’efforçait d’entrer dans le style de Jésus, celui qui était suffisamment pauvre de lui-même pour percevoir les signes de Jésus au ras des événements, au creux du quotidien ;
"C’est le Seigneur !". Immédiatement on entend un plongeon, puis l’on voit des gerbes d’eau qui foncent vers le rivage. Le disciple que Jésus aimait a été le premier à voir et à dire ; mais Pierre a été le seul à se jeter à l’eau, comme pour s’y laver de ses reniements avant de rencontrer le regard de Jésus. Il avait péché plus lourdement : il serait le premier à revenir ; et il allait faire ce jour-là, au petit matin, l’expérience merveilleuse du pardon de Jésus.
Dans le court dialogue qu’ils auront après le repas, Jésus ne lui fait aucun reproche. Le passé n’est même pas évoqué ...cette fameuse nuit où par trois fois Pierre avait déclaré : "Je ne connais pas cet homme !" Le mot pardon n’est même pas prononcé, et c’est en redisant trois fois son amour pour le Christ que Pierre se découvre pardonné, transfiguré, recréé par un amour plus puissant que toutes les morts spirituelles.
Il ne pourra pas effacer sa chute, oublier son heure de faiblesse ni la faiblesse qui l’habite à toute heure ; mais désormais sa trahison ne reviendra plus à sa mémoire que sertie dans le pardon, reprise et lavée dans la miséricorde de Jésus.
"Simon, Simon, j’ai prié pour toi, disait Jésus quelque heures avant de mourir, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu (converti), affermis tes frères" (Lc 22,31s). C’est un homme tombé qui va devenir la pierre de fondation de l’Église. C’est un homme capable de lâcheté que le Ressuscité va établir pasteur de son propre troupeau. Pierre sera berger pour le compte du "chef des bergers", au service du Berger modèle, et il ira, lui aussi, jusqu’à donner sa vie pour le troupeau de Jésus.
C’est ainsi, à l’imitation du Seigneur, que dans sa mort il va "glorifier Dieu" (v.19).
« Son témoignage est vrai »
(Jn 21, 20-25)
« En ce temps-là, Jésus venait de dire à Pierre : « Suis-moi. » S’étant retourné, Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait. C’est lui qui, pendant le repas, s’était penché sur la poitrine de Jésus pour lui dire : « Seigneur, quel est celui qui va te livrer ? » Pierre, voyant donc ce disciple, dit à Jésus : « Et lui, Seigneur, que lui arrivera-t-il ? » Jésus lui répond : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi. » Le bruit courut donc parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas. Or, Jésus n’avait pas dit à Pierre qu’il ne mourrait pas, mais : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? » C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que son témoignage est vrai. Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait. »
Ce que l’Eglise nous fait lire dans la finale de l'Évangile de Jean, c’est une sorte d’évangile de l’amitié :
- amitié des apôtres galiléens qui partent pour la pêche - amitié de Jésus, le Ressuscité, qui partage avec eux un repas de pain et de poisson - amitié de Pierre pour Jésus, réaffirmée trois fois après le triple reniement - amitié de Jésus pour Pierre, qui le suivra jusqu’à la mort violente - amitié, enfin, de Pierre et de Jean, nouée depuis longtemps à la pêcherie, au bord du lac, et que Jésus a mainte fois mise à profit en vue du Royaume.
Pierre aurait pu se contenter de la consigne que Jésus lui laissait : « Toi, Pierre, suis-moi ! », consigne qui était à la fois un programme de vie et une prédiction sur sa mort ; mais Pierre, qui se soucie de Jean, son ami, s’enhardit à demander à Jésus : « Et lui, Seigneur ? »
La réponse de Jésus reste volontairement vague pour l’avenir : "Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ! Toi, suis-moi !". Apparemment ces paroles de Jésus ne concernent que les deux disciples ; en fait elles contiennent pour nous tous, disciples du Seigneur, une grande leçon de liberté spirituelle.
Pierre et Jean sont tous deux les amis du Seigneur, et même tous deux des amis privilégiés ; or leurs destins seront très différents : Pierre, berger du troupeau, n’aura pas le temps de sentir la fatigue d’une vie de prédication, il mourra sous Néron ; Jean sera le témoin de Jésus dans la durée, il aura à transmettre la flamme de la révélation aux deux générations suivantes. Ainsi, à ses amis, à ses témoins, Jésus ne demande ni la même vie, ni la même mort ; et la conséquence pour nous est immédiate : nous n’aurons à copier la mort de personne sur terre, et nous n’avons aucune vie à imiter. Nous n’avons pas à regarder autour de nous, à droite ou à gauche, pour apprendre comment moduler notre réponse à Dieu, et il serait illusoire de chercher des repères pour nous-mêmes dans le cheminement des autres. "Que t’importe ce que j’attends de l’autre, nous dit Jésus. Toi, suis-moi !". À quoi fera écho la consigne de Paul : "Que chacun donne comme il a résolu dans son cœur".
Nous ne pouvons ni prévoir ni mesurer ce que Dieu donne aux autres et ce que Dieu demande à d’autres, parfois proches de nous et très chers. Jésus adresse à chacun/e un appel précis, personnel, singulier, et personne ne peut jauger la fidélité d’autrui. L’important, pour tout disciple, est de ne pas mettre de limites à sa propre réponse : "Toi, suis-moi !"
Certes les chrétiens prennent souvent des engagements tout-à-fait similaires : deux époux se promettent fidélité et soutien, au sein d’un unique foyer; les consacré(e)s d’un même ordre promettent tous à Dieu la pauvreté et l’obéis¬sance dans le cadre parfaitement repérable d’une même institution; et il est clair que ces promesses faites à Dieu demeurent la pierre de touche de la fécondité ou du vide de nos existences: "Toi, suis-moi. C’est ton devoir de me suivre, et c’est ton vrai bonheur". Mais la mesure, la pesée, le discernement, ne valent qu’à l’intime de chaque conscience. Je ne puis absolument pas, à partir de ce que Dieu me demande, deviner ni mesurer ce qu’il demande à l’autre.
Le sérieux ou la misère de notre réponse à Jésus est finalement affaire personnelle ; c’est le test de notre amour pour lui, et nous ne pouvons ni nous en remettre paresseusement à la fidélité des autres, ni tirer un alibi de leurs faiblesses.
Nous sommes toujours tentés de lire notre vie dans le miroir de l’opinion des autres ou de lire leur vie au miroir de notre propre senti. Jésus nous ôte doucement le miroir des mains : "Que t’importe ! Toi, suis-moi".