PÉCHÉ ET
PARDON DE DIEU
Sommaire de la page
La miséricorde de Dieu qui pardonne les fautes à ceux qui se repentent
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Pourquoi commettons-nous le mal ?
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Reconnaître ses fautes et demander le pardon de Dieu
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Je vous pardonne tous vos péchés
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Comment se déroule une confession ? Comment se confesser ?
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Le pardon de Dieu, sa Divine Miséricorde ou compassion, telle qu'il l'a révélée à Sainte Faustine
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Évangiles commentés sur le thème du pardon du péché
Dieu n'est pas celui que vous imaginez peut-être, en raison des clichés. Il n'est pas cette puissance vengeresse et accusatrice, le doigt levé et menaçante, prête à punir sévèrement les hommes de tous leurs travers et des fautes qu'ils commettent. Au contraire, Dieu est et agit comme un Père plein de Bonté, d'Amour et de Miséricorde pour l'humanité. Ensuite seulement, il est Justice et il lui arrive alors de châtier lorsque nous faisons mal et transgressons la morale et notre conscience. Comme un Père le fait pour le bien de son enfant. Les plus grands saints étaient aussi des pécheurs, mais c'est parce qu'ils le reconnaissaient et qu'ils luttaient contre le mal qu'ils ont été sanctifiés. Et Dieu a mis en place des procédés pour que chaque homme puisse se faire pardonner ses péchés.
Pourquoi commettons-nous le mal ?
Le péché et le pardon des péchés sont clairement traités dans la Bible.
Satan, l'ange ennemi, s'est révolté contre Dieu qui nous avait créés saints mais libres (y compris d'agir contre lui). Le diable a juré d'entraîner avec lui, dans sa perte, les hommes. Il est parvenu à faire chuter l'homme en lui faisant douter de la bonté de Dieu. L'homme a alors perdu sa sainteté originelle et, en raison de la justice de Dieu, nous avons mérité la mort éternelle.
Nous continuons à être tentés à chaque instant (par exemple de ne penser égoïstement qu'à nous et de vouloir être le centre du monde) et Satan cherche aussi à convaincre que Dieu n'existe pas.
Dieu n'est donc pas responsable du mal puisqu'il a créé l'homme libre tout en éveillant sa conscience au bien et au mal : à chaque instant, nous avons le choix, celui de faire le choix de faire bien ou de faire le mal. Nous portons donc nous-mêmes la responsabilité de nos choix. Dieu est infiniment respectueux de cette liberté, c'est d'ailleurs pourquoi il ne fait pas de méga-miracle visible de tous, ce qui aurait pour conséquence immédiate d'obliger chacun à croire en lui. Dieu est bien plus subtil.
Infiniment saint, Dieu ne supporte pas le péché (les fautes) qui sont une transgression de sa nature sainte et de sa loi, mais il aime tout aussi infiniment ceux qui commettent ces fautes, les hommes, d'autant plus qu'ils sont les victimes de l'ennemi. Et en quelque sorte, chaque péché cloue une fois de plus Jésus à la croix.
Dieu avait prévu l'éventualité de la chute de l'homme bien avant la création. Aussi, pour contrecarrer Satan et par amour des hommes, Dieu le Père a envoyé son Fils, Jésus, notamment pour racheter toutes nos fautes. Incarné en homme, Jésus, c'est-à-dire Dieu lui-même, en acceptant librement de se charger de tous nos péchés et de mourir sur la croix, nous a alors ouvert la possibilité d'éviter une mort éternelle dans le mal. C'est la rédemption. La croix est ainsi le symbole de la victoire de Dieu sur Satan. À vous, donc, de saisir votre chance pour bénéficier de cette victoire, malgré toutes vos fautes !
Pour cela, il faut reconnaître que Jésus le Christ est Seigneur et Rédempteur, il faut mettre en pratique ses commandements et demander fréquemment à Dieu le pardon.
Reconnaître ses fautes
et demander le pardon de Dieu
Dieu demande que chacun mette son orgueil de côté et se fasse petit en reconnaissant sa culpabilité, puis, une fois cet état de fait accepté sans en faire un drame, qu'on lui en demande pardon régulièrement, notamment par le sacrement de réconciliation (confession). Admettre qu'on a commis le mal est un abaissement de l'orgueil, de l'ego, car il n'est jamais facile de reconnaître qu'on a mal fait, que l'on a eu tort.
Dieu pardonne car sa miséricorde est infinie et surpassera toujours le mal, même le plus absolu. Il a pardonné à l'apôtre Pierre, qui l'avait renié trois fois. Croyez-vous qu'il ne puisse vous pardonner ? Dieu pardonne, mais il pardonne à ceux qui se repentent sincèrement avant leur mort.
Dieu pardonne tout les péchés, même les péchés graves et mortels. Encore faut-il demander pardon à Dieu en effectuant une vraie confession et en regrettant les fautes. Il n'y a pas réellement de péché impardonnable, le seul péché qui ne puisse être pardonné étant celui de refuser la grâce de Dieu, aussi bien son amour que son pardon, en ayant connaissance de leur existence.
« Je vous pardonne tous vos péchés »
Comment se déroule une confession, comment se confesser ?
Il faut dire et redire la joie de Dieu de pardonner et de sauver !
Jésus est mort pour cela. Pour nous pardonner et nous donner la preuve de l'immense amour de Dieu. Dire devant Dieu ses péchés, c'est mettre en valeur la grandeur de son pardon. Sainte Thérèse de Lisieux a dit : « Quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus. »
Le prêtre n'est pas là pour juger mais est il fait office d'intermédiaire avec Jésus, présent. Ce n'est pas au prêtre que l'on confesse le mal que l'on a fait, mais à Jésus directement.
Au début d'une confession, le prêtre fait le signe de croix, puis la personne dit au prêtre depuis combien de temps elle ne s'est pas confessée (si c'est la première confession ou bien si l'on ne s'est pas confessé depuis longtemps, surtout ne pas craindre, Jésus et le prêtre sont là pour aider, et surtout pas pour condamner !). La personne dit :
« Pardonnez-moi mon Père car j'ai péché » en s'adressant donc à Jésus et au Père Éternel à travers le prêtre.
Ensuite, la personne énumère, sans s'étendre en détail, ce qu'elle considère avoir fait de mal sans rien oublier. Elle peut terminer en ajoutant qu'elle demande au Christ de lui pardonner les péchés dont elle pourrait ne pas se souvenir à l'instant. Si, après une confession, on se souvient d'une faute, on doit la confesser lors de la confession suivante. Car au moment de la mort, c'est le diable, et non pas Dieu, qui accuse devant Dieu pour la moindre faute, et comptez-sur lui pour ne rien oublier ! Donc toute faute dont on pourrait se souvenir et non confessée la fois d'après serait une outil entre les mains de Satan contre vous dans l'éventualité où le moment de votre mort soit arrivé.
La confession n'est valide que si la personne regrette vraiment ses péchés.
À la fin de la confession, le prêtre prononce une phrase extrêmement puissante in persona Christi (dans la personne du Christ) : « Je vous pardonne tous vos péchés » C'est le prêtre qui parle mais c'est le Christ qui pardonne, et il faut absolument se rappeler qu'IL est présent lors de chaque confession.
Dieu ne cesse de nous tendre la main et s'offre à nous comme la véritable sécurité et providence.
Ne craignez jamais de vous confesser. La confession, également appelée sacrement de réconciliation, est un puissant sacrement pour vous blanchir et vous rendre saint. Abusez de la confession, au moins une fois par mois si possible. Et souvenez-vous que les prêtres en ont entendu d'autre et rien de ce que vous avez fait ne peut les étonner.
Sitôt le pardon accordé, dites ou faites la pénitence que le prêtre vous a éventuellement demandée, et, en silence, remerciez Jésus de tout votre cœur d'être mort douloureusement sur la croix pour avoir racheté tous les péchés que vous venez de lui présenter.
Dieu est pressé de vous pardonner !
Le pardon des péchés par Dieu tel que révélé à Sainte Faustine
« Aucun péché, même si c’était un abîme de méchanceté, ne pourra épuiser ma miséricorde. »
« Je désire que les pécheurs viennent à moi sans aucune crainte. »
Jésus à Sainte Faustine : « Écris : Je suis trois fois saint et j’ai du dégoût pour le plus petit péché. Je ne peux aimer une âme souillée par le péché, mais lorsqu’elle se repent, il n’y a pas de limites à la largesse que j’ai envers elle. Ma miséricorde l’enveloppe et la justifie. Je poursuis de ma miséricorde les pécheurs sur tous leurs chemins et mon Cœur se réjouit quand ils reviennent vers moi. J’oublie les amertumes dont ils abreuvaient mon Cœur, et je me réjouis de leur retour.
Dis aux pécheurs qu’aucun n’échappera à ma main. S’ils fuient mon Cœur miséricordieux, ils tomberont dans les mains de ma justice. Dis aux pécheurs que je les attends toujours, je prête une oreille attentive aux battements de leur cœur quand il bat pour moi. Écris que je leur parle par leurs remords de conscience, par les insuccès et les souffrances, par les orages et la foudre, je leur parle par la voix de l’Église…
Les plus grands pécheurs arriveraient à une haute sainteté, si seulement ils avaient confiance en ma miséricorde. Mes entrailles débordent de miséricorde et elle est répandue sur tout ce que j’ai créé. C’est mon délice d’agir dans l’âme humaine, de la combler de ma miséricorde et de la justifier. »
(Sainte Faustine, Petit Journal).
Jésus à Sainte Faustine : « Pour punir, j’ai toute l’éternité, mais à présent je prolonge encore le temps de ma miséricorde. Je ne punis que si l’on m’y oblige. Je désire que les pécheurs viennent à moi sans aucune crainte. Les grands pécheurs ont tout particulièrement droit à ma miséricorde. Je me réjouis lorsqu’ils prennent refuge en ma miséricorde. Je les inonde d’amour, bien au-delà de leurs attentes…
C’est pour eux que je suis venu sur cette terre ; pour eux que j’ai versé mon sang. Je ne peux punir celui qui s’en remet à ma miséricorde.
Aucun péché, même si c’était un abîme de méchanceté, ne pourra épuiser ma miséricorde ; car plus on y a recours, plus elle se répand en abondance.
Le pécheur qui viendra se réfugier en ma miséricorde me glorifiera et honorera mes souffrances, fussent ses forfaits noirs comme la nuit. À l’heure de sa mort, je le défendrai moi-même comme mon honneur.
Le plus grand pécheur désamorce ma colère lorsqu’il fait appel à ma compassion. Je lui fais droit par ma miséricorde insondable et infinie. »
(Sainte Faustine, Petit Journal).
Pour en savoir plus sur le message de Jésus à Sainte Faustine concernant l'immensité de la Miséricorde de Dieu, les nombreuses grâces qu'il a promises à ceux qui la prieront, les prières et invocations pour le pardon des péchés, lire la page Prier la Divine Miséricorde
Évangiles sur le thème du péché
et du pardon de Dieu
« Augmente en nous la foi ! »
(Lc 17, 1-6)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Il est inévitable que surviennent des scandales, des occasions de chute ; mais malheureux celui par qui cela arrive ! Il vaut mieux qu’on lui attache au cou une meule en pierre et qu’on le précipite à la mer, plutôt qu’il ne soit une occasion de chute pour un seul des petits que voilà. Prenez garde à vous-mêmes ! Si ton frère a commis un péché, fais-lui de vifs reproches, et, s’il se repent, pardonne-lui. Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras. » Les Apôtres dirent au Seigneur :
« Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. »
Il est normal que le monde où règne le mal soit rempli de scandales et d'occasions de chute. Mais qu'un chrétien puisse être en piège à de plus faibles que lui est une chose infiniment triste… et solennelle pour lui.
Celui qui pardonne (ch. 7 v. 48 lc 7.36-50) enseigne ici comment pardonner (v. 3, 4). Toutefois les apôtres sentent que pour agir selon ces principes de grâce ils ont besoin de plus de foi et ils la demandent au Seigneur. Il leur répond qu'une autre vertu est indispensable: l'obéissance, parce que c'est dans la connaissance et dans l'accomplissement de la volonté de Dieu que nous pourrons compter sur Lui. Oui, la foi ne se sépare pas de l'obéissance ni celle-ci de l'humilité. Esclaves inutiles: c'est ce que nous devons penser de nous-mêmes, car Dieu peut travailler sans nous et s'Il nous emploie c'est pure grâce de sa part. Mais ce n'est pas ce que le Seigneur pense de ceux qui sont ses amis (comp. v. 7, 8 et ch. 12 v. 37 lc 12.35-40; Jean 15:15 j 15.12-17).
Enseignement à pardonner
(v. 1-4). — Dans ce monde où le mal domine, Jésus dit qu’il est impossible qu’il n’arrive pas des occasions de chute (ou scandales). Un scandale est un acte par lequel on entraîne au mal quelqu’un qui cherche à marcher dans le bien, chose tout particulièrement grave s’il s’agit de personnes jeunes dans la foi. C’est ce que Satan cherche à faire envers tous par des moyens très divers. Lorsqu’il n’y aura plus que le bien, quand le Fils de l’homme aura ôté tous «les scandales et ceux qui commettent l’iniquité» (Matthieu 13:41), il n’y aura plus d’occasion de chute. En attendant, malheur à ceux par qui elles ont lieu.
Ce qui honore Dieu au milieu d’un monde qui l’oublie, c’est la foi; elle doit caractériser le croyant avec la simplicité d’un petit enfant, qui a une si grande valeur pour Dieu. Jésus dit qu’il vaudrait mieux être jeté dans la mer avec une meule d’âne au cou que de scandaliser un de ces petits (v. 2), paroles bien solennelles et qui nous font comprendre la gravité d’un tel mal aux yeux de Dieu. Hélas! les occasions de chute ne proviennent pas du monde seulement, mais aussi des chrétiens qui se permettent des actes mauvais; d’autres n’auraient pas eu peut-être la liberté de les commettre, mais s’autorisent d’eux pour en faire autant. C’est pourquoi Jésus dit: «Prenez garde à vous-mêmes» (v. 3). Il faut veiller sur soi, afin de n’être pas une occasion de chute en tombant soi-même, se juger constamment et contrôler sa voie à la lumière de la Parole de Dieu, être sévère pour soi et plein de grâce envers ses frères qui peuvent manquer aussi. Le Seigneur ajoute: «Si ton frère pèche, reprends-le, et s’il se repent, pardonne-lui; et si sept fois le jour il pèche contre toi, et que sept fois il retourne à toi, disant: Je me repens, tu lui pardonneras» (v. 3-4). Cela veut dire qu’il faut toujours pardonner, agir envers ceux qui ont manqué comme Dieu l’a fait envers nous. La grâce dont nous sommes les objets doit nous caractériser dans toutes nos voies. On remarquera que, si le pardon doit être accordé, au besoin, sept fois le jour, c’est seulement si le coupable exprime sa repentance: «Si sept fois le jour il pèche contre toi, et que sept fois il retourne à toi, disant: Je me repens, tu lui pardonneras». Il faut porter un véritable intérêt à celui qui a manqué en s’assurant que l’œuvre de la repentance a eu lieu chez lui, s’il a eu à faire avec Dieu au sujet de son péché pour en être purifié; car pardonner sans cela, c’est encourager le mal; le jugement de soi-même est le moyen de ne pas tomber de nouveau. En cela, comme en toutes choses, il faut être imitateur de Dieu qui pardonne toujours, mais après la confession du péché (voir Psaume 32:5; 1 Jean 1:9). Il est dit aussi en Ésaïe 26:10: «Si l’on use de grâce envers le méchant, il n’apprend pas la justice; dans le pays de la droiture il fait le mal, et il ne voit pas la majesté de l’Éternel». Cependant, si pour faire connaître son pardon, il faut qu’il y ait eu repentance, cela ne veut pas dire qu’il faut attendre ce moment-là pour pardonner dans son cœur; on attendra pour faire connaître le pardon, mais par devers soi on doit pardonner aussitôt la faute connue; malheureusement cela n’arrive pas toujours. Nous attendons le plus souvent de voir des dispositions à la repentance pour être nous-mêmes disposés à pardonner, tandis que, avec l’esprit de grâce dans lequel nous devons vivre, le pardon doit avoir lieu immédiatement. Nous devrions attendre avec une sorte d’impatience le moment de pouvoir le faire connaître au coupable, dès que nous entendons ce petit mot, souvent difficile à dire: «Je me repens». Il va sans dire que le pardon est sans retour; comme Dieu l’a fait envers nous, disant: «Je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités» (Hébreux 10:17).
Ce que dit la bouche,
c’est ce qui déborde du cœur »
(Lc 6, 43-49)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. Et pourquoi m’appelez-vous en disant : “Seigneur ! Seigneur !” et ne faites-vous pas ce que je dis ? Quiconque vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il ressemble. Il ressemble à celui qui construit une maison. Il a creusé très profond et il a posé les fondations sur le roc. Quand est venue l’inondation, le torrent s’est précipité sur cette maison, mais il n’a pas pu l’ébranler parce qu’elle était bien construite. Mais celui qui a écouté et n’a pas mis en pratique ressemble à celui qui a construit sa maison à même le sol, sans fondations. Le torrent s’est précipité sur elle, et aussitôt elle s’est effondrée ; la destruction de cette maison a été complète. »
L'Évangile d'aujourd'hui associe deux paroles assez différentes de Jésus. L'une concerne l'authenticité du chrétien, l'autre la stabilité de sa vie spirituelle.
Chaque arbre se reconnaît à ses fruits : il y a là une sorte de logique nécessaire que personne ne peut enfreindre. Les fruits ne s'improvisent pas. De cette vérité de tous les jours le Christ tire une leçon pour ses disciples, car il dépend de nous d'être un arbre sain ou un arbre parasité.
On peut changer ses propres fruits, mais seulement si l'on devient un arbre nouveau ; et par ailleurs il est impossible de changer les fruits un par un au bout des branches : c'est le bois et la sève qu'il faut convertir.
On peut aussi choisir d'être ronce plutôt que vigne, mais il faut savoir qu'alors le Christ ne viendra plus chercher de raisin, et s'il a besoin de figues, il ne viendra pas du côté de nos épines.
Opter pour une qualité d'arbre, pour une qualité de vie, c'est opter pour une qualité de relations avec le Christ. Jésus souligne donc, par sa parabole, le sérieux de nos choix. Et il y insiste encore lorsqu'il parle en clair de l'homme bon et de l'homme mauvais : de même que l'arbre conditionne les fruits, de même le cœur conditionne les paroles, et le trésor du cœur tout ce que l'homme y puise.
Mais le Christ ne pose jamais une exigence sans y joindre un encouragement. C'est pourquoi il a commencé par affirmer : "Jamais un arbre mauvais ne donne de bons fruits". Si donc on trouve des grappes, sûrement c'est un pied de vigne ! Ce n'est peut-être pas du muscat, mais à coup sûr ce ne sont pas des épines.
Dès lors, si nous doutons de la valeur de notre existence, même quelques pauvres fruits peuvent nous rassurer : si les fruits sont authentiques, c'est que la souche est bonne.
Jésus passe ensuite au thème de la stabilité, grâce à l'image de la maison.
Pour bâtir solide, il faut aller profond et rejoindre le roc. Ainsi fait celui qui ne se contente pas d'écouter la parole du Seigneur, mais qui donne de la profondeur à sa vie et se laisse transformer par le message reçu. Les velléités ne suffisent pas, non plus qu'une prière où la volonté ne parvient pas à s'affermir. Qui dit enracinement et stabilité dit à la fois écoute et engagement concret au service du Maître qui parle. La Madre Teresa appelait cela "être déterminée", et elle y voyait pour ses filles un signe de vocation.
Le Seigneur a besoin de maisons qui tiennent, surtout en cette période de la vie de l'Église où le moindre orage fait bondir les torrents hors de leurs berges, comme les oueds de Palestine. En un instant l'eau se répand, à l'aveugle, dans toute une contrée, dans tout un secteur de l'Église, bousculant les constructions, ravinant les sols, noyant tout ce qui vit ; et pour longtemps parfois tout ce secteur va offrir un spectacle de désolation. À ces moments-là rien ne demeure intact, rien n'échappe à l'inondation: c'est une question de niveau, et il faut attendre que l'eau se retire.
Alors demeurent debout, pour accueillir tous les sauvés, les maisons bâties sur le roc, les croyants qui ont fait fond sur Dieu, et les communautés "enracinées, fondées sur l'amour". Et quand bien même les superstructures auraient à souffrir, il faut à tout prix assurer le soubassement, selon la consigne que la grande Thérèse a laissée aux sœurs et aux frères du Carmel :
"Si l'on voit l'Ordre perdre quelque chose de sa ferveur primitive, on doit travailler à être comme une pierre de fondation sur laquelle sera rebâti l'édifice, et le Seigneur donnera son secours pour nous amener à réussir"
« Ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? »
(Lc 12, 13-21)
« En ce temps-là, du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Jésus lui répondit : « Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? » Puis, s’adressant à tous : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. » Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. Il se demandait : “Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.” Puis il se dit : “Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.” Mais Dieu lui dit : “Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?” Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. »
Du temps de Jésus, on recourait volontiers à l'arbitrage des rabbins, même pour des contentieux qui n'avaient rien à voir avec les saintes Écritures ; et c'est sans doute le prestige de son enseignement qui vaut à Jésus cette demande un peu insolite : "Dis à mon frère de partager avec moi notre héritage". Probablement l'aîné de la famille voulait-il garder l'héritage indivis.
Jésus refuse tout net de se substituer au notaire ou au juge. Il élève le débat, et répond au niveau du sens de la vie : "Gardez-vous de l'envie d'avoir toujours plus", "d'ailleurs les biens d'un homme ne lui garantissent pas la vie".
Suit, dans l'Évangile de saint Luc, la parabole du riche insensé. Il s'agit, notons-le, d'une richesse honnêtement acquise : la richesse d'un homme dont la terre a bien rapporté. Quels vont être les réflexes de cet homme devant la chance, devant une surabondance inespérée ?
D'abord il veut se mettre à l'abri des aléas. Sécurité d'abord : il va constituer des réserves, et investir dans la construction de nouveaux greniers, pour garder constamment la main sur ses richesses. Il va donc pouvoir échapper à la crainte. Même si une mauvaise année survient, le volant sera suffisant pour que la catastrophe ne menace plus jamais.
L'autre réflexe suit logiquement : puisque le souci s'éloigne, l'homme va enfin profiter : "Je me dirai à moi-même : Te voilà avec quantité de biens pour de longues années. Repose-toi, mange, bois, fais bombance". Et l'homme s'installe pour des vacances perpétuelles.
"Insensé", lui dit Dieu. Insensé, nabal, c'est le vieil adjectif traditionnel par lequel les sages d'Israël désignaient l'homme qui vit pratiquement sans référence à Dieu. Dans cette parabole, Jésus fait parler Dieu lui-même, et la question que nous entendons nous atteint d'autant plus profondément : "Cette nuit même je vais te redemander ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l'aura ?" Qui l'aura quand tu ne seras plus là pour t'en servir et en profiter ? Qui l'aura quand la vie terrestre aura cessé pour toi ?
Rien de plus sensé, pourtant, que le calcul de cet homme riche, qui misait avant tout sur la sécurité. Le calcul n'était pas faux, mais en réalité l'essentiel de l'homme échappe à tout calcul ; et il n'y a de sécurité pour personne face à la mort. Elle se présente, obstinée, inattendue, importune, comme la limite absolue qui oblige à donner un sens à la vie, au travail, à toutes les expressions du bien-être et de la joie.
Les années passent, et l'on engrange des joies, du confort, des réussites ; on entasse des habitudes et des souvenirs, on multiplie ses assurances sur le bonheur, et à force de vivre au milieu des choses on finit par oublier qu'elles n'auront qu'un temps.
Bien loin de dévaluer les réalisations et les projets de l'homme, cette offre de Dieu donne à l'existence tout son prix et à la charité toute son urgence, car si au-delà de la mort quelqu'un nous attend, si déjà notre passage sur terre peut nous établir dans son amitié, alors chaque journée devient une aventure de fidélité, une page de notre amour pour Dieu, toute remplie de service et d'attention pour nos frères.
D'où vient que ces perspectives d'un au-delà des choses, d'un au-delà de la mort, nous paraissent souvent si étranges, et comme en porte-à-faux sur le réel de notre vie ?
Ne serait-ce pas le signe que nous sommes déjà installés dans l'illusion, et que nous avons misé sur ce que nous avons, au détriment de ce que nous sommes et de ce que nous serons ?
Parce que disciples de Jésus, nous sommes témoins, inlassablement, d'une qualité de la vie : "Déjà nous sommes fils de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté" (1 Jn 3,2). Les paroles de Jésus sur l'au-delà nous dérangent, parce qu'elles nous empêchent de nous dissoudre dans le rêve ; mais quelle chance, en réalité, que cette insécurité que Jésus nous apporte, insécurité dans la certitude ! Quelle chance, au milieu du tourbillon de notre existence, au moment où nous sommes tentés de refermer les mains sur l'immédiat, de percevoir en nous la voix d'un Dieu Père, qui nous murmure, avec bonté et humour : "Insensé(e) ..."
Ce que Jésus vise dans sa parabole, c'est le réflexe d'accumuler les biens et la tentation de s'appuyer sur des réserves matérielles pour vivre sans horizon, sans projet fraternel, au niveau de la jouissance immédiate. Si l'on "s'enrichit pour soi-même", comme dit Jésus, rien de ce trésor ne passera dans la vie définitive ; mais si un croyant s'enrichit "en vue de Dieu", s'il met toutes les ressources de son intelligence et de son cœur au service du dessein de Dieu sur lui et sur le monde, sa gérance généreuse libérera son cœur, et son trésor d'amour l'attendra près de Dieu.
« Ce qui sort de l’homme,
voilà ce qui rend l’homme impur »
(Mc 7, 14-23)
« En ce temps-là, appelant de nouveau la foule, Jésus lui disait : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. » Quand il eut quitté la foule pour rentrer à la maison, ses disciples l’interrogeaient sur cette parabole. Alors il leur dit : « Êtes-vous donc sans intelligence, vous aussi ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans l’homme, en venant du dehors, ne peut pas le rendre impur, parce que cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, pour être éliminé ? » C’est ainsi que Jésus déclarait purs tous les aliments. Il leur dit encore : « Ce qui sort de l’homme, c’est cela qui le rend impur. Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »
"Tous les aliments sont purs".
Cet enseignement du Christ, qui nous semble si évident, représentait, à l'époque, une révolution spirituelle.
Jésus venait réaffirmer en quelque sorte l'optimisme de la Genèse : à la fin de chaque journée de création, Dieu avait vu "que cela était bon". De même Jésus proclame que rien du monde matériel n'est mauvais en soi, qu'il n'y a pas de frontière dans le monde entre des choses qui mènent à Dieu et des choses qui éloignent de lui.
La création n'est pas compartimentée, ni en partie interdite : l'homme est vraiment roi et libre dans la création de Dieu ; l'œuvre de Dieu est assortie aux besoins de l'homme : la nourriture est faite pour son corps, et il n'y a pas à introduire des dissonances là où Dieu a créé l'harmonie.
Ainsi la source du mal ne se trouve pas dans les choses, mais dans le cœur de l'homme. Pour les croyants de la Bible, donc pour Jésus, le cœur servait autant à aimer qu'à comprendre, autant à vouloir qu'à ressentir. C'est donc le cœur humain, et lui seul, qui prend l'initiative du mal, et c'est l'intention du cœur de l'homme qui fausse sa relation aux choses, au corps, aux personnes.
Et le Seigneur d'énumérer une longue série de misères, qui se ramènent toutes à deux tendances pécheresses : L'égoïsme jouisseur, l'agressivité incontrôlée ou entretenue.
Si l'ascèse est nécessaire dans nos vies, ce n'est pas que la création de Dieu soit dangereuse, c'est que notre cœur n'est plus libre envers les choses. Saint Jean de la Croix nous le répète souvent : il faut mortifier non pas les choses en elles-mêmes, mais le désir immodéré que nous en avons ou le réflexe captatif qui nous empêche de lâcher prise.
Et la même vigilance nous est demandée par Jésus dans notre attitude vis à vis des autres, car le cœur humain qui est fait pour aimer et accueillir peut aussi ignorer et refuser ; l'homme qui est fait pour la joie et pour construire le bonheur peut aussi s'enfermer dans le négatif, perdre ses forces et son temps à détruire l'autre, ou ce que l'autre a rêvé de bâtir.
C'est du dedans, du cœur, profond ou superficiel, que sort ce qui fait le malheur de l'homme. Et c'est pourquoi il est si important, tout au long de notre marche évangélique, que nous acceptions de connaître notre cœur, c'est-à-dire de sonder notre liberté, pour savoir si, oui ou non, nous l'avons livrée à Dieu.
Or, pour savoir ce qu'est notre cœur, le moyen est bien simple : il suffit de regarder ce qui en sort.
Ils disent et ne font pas »
(Mt 23, 1-12)
« En ce temps-là, Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples, et il déclara : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ; ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »
Tout le chapitre 23 de saint Matthieu rapporte une série de paroles de Jésus contre les scribes et les Pharisiens. Être scribe, c'était être un maître dans l'interprétation de la Loi, c'était donc une vraie spécialisation et une vraie fonction. Quant aux Pharisiens, ils constituaient, depuis deux siècles environ, une sorte de parti politico-religieux, souvent dans l'opposition aux grands prêtres politiciens, et très puissant dans les classes moyennes. On pouvait donc être scribe sans être pharisien. En fait, à l'époque du Christ, un grand nombre de spécialistes de la Loi appartenait au parti des Pharisiens.
Qu'est-ce qui a mérité la sévérité de Jésus ? Trois attitudes, qui nous guettent nous aussi, dès que, dans la communauté chrétienne, nous pensons être détenteurs d'une responsabilité ou témoins d'une fidélité particulière.
Tout d'abord, ils disent et ne font pas. Tout se passe au niveau du langage : en disant les choses, ils les vivent par procuration. Devenus, par héritage, propriétaires d'une tradition, ils la gèrent au niveau des formules, des schémas, des itinéraires proposés. Ils calibrent les fardeaux, mais s'exemptent eux-mêmes de les porter.
Ces conseillers-là, pense Jésus, se disqualifient par le mensonge de leur vie réelle. Ils peuvent faire illusion, ils peuvent se faire illusion, mais on ne peut les prendre comme référence puisqu'ils ne sont que théorie sans pratique.
Ils disent, et ne font pas ce qu'ils disent ; et même ce qu'ils font est faussé d'avance : c'est le deuxième reproche de Jésus.
Ainsi, non seulement ils se contentent de la théorie, mais ils en restent aux apparences, au spectacle, au théâtre. Il leur faut être vu, donc ils font du voyant, et ils allongent les franges de leur châle de prière. L'important pour eux est d'être classés parmi les vrais fidèles, d'être reconnus et salués comme des croyants de premier plan. Au fond, ces scribes et ses Pharisiens ont besoin du miroir des autres pour se sentir à l'aise. Et pourquoi sont-ils toujours en quête de l'approbation et de l'estime des autres ? Parce qu'ils se situent mal devant Dieu et devant le Messie Jésus.
Là, Jésus quitte le ton des reproches et donne quelques consignes très nettes à sa communauté : "Ne vous faites pas appeler "Rabbi"', ou "maître", "guide", et n'appelez personne "père" sur la terre". "Père", c'est le titre que l'on donnait à certains rabbis particulièrement réputés ou vénérés.
Tout cela n'a plus cours, nous dit Jésus : ces titres-là, il ne faut ni les rechercher pour soi, ni les donner à d'autres, car l'Envoyé est désormais pour tous le maître unique, l'interprète unique de la volonté de Dieu ; et tout ce qui est vécu dans l'Eglise sous le signe de la paternité doit être référé à l'unique paternité de Dieu. Dans l'Église de Jésus, il serait tout aussi vain de devenir un personnage que de s'abriter derrière le prestige d'un autre. Car la seule grandeur consiste à servir, et la qualité du service chrétien, personne, sinon Dieu, ne peut la mesurer.
Ce qui revient au disciple de Jésus, c'est de s'abaisser, non pas de se défiler devant les responsabilités, ni de se déprécier artificiellement, mais de s'abaisser, c'est-à-dire d'assumer sa vie devant Dieu comme un service, en rendant belles les choses simples, et en vivant simplement les choses grandes.
« Celui qui entend la Parole
et la comprend porte du fruit »
(Mt 13, 18-23)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Écoutez ce que veut dire la parabole du semeur. Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin. Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est celui qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il trébuche aussitôt. Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est celui qui entend la Parole ; mais le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Une chose est certaine : la semence jetée est excellente, fiable à cent pour cent : c'est la parole de Dieu capable de germer et de croître dans tous les cœurs d'hommes.
Le semeur n'est autre que Jésus-Messie lui-même, qui désire la récolte la plus belle possible, l'avènement universel du Règne de Dieu.
Et la parabole nous fait réfléchir sur cet avènement.
Tout comme le semeur, dans les champs de Judée, mène à bien son travail dans des conditions difficiles, le Règne de Dieu, avant la victoire, rencontrera beaucoup de difficultés ; tout comme le semeur prend ses champs comme ils sont, le Christ sème très largement dans notre cœur, et s'attend à des résistances.
Les obstacles, en effet, sont nombreux, qui pourraient nous empêcher d'entendre, d'écouter et de comprendre la parole. Jésus énumère : Le Malin, les tribulations et les persécutions, justement à cause de cette parole, les préoccupations, si présentes en ce monde, et la séduction des richesses.
Nous, les disciples, avons donc affaire à forte partie, mais nous le savons par expérience, et Jésus nous le rappelle : il faut que nous gardions conscience des zones fragiles de notre cœur.
Il y a en nous des bords de chemin trop souvent piétinés, où la parole court le danger d'être enlevée avant toute germination.
Nous trouvons aussi en nous des zones caillouteuses, où certains enthousiasmes sont encore possibles, mais vite desséchés par la tentation du facile, de l'immédiat et du superficiel. Nous ne parvenons pas à durer, parce que nous manquons de profondeur. Nous nous sentons démunis devant l'épreuve, parce que nous n'avons pas de racines.
D'autres endroits de notre cœur seraient, de soi, prometteurs et fertiles, mais des ronces épuisent le sol et étouffent la parole : ce sont les réflexes du monde ambiant et nos crispations sur l'avoir, le pouvoir et le faire-valoir.
Reste notre bonne terre, où depuis longtemps Jésus sème avec espoir parce que déjà il y a fait de belles moissons. Chaque jour il l'aère et la rend plus meuble ; la parole qui y grandit l'améliore sans cesse, et la moindre ondée de l'Esprit, le moindre geste de charité, lui redonnent sa souplesse.
Tous les sacrements de l'Église sont ordonnés à la fertilité de notre cœur. La réconciliation nous rend notre jeunesse d'âme et chaque Eucharistie, où nous recevons le Corps et le Sang du Ressuscité, réveille en nous les énergies de notre baptême et de notre confirmation dans l'Esprit.
« Ils ont Moïse et les Prophètes :
qu’ils les écoutent ! »
(Lc 16, 19-31)
« En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens : « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères. Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria : ‘Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.’ Le riche répliqua : ‘Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !’ Abraham lui dit : ‘Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! – Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.’ Abraham répondit : ‘S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.’ »
Premier commentaire
Seul saint Luc nous a gardé des paraboles en deux scènes, comme celle que nous lisons aujourd'hui. Double récit, double leçon ; mais aussi, avouons-le, double malaise pour nous, chrétiens du XXIe siècle.
Commençons par analyser notre malaise, afin de mieux entrer dans la pensée de Jésus.
Tout d'abord la manière dont est décrit l'au-delà nous désarçonne un peu. Rassurons-nous : Jésus n'entend pas décrire la géographie du séjour des morts. Il reprend simplement l'imagerie traditionnelle dans son pays, pour mieux se faire comprendre et aller plus vite à l'essentiel.
Un autre point nous gêne : le récit semble dire que le riche est puni parce qu'il est riche, et le pauvre récompensé parce qu'il est pauvre. En réalité Jésus fait allusion à une histoire populaire bien connue de son temps en Judée, celle du pauvre scribe et du riche publicain Bar Mayan, qui avait vécu comme un impie notoire. Tous les auditeurs de Jésus savaient donc à quoi s'en tenir dès les premiers mots de la parabole : il s'agit d'un riche qui ne s'occupe ni des hommes ni de Dieu. C'est l'irréligion et l'égoïsme qui sont punis, et inversement Dieu récompense la piété et la confiance du pauvre. C'est d'ailleurs pourquoi Jésus lui donne un nom qui est tout un programme: Lazare, "Dieu est venu en aide".
Une fois écartées ces difficultés, les leçons de la parabole apparaissent plus clairement.
La première concerne la mort comme limite absolue.
Que l'on ait vécu dans le lin et la pourpre, ou couvert d'ulcères, mendiant à la porte des autres, un moment vient toujours où les choses prennent leur vraie valeur. Et dans la pensée de Jésus, ce moment-là doit éclairer toute la vie d'un croyant. La mort, qui totalise toutes les fidélités d'une existence, fixe aussi l'homme définitivement dans ses choix. C'est donc avant qu'il faut se convertir; c'est avant qu'il faut choisir et ouvrir les yeux.
Or le riche de la parabole s'est aveuglé à longueur de vie. Il n'a pas vu le besoin qu'il avait de Dieu et de son pardon ; il n'a pas vu Lazare, qui ne réclamait rien, et qui guettait, non pas tellement les miettes qui tombaient de la nappe, mais ces morceaux de mie dont on se servait, dans les maisons très riches, pour s'essuyer les doigts, et qu'on jetait sous la table.
Jusqu'au dernier moment le scénario des choses d'ici-bas peut faire illusion : Lazare meurt, dans l'oubli général ; le riche meurt à son tour, et toute la ville est là pour le porter en terre. Mais au-delà, tout change. L'au-delà, c'est le domaine de Dieu, et rien ni personne n'empêchera jamais Dieu d'être à la fois, et mystérieusement, le créateur et le juge, l'infiniment bon et l'infiniment lucide.
La mort égalitaire n'opère pas la justice, et c'est Dieu lui-même qui se réserve d'apprécier pour chacun, au-delà de la qualité de la vie, la qualité du cœur. Nous voudrions pouvoir échapper à cette logique de nos propres choix; mais Jésus insiste, et il met sur les lèvres d'Abraham des paroles étranges: "Entre vous et nous un grand abîme a été disposé." Ce n'est qu'une image, bien sûr, mais c'est l'image de l'irréversible. Il fut un temps, le temps même de la vie, où le riche impie pouvait quelque chose pour Lazare: les bouchées de pain qu'il gaspillait en un repas auraient nourri le pauvre toute une semaine. Mais maintenant, dans l'au-delà, même Lazare, même l'ami d'Abraham ne peut plus rien pour lui.
L'autre leçon de la parabole a trait aux six frères, et rappelle sous une autre forme l'exigence de la conversion.
S'il est trop tard pour le frère mort, il est encore temps pour les cinq survivants; mais Jésus ne veut pas qu'on s'illusionne sur les moyens à prendre. Ce qui convertit, ce ne sont pas les expériences extraordinaires. Même si l'un de nos défunts revenait parmi nous, passé le premier saisissement, nous retomberions dans notre médiocrité. Car personne ne peut répondre à notre place, et si la parole de Dieu ne suffit pas pour nous retourner le cœur, que pourrait faire une parole d'homme ? Nous avons Moïse, nous lisons les Prophètes; bien plus, "en ces jours qui sont les derniers, Dieu nous a parlé par son Fils" (Hb 1,2). Si nous ne sommes pas convaincus par une telle preuve d'amour, qui pourra jamais nous parler d'espérance ?
Chacun de vous doit pardonner
à son frère du fond du cœur »
(Mt 18, 21-35)
« En ce temps-là, Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois. Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent). Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette. Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.” Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette. Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent. Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : “Rembourse ta dette !” Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai.” Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé ce qu’il devait. Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s’était passé. Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : “Serviteur mauvais ! je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?” Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »
La parabole de l'homme gracié et impitoyable vient conclure, dans l'Évangile selon saint Matthieu, le chapitre 18me, entièrement consacré à la vie communautaire, aux relations fraternelles des vrais disciples de Jésus.
Comme souvent dans l'Évangile de Matthieu c'est Pierre qui intervient, pour poser, au nom des autres, une question à la fois naturelle, affectueuse et impertinente. Les rabbins disaient, à l'époque : "Si quelqu'un pèche une fois, deux fois ou trois fois, on lui pardonne, mais pas s'il pèche quatre fois" (Yoma 5,13). Pierre se situe encore sur le terrain de cette casuistique juive. Certes, généreusement, il fait un grand pas : il est prêt à aller jusqu'à sept pardons. Mais Jésus, avec humour, multiplie tout de suite par soixante-dix, pour que cesse définitivement, dans sa communauté toute arithmétique du pardon. Pardonner, c'est avant tout une attitude du cœur, une décision sans cesse reprise de ne pas fermer sa porte, de ne pas couper les ponts, de laisser à l'autre le temps de se reprendre, et un espace de miséricorde où il pourra s'épanouir.
Ce que vise Jésus, c'est le pardon au quotidien. À qui va-t-on pardonner quatre-cent quatre-vingt-dix fois, sinon à quelqu'un que l'on côtoie tous les jours, un conjoint, un enfant, une personne à charge, le frère ou la sœur d'une communauté, ou encore, comme dit la parabole, un compagnon de service ?
Le pardon dans les grandes occasions, c'est souvent un tournant majeur dans la vie d'un croyant ou d'une croyante. Rappelez-vous ce témoignage bouleversant d'un foyer chrétien, où les deux époux, il y a quelques mois, pardonnaient publiquement au jeune assassin de leur fille. Ce pardon-là ne peut jaillir que d'une conviction de foi, et seule la force du Christ le rend possible.
Le pardon au quotidien est beaucoup moins tangible, mais il réclame lui aussi un retournement du cœur et une référence constante aux réflexes de Jésus. Trois cent soixante-cinq fois par an, et parfois plus, face à tel ou tel membre de notre entourage, il nous faut reprendre le sentier étroit du pardon. Il faut lui pardonner de passer sans nous voir, d'être lui-même et de le rester, de suivre son idée, son goût ou ses ornières, d'attendre trop de nous en mesurant lui-même ce qu'il donne.
La tentation est grande, à certaines heures, de le saisir au collet ou, ce qui revient au même, de lui ouvrir les yeux avec impatience : "Quand vas-tu reconnaître et payer ta dette ?" ; "Quand sortiras-tu de ton égoïsme ?" ; "Quand me rendras-tu, même un peu, de ce que je t'ai donné ?" ; "Quand reconnaîtras-tu ce que j'ai fait pour toi ?"
Jésus nous demande alors de relâcher nos mains, d'abandonner toute colère ou toute aigreur, et de nous resituer avec humilité vers Dieu qui prend patience envers nous, et nous laisse grand ouvert l'espace de la conversion : "Sois patient envers moi, Seigneur, et je te rembourserai tout".
En réalité nous n'aurons rien à rembourser, car nous ne pouvons rien rembourser.
Dieu nous aime toujours à fonds perdus, et n'attend rien de nous, qu'un peu d'amour et un grand merci.
Deuxième commentaire "Moïse et les prophètes"
Quelle différence, dans la vie de tous les jours, entre ces deux fils d'Abraham !
L'un ne vit que pour paraître et manger. Les étoffes fines, les repas fins : voilà tout son univers. Rassasié tous les jours, un seul souci l'habite : comment trouver encore du plaisir dans la surabondance ?
L'autre manque de tout. Le superflu du riche suffirait à le nourrir, mais il est tenu à l'écart : il ne peut avancer plus loin que le portail. Rejeté par les hommes, il lui faut se défendre des chiens.
Tous deux meurent, explique Jésus dans sa parabole, et contre toute attente, voilà que les choses s'inversent.
Pour le pauvre, tout devient simple : les anges l'emportent auprès d'Abraham le vivant, et donc tout près du Dieu d'Abraham, dans l'intimité du Dieu des vivants.
Tout est dit. Et le destin du pauvre illustre bien, finalement, le nom symbolique que Jésus lui a donné : Lazare, El-¢azar, "Dieu est venu en aide". Il a mis sa confiance dans le Seigneur, et le Seigneur l'a béni. Il l'a planté pour toujours au bord des eaux de sa joie (Ps 1,3).
Le riche, au contraire, le riche égoïste et insensible, en dépit du bel enterrement qu'on lui a fait, se retrouve au séjour des morts désespérément seul. En se détournant de son frère le pauvre, il s'est détourné de Dieu. Le voilà maintenant sans perspective de bonheur, "comme un buisson sur une terre désolée, salée, inhabitable" (Jr 17,6). Durant sa vie il ne percevait que de loin la souffrance de Lazare ; maintenant il n'aperçoit que de très loin son bonheur auprès d'Abraham. Durant sa vie il aurait pu facilement venir en aide au pauvre ; à présent Lazare ne pourrait même plus venir le soulager : "un abîme" s'est creusé ; et c'est irréversible.
Ce que Jésus met ainsi en scène, c'est le sérieux de l'existence. Car on ne vit qu'une fois ; on a seulement devant soi quelques dizaines d'années pour dire à Dieu et aux hommes ce qu'on a vraiment dans le cœur. Après, au-delà de la mort commune à tous, c'est le juste retour des choses : il y a une logique de l'égoïsme comme il y a une logique de l'amour. Le plus étonnant, c'est de constater avec quelle légèreté nous vivons sans vivre, et quelle facilité nous avons pour oublier que le temps passe. Les jours s'enfuient, emportant des occasions de servir et d'aimer, effaçant le souvenir des êtres humains qui comptaient pour nous. Puis vient le dernier de nos jours, et le geste suprême, qui est l'acte de mourir. Alors apparaît en pleine lumière la densité de chaque vie, et l'abîme qui parfois s'est creusé dans le cœur d'un homme entre ce qu'il a reçu et ce qu'il a donné.
"De là on ne traverse pas vers nous", dit Abraham. À cet endroit du récit, la parabole rebondit, en quelque sorte. "Père Abraham, dit le riche, dans la maison de mon père j'ai cinq frères. Que Lazare les avertisse, pour qu'ils ne viennent pas à leur tour dans ce lieu de souffrance !"
La réponse que Jésus prête à Abraham éclaire tous nos cheminements de conversion : "Ils ont Moïse et les Prophètes. Qu'ils les écoutent !"
Autrement dit, le bon moyen, le seul moyen de rejoindre Abraham dans la joie de Dieu, c'est de se mettre activement à l'écoute de la parole qui appelle, qui guide et qui sauve. Et pour nous, chrétiens, celui que nous avons à écouter, plus encore que Moïse, Élie ou les Prophètes, c'est Celui qui a été transfiguré sur la montagne et dont Dieu a dit : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé".
La parole de Jésus, voilà ce qui nous réveille ; la lumière de Jésus, voilà ce qui nous tient éveillés, "tout éveillés dans notre foi" ; l'eau vive du baptême, voilà ce qui nous rend des forces pour la route.
Étendons vers ce courant d'eau vive les racines de notre foi, car tous, fervents ou tièdes, nous avons gardé nos racines, les racines de notre vie en Dieu. Alors notre feuillage restera toujours vert et nous ne redouterons plus aucune chaleur ; aucune sécheresse ne nous empêchera de porter du fruit.
Je ne suis pas venu appeler
des justes, mais des pécheurs
(Mc 2, 13-17)
« En ce temps-là, Jésus sortit de nouveau le long de la mer ; toute la foule venait à lui, et il les enseignait. En passant, il aperçut Lévi, fils d’Alphée, assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit. Comme Jésus était à table dans la maison de Lévi, beaucoup de publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) et beaucoup de pécheurs vinrent prendre place avec Jésus et ses disciples, car ils étaient nombreux à le suivre. Les scribes du groupe des pharisiens, voyant qu’il mangeait avec les pécheurs et les publicains, disaient à ses disciples : « Comment ! Il mange avec les publicains et les pécheurs ! » Jésus, qui avait entendu, leur déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »
Nous voici rassemblés autour de la table du Christ, tous invités, tous heureux d'être là, à la fois accueillants et accueillis : accueillant la parole de Jésus accueillis dans son amour.
Notre regard, instinctivement, fait le tour de la table. Surprise : il n'y a que des pécheurs ! Pas des pécheurs à la manière de Matthieu le publicain, des hommes que l'on montrait du doigt à cause de leur métier ; mais des pécheurs et des pécheresses à la manière des psalmistes, qui découvrent chaque jour le péché leur péché, tapi au fond du cœur.
De fait nous arrivons tous à l'Eucharistie, non pas comme des justes, pleinement ajustés au vouloir du Dieu sauveur, mais avec des pesanteurs, des crispations et des refus, avec des joies et des craintes qui ne sont pas selon Dieu.
Et malgré notre désir de nous ouvrir à la vie que Jésus nous apporte, jour après jour nous lui avouons notre malaise. Nous sommes inquiets du temps qui a passé, du temps qui passe et qui accentue notre dérive, à distance de l'appel entendu et de l'amour promis.
Des pécheurs et des malades : voilà ce que nous sommes, autour de la table de Jésus. Mais une fois de plus, aujourd'hui, sa parole nous apporte une lumière qu’inverse en joie toute tristesse, même et surtout celle du péché : "Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades".
La voilà, la révélation capable d'illuminer tous les visages, autour de la table des pécheurs : Jésus veut être lui-même notre médecin !
C'est lui qui d'abord va se charger du diagnostic. Nous, nous souffrons, et nous lui disons notre souffrance ; mais c'est lui qui va nommer notre mal, mettre le doigt sur les causes et refaire avec nous l'histoire de nos misères, pour les guérir jusqu'à la racine.
Car c'est lui aussi qui va trouver les remèdes et qui va rythmer la cure, pour peu que nous nous laissions faire.
Qu'est-ce qui pourrait nous détourner de lui faire confiance ? Pour lui, pour Jésus médecin, nous n'avons pas de secrets, et nous savons d'avance qu'aucune rechute ne l'étonne et qu'aucune plaie ne le rebute.
Il a l'habitude des malades et des convalescents, et tous ceux, toutes celles qu'il invite pour l'expansion du Royaume, sont des malades qu'il a guéris et des pécheurs qu'il a pardonnés.
Nous le savons bien, nous qui souvent mangeons à sa table : l'appel à la prière que nous entendons ne fait que rendre plus vive la conscience de notre pauvreté et plus urgente notre conversion à l'Evangile.
Quelles que soient les grâces du passé, quelles que soient les faveurs que Jésus nous réserve, notre vie, jusqu'au bout, sera une histoire de salut, l'histoire d'une guérison. C'est cette certitude qui nous rend chaque jour si confiants et heureux, à la table des pécheurs.
« L’un de vous me livrera… »
(Jn 13, 21-33.36-38)
« En ce temps-là, au cours du repas que Jésus prenait avec ses disciples, il fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. » Les disciples se regardaient les uns les autres avec embarras, ne sachant pas de qui Jésus parlait. Il y avait à table, appuyé contre Jésus, l’un de ses disciples, celui que Jésus aimait. Simon-Pierre lui fait signe de demander à Jésus de qui il veut parler. Le disciple se penche donc sur la poitrine de Jésus et lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? » Jésus lui répond : « C’est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper dans le plat. » Il trempe la bouchée, et la donne à Judas, fils de Simon l’Iscariote. Et, quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui. Jésus lui dit alors : « Ce que tu fais, fais-le vite. » Mais aucun des convives ne comprit pourquoi il lui avait dit cela. Comme Judas tenait la bourse commune, certains pensèrent que Jésus voulait lui dire d’acheter ce qu’il fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres. Judas prit donc la bouchée, et sortit aussitôt. Or il faisait nuit. Quand il fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l’ai dit aux Juifs : “Là où je vais, vous ne pouvez pas aller”, je vous le dis maintenant à vous aussi. » Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; tu me suivras plus tard. » Pierre lui dit : « Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour toi ! » Jésus réplique : « Tu donneras ta vie pour moi ? Amen, amen, je te le dis : le coq ne chantera pas avant que tu m’aies renié trois fois. »
Amitié et trahison : deux mots qui résument la dernière soirée de Jésus avec les siens, deux mots qui traduisent la réalité de notre vie avec lui.
Notre amitié, vraie, pour Jésus, ne nous met pas à l'abri des retombées, des chutes, des lâchages. Ce soir-là, où Jésus n'avait au cœur que le projet de racheter le monde et le souci de sa communauté dans l'avenir, Judas pensait à l'argent, à son intérêt, à son confort individuel.
Même la dernière initiative de Jésus, son dernier geste d'amitié, la bouchée qu'il lui réservait, même cette délicatesse n'a pas retourné le cœur du traître. Pour lui, Jésus était devenu celui qui faisait fausse route, celui qui s'en allait à l'échec. Suivre Jésus acclamé sur la route, suivre un Messie capable de nourrir une foule, cela, Judas l'avait accepté ; et il s'était senti à l'aise dans le projet de Jésus tel qu'il l'imaginait. Mais entrer dans le pardon, dans la non-violence, dans le silence au moment des affronts, c'était trop demander. Vivre en exode, assumer une existence sans cesse désinstallée, sans cesse livrée, c'était trop d'aléas, trop d'insécurité, trop d'aventures pour le cœur.
Contrastant avec cette tristesse de Judas qui s'enfonce dans la nuit, nous avons lu à l'instant l'assurance de Jésus dans sa relation au Père. La trahison du disciple, qui amorce pour Jésus le processus de sa mise à mort, n'interrompt pas son échange total avec le Père. Maintenant "le Fils de l'Homme a été glorifié par Dieu, et Dieu a été glorifié par lui". Jésus, depuis toujours en consonance avec le vouloir du Père, le glorifie en obéissant jusqu'à la mort ; et en retour le Père, qui n'a "jamais laissé Jésus seul" (8,16.29 ; 16,32), va le glorifier en l'exaltant auprès de lui, en le prenant, avec son corps, dans sa propre gloire.
Quant à nous, notre lot est de chercher le Seigneur : "Vous me chercherez ...là où je vais, vous ne pouvez venir". Là où est Jésus, dans la gloire définitive, nous ne pouvons le suivre maintenant. Il faut d'abord unir notre passion à la sienne, d'abord donner notre vie, au cœur de l'Église, en demeurant présents à Dieu au nom de tous nos frères les hommes. Il nous faut d'abord, comme Pierre, apprendre à dépasser nos propres trahisons, et faire l'expérience du pardon de Jésus.
"Je donnerai ma vie pour toi !", s'écriait Pierre. Et Jésus, en somme, lui a répondu : "Oui, tu la donneras, ta vie, mais pas aujourd'hui, et pas en un coup !"
L'amour vrai, c'est l'amour qui dure.
S’il t’écoute, tu as gagné ton frère »
(Mt 18, 15-20)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »
"Si ton frère vient à pécher", dit Jésus.
Il ne dit pas seulement : "S'il vient à pécher contre toi", mais, d'une manière très générale : "Si ton frère vient à pécher". Dans ce cas il faut tenter une correction fraternelle et Jésus se montre ici très précis, puisqu'il envisage une démarche en trois étapes : démarche de frère à frère, démarche communautaire, démarche d'Église.
Souvent, dans les communautés monastiques ou religieuses, on avait pris depuis des siècles l'ordre inverse de celui proposé par Jésus : tout se passait d'abord en public devant toute la communauté réunie, et l'on en venait seulement en dernier lieu, et parfois pas du tout, à l'explication fraternelle seul à seul.
Il faut avoir le courage de suivre, ici comme ailleurs, les consignes de Jésus qui tendent nettement à personnaliser la correction fraternelle, et déjà beaucoup de communautés ont reconnu loyalement que leurs usages accusaient une dérive importante par rapport à l'Évangile.
Jésus envisage comme toute première démarche un dialogue de frère à frère, de sœur à sœur, d'époux à épouse, pour que le mal demeure caché et que l'honneur du frère reste sauf. "Va trouver ton frère et reprends-le seul à seul". Dialogue exigeant, qu'il faut toujours préparer longuement dans la prière, afin de se présenter à l'autre avec un cœur évangélique, sans la moindre trace d'aigreur ou d'agressivité. Dialogue qui, au Carmel, doit rester marqué par une certaine sobriété et qui ne peut se chercher hors du cadre d'une obéissance ouverte, et encore moins dans les zones sacrées du silence, mais dialogue vrai, non contraint, sans calculs, sous le regard de Jésus. Car l'essentiel alors n'est pas de chercher à avoir raison, mais de s'ouvrir à deux à la vérité de l'Esprit Saint.
Il est vrai que, dans un cadre communautaire, cette correction fraternelle personnalisée réclame de chacune une grande loyauté, car en abordant les situations on met parfois en cause les personnes, et l'un des critères d'un dialogue vraiment évangélique entre deux frères ou deux sœurs, c'est qu'il reste constructif pour la communauté et resserre dans la communauté les liens de la confiance.
La mise au point entre deux sœurs ne peut pas non plus être un dérivatif ou une compensation à la solitude vraie, la solitude avec Jésus seul. Mais la crainte des déviations toujours possibles ne doit pas amener les communautés à vider de son sens la parole de Jésus.
"Si ton frère ne t'écoute pas, dit Jésus, prends encore avec toi un ou deux personnes, afin que toute l'affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins".
Tout de suite les choses deviennent plus sérieuses. La démarche perd de sa spontanéité, car il s'agit de faire pression sur le frère pour l'amener à changer, et l'on se trouve déjà dans le cadre juridique d'une sorte de procès. Jésus parle de l'affaire, d'une décision, d'une parole solennelle, et de témoins. Tout cela suppose qu'il y a du danger dans l'air, soit pour le frère, soit pour la communauté.
"S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Eglise".
Si en effet une décision grave doit être prise, il faut qu'elle émane de la communauté et de ses responsables, afin qu'elle ne soit marquée d'aucune vengeance personnelle, d'aucune pression injuste ni d'aucun abus de pouvoir.
"Et s'il refuse d'écouter l'Église qu'il soit pour toi comme le païen et le publicain".
Ce qui ne veut pas dire : tu pourras le haïr et le repousser, mais : tu auras fait ton possible, désormais remets-t'en à Dieu pour le salut du frère comme tu t'en remets à Dieu du salut d'un païen qui ne veut pas de dialogue. Mais ce sont là des cas limites, des cas douloureux qui pèsent lourd dans le cœur, et Jésus revient aussitôt, avec insistance, à l'aspect positif de la vie fraternelle, à la nécessité de s'accorder sous son regard, même à deux, même à trois, afin de pouvoir prier ensemble, d'être exaucé ensemble, et de recevoir ensemble la miséricorde du Père.
« Vous ne pouvez pas servir à la fois
Dieu et l’argent »
(Lc 16, 1-15)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens. Il le convoqua et lui dit : ‘Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant.’ Le gérant se dit en lui-même : ‘Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ? Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux.’ Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : ‘Combien dois-tu à mon maître ?’ Il répondit : ‘Cent barils d’huile.’ Le gérant lui dit : ‘Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.’ Puis il demanda à un autre : ‘Et toi, combien dois-tu ?’ Il répondit : ‘Cent sacs de blé.’ Le gérant lui dit : ‘Voici ton reçu, écris 80 ’ . Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. Quand ils entendaient tout cela, les pharisiens, eux qui aimaient l’argent, tournaient Jésus en dérision. Il leur dit alors : « Vous, vous êtes de ceux qui se font passer pour justes aux yeux des gens, mais Dieu connaît vos cœurs ; en effet, ce qui est prestigieux pour les gens est une chose abominable aux yeux de Dieu. »
Premier commentaire
"Faites-vous des amis avec l'argent d'iniquité".
En s'appuyant sur cette parole de Jésus, certains seraient prêts à dire : "Tout argent est malhonnête ; tout argent doit nous brûler les doigts".
Il est probable que le Christ ne leur donnerait pas raison. Car Jésus de Nazareth a connu la belle fierté de l'homme qui gagne sa vie par le travail de ses mains. Il savait le juste prix de l'ouvrage bien fait, et comme tout artisan consciencieux il comptait sur son salaire, sachant bien que Marie l'attendait aussi, sans rien dire. Par ailleurs la petite troupe des disciples était organisée : elle avait un économe, un peu trop près de ses sous, il est vrai. Devenu esclave de l'argent, il a trahi son vrai Maître. Rappelons-nous aussi ces quelques femmes qui suivaient Jésus, depuis les débuts en Galilée, et "beaucoup d'autres qui l'aidaient de leurs ressources" (Lc 8,3). Treize hommes, cela ne vit pas de l'air du temps ! Jésus, sans aucun doute, a apprécié l'aide de ces femmes, et ne leur a pas dit : "Votre argent, gardez-le : il est malhonnête !"
Alors, quel est, aux yeux de Jésus, "l'argent d'iniquité" ?
C'est celui qui est gagné malhonnêtement, bien sûr ; mais aussi celui qui devient une puissance aveugle d'injustice ou d'oppression, et surtout l'argent qui réduit en esclavage celui qui le possède ou celui qui le désire. C'est pourquoi Jésus n'emploie pas le mot ordinaire pour nommer l'argent, mais le mot mamôn, qui, dans le judaïsme au temps de Jésus désignait la richesse, le gain (souvent le gain mal acquis), mais aussi les sécurités illusoires de ce monde, opposées à la confiance des "pauvres" d'Israël en leur Dieu.
Une fois précisé le sens de "l'argent d'iniquité", on s'aperçoit que ce passage de l'Évangile nous donne un résumé de tout l'enseignement de Jésus sur l'argent.
Tout d'abord l'argent doit servir à nous faire des amis, qui nous accueilleront comme des frères dans la vie future, là où l'argent ne sera plus nécessaire, ni pour nous, ni pour eux. Cela rejoint peut-être une autre parole de Jésus : "Amassez-vous des trésors dans le ciel" (Mt 6,19).
Jésus souligne ensuite que notre honnêteté dans les choses de la terre permet à Dieu de nous faire confiance pour les intérêts du Royaume. D'abord gérants des biens de ce monde, nous devenons peu à peu associés de Dieu dans le grand travail de la rédemption. Voilà "le bien véritable", notre bien, celui des fils et des filles, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ.
Enfin, dit Jésus, "aucun serviteur ne peut servir deux maîtres". C'est doublement impossible : parce qu'on n'a pas le temps et parce que pour l'un des deux le cœur n'y sera pas. La mise en garde de Jésus est générale : les deux maîtres sont peut-être aussi bien Dieu et la gloriole humaine, Dieu et l'amour-propre, Dieu et l'égoïsme, Dieu et la jouissance, Dieu et la vie facile, ou encore Dieu et la volonté de puissance ; mais Jésus insiste sur un exemple particulier : "Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et Mamôn", donc Dieu et le gain, Dieu et les sécurités immédiates.
Il est bien vrai qu'un jour viendra pour chacun de nous qui rendra brusquement inutiles toutes nos possessions et dérisoire toute servitude de l'argent ; mais cette certitude ne doit entamer ni notre confiance en Dieu ni notre ardeur à le servir dans le quotidien qu'il nous donne. L'important est "qu'au milieu des changements de ce monde nos cœurs s'établissent fermement là où sont les vraies joies" (Oraison du XXIe dimanche).
Jésus disait : "Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur" (Lc 12,34).
Quand nous prenons conscience que notre cœur n'est plus avec Dieu, n'est plus à Dieu, ou n'est plus à Dieu qu'en passant, la question à nous poser est très simple : où est le désir qui m'accapare ? où est pour moi l'autre trésor ?
Deuxième commentaire "Dieu et l'argent"
Voilà bien une parabole qui nous laisse mal à l'aise : on n'aime pas voir un homme retors recevoir des compliments. Remarquons toutefois, en commençant, que ce n'est pas Jésus qui le félicite, mais le patron mis en scène dans la parabole. Jésus, lui, ne mâche pas ses mots : c'est un gérant malhonnête ; manifestement Jésus n'entend pas encourager les escrocs.
Ceci dit, essayons de rejoindre le moins mal possible ce que Jésus veut nous dire, et de lire sa parabole à la lumière de notre vie concrète.
Un premier point semble très clair : le gérant dilapide les biens de son maître.
Il y a plusieurs manières, pour un gérant, de tromper la confiance de son employeur : ou bien il se désintéresse des affaires, néglige les intérêts de l'entreprise, ne tient pas les comptes à jour et laisse tout partir à vau-l'eau ; ou bien au contraire il s'occupe de très près des ventes de son maître, mais détourne à son profit une partie des bénéfices.
Et nous, qui sommes les intendants de Dieu, nous pouvons pour notre part être doublement infidèles : soit en négligeant les biens que le Seigneur nous a confiés ou les charismes dont nous sommes porteurs, par exemple notre appel au désert, l'intimité avec la parole de Dieu, le rayonnement de la communauté ou les richesses de la vie fraternelle ; soit en utilisant pour notre avantage personnel ce qui devrait servir l'unique gloire de Dieu.
Ainsi, tantôt nous déprécions les dons de Dieu en refusant, à nos moments de paresse ou de lassitude, de les mettre en œuvre et de porter du fruit ; tantôt nous profitons des largesses du Seigneur pour nous faire valoir ou nous établir à notre compte. C'est alors que nous devenons avares du temps que Dieu nous donne au monastère, et que nous n'aurions pas si vous vivions et travaillions dans le monde ; ou bien encore nous calculons nos efforts et mesurons notre réponse à Dieu en fonction d'un programme personnel que nous avons à cœur de réaliser. Dès lors, peu à peu nous remplaçons par "notre justice" la justice du Royaume, qui consiste à s'ajuster à Dieu, à ce Dieu qui nous appelle, nous dérange, nous désinstalle et parfois nous désécurise, pour que nous reprenions le cheminement de l'Exode et qu'il puisse, dans le désert, nous parler au cœur.
Un deuxième point ressort assez nettement, et c'est d'ailleurs la leçon que Jésus tire lui-même de la parabole : il faut savoir reconnaître les urgences et y faire face avec détermination.
L'habileté du gérant a été de mettre à profit le temps très court qui le séparait de la catastrophe : à peine quelques jours entre l'avertissement de son patron et le jour de la reddition des comptes. Il a pu se ménager une position de repli, en rendant service à des amis sans les compromettre, puisque les quittances sont en règle. Il s'est servi de son pouvoir provisoire pour se créer une sécurité durable.
Ainsi, explique Jésus, les fils des ténèbres, lorsqu'ils sentent venir le jugement et la réprobation, sont capables de se concerter pour trouver rapidement des solutions astucieuses ; tandis que les fils de la lumière ne comprennent pas l'imminence du Royaume : ils ne voient pas que le temps presse et que la rédemption du monde n'attend pas. Ils passent à côté de l'essentiel ; ils s'endorment dans la facilité et l'illusion, et ils sont incapables de s'unir, de travailler ensemble dans la hâte et l'enthousiasme pour l'avènement du règne de leur Père.
Pourquoi faudrait-il que la foi soit moins efficace que la haine ou la jouissance ?
Pourquoi faudrait-il que nous dormions ou que nous agissions en ordre dispersé, alors que tant d'hommes, tout près ou loin de nous, attendent l'Évangile et le salut ?
Pourquoi faudrait-il que notre amour chrétien soit moins réaliste que les forces du refus qui traversent le monde ?
Notre habileté à nous, notre astuce au service du Maître, c'est de lui emprunter son regard et de nous faire des amis par une bonté qui vient de son cœur.
« Sois le berger de mes agneaux »
(Jn 21, 15-19)
« Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade. Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes- tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Jésus voulait que Pierre se sache pardonné.
Il aurait pu amorcer le dialogue une ou deux heures auparavant, quand il était seul sur la grève et que le brave Pierre l'a rejoint, tout trempé, pour s'être jeté à l'eau. Mais il a voulu d'abord revivre avec Pierre les humbles moments d'autrefois, les repas fraternels au bord du lac.
"Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon Pierre : "Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ?" Quoi répondre ? Personne ne peut dire qu'il aime Jésus plus qu'un autre ; personne ne sait comment un autre aime Jésus. Qui pourrait dire, même, s'il aime Jésus peu ou beaucoup ?
Et Pierre, d'instinct, trouve la seule réponse possible : "Seigneur, c'est toi qui sais ! Moi, je t'aime et je ne sais rien d'autre."
La deuxième question va plus loin, plus profond : "Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?" M'aimes-tu, tout court ? Quoi qu'il en soit des autres, toi, m'aimes-tu ?
La troisième question surtout bouleverse Pierre. Elle résonne dans son cœur comme le chant du coq, au petit matin du fameux vendredi. Mais l'insistance de Jésus, qui lui fait si mal, en même temps le délivre; et Pierre comprend que Jésus veut lui faire revivre en souvenir sa trahison, tout en lui faisant redire sa foi et son amour, pour qu'il sente à quel point il est pardonné.
"Seigneur, toi, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime !" Voilà; tout est dit. Et Jésus n'insistera plus. Rien n'est plus discret que le pardon de Jésus.
Pierre, conscient et peiné de sa faute, a su trouver les mots de l'amitié, et Jésus les lui a soufflés, dans sa hâte de retrouver son Pierre d'autrefois. Souvent la conversion commence au moment où l'on se laisse faire par la délicatesse de Dieu.
D'ailleurs, non content de liquider le passé, Jésus, par trois fois, confie une mission à Pierre : "Pais mes agneaux, pais mes brebis", comme pour lui prouver que jamais il ne lui a retiré sa confiance.
Ce que Jésus offre, c'est de participer à sa propre tâche de pasteur, et d'y participer jusqu'au bout. Le vrai pasteur, disait Jésus, donne sa vie pour ses brebis ; et Pierre est prévenu que son imitation du Maître ira jusque-là : "Quand tu auras vieilli, tu étendras les mains"...
Étendre les mains, voilà le sacrifice de l'âge mûr, ou de la maturité spirituelle. Étendre les mains et les laisser impuissantes, étendre les mains en les ouvrant pour l'offrande et en abandonnant au Christ toute initiative, n'est-ce pas la réponse ultime à la confiance du Seigneur ? n'est-ce pas l'entrée décisive dans son mystère d'obéissance filiale ?
Quand vient l'heure pour chacun de nous, l'heure de laisser faire Dieu jusqu'au bout, quel plus beau geste pourrions-nous trouver que d'étendre nos mains lasses, comme pour dire au Seigneur, sans aucun mot :
"Seigneur, tu sais tout, tu vois bien que je t'aime !"
« Tout homme qui regarde une femme
avec convoitise a déjà commis l’adultère »
(Mt 5, 27-32)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne. Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier qui s’en aille dans la géhenne. Il a été dit également : Si quelqu’un renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui renvoie sa femme, sauf en cas d’union illégitime, la pousse à l’adultère ; et si quelqu’un épouse une femme renvoyée, il est adultère. »
Entre deux consignes de Jésus sur l'adultère et sur la répudiation, l'Evangile nous rapporte deux paroles extrêmement vigoureuses sur les occasions de chute :
"Si c'est ton œil qui te fait achopper et tomber, arrache-le, et jette-le loin de toi". L'œil, le regard, c'est l'instrument du désir, c'est ce qui nourrit la convoitise, et il y a une manière de regarder les personnes, les choses ou les richesses, qui équivaut à les prendre pour soi, à les posséder avidement, en désir.
"Si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi !" La main droite, ou la gauche pour les gauchers, c'est la main habile et précise, la main du savoir-faire, la main qui salue, la main qui écrit et qui signe, la main qui peut faire tant de bien et qui peut aussi réaliser le mal.
Faut-il donc, à cause de la menace du péché, rester avec un seul œil et une seule main, la moins bonne des deux ? Bien évidemment, il ne s'agit pas de se mutiler, et il faut bien comprendre l'humour de Jésus. Mais ce que Jésus affirme, c'est que, par fidélité à son message, il faut renoncer à une part de nos désirs, et parfois renoncer à certaines de nos activités, les désirs et les activités qui sont porteurs de mort spirituelle pour nous-mêmes et pour les autres.
Paradoxes de Jésus, paradoxes de l'Evangile : on voit parfois plus clair d'un seul œil, quand le second ne lorgne que sur la nuit ; on travaille parfois mieux d'une seule main, quand l'autre nous attache quelque part et nous enlève toute souplesse. Dieu nous veut lucides, Dieu nous veut allègres à son service, et quand nous sommes attelés à son œuvre, la liberté de cœur n'est jamais trop cher payée.
Déjà les Béatitudes de Jésus nous appelaient à changer radicalement nos valeurs et le centre de gravité de toutes nos joies. Aujourd'hui encore, Jésus, pour réveiller notre foi, nous déstabilise en invoquant le sacrifice d'un œil ou d'une main. Jusqu'à notre mort la suite de Jésus s'imposera des choix onéreux et généreux. Et notre amitié pour lui nous ramènera toujours à la nécessité de l'effort. Mais l'effort, tel que Jésus le propose, libère toujours en nous le meilleur de nous-mêmes et nous replace toujours dans l'axe du bonheur.
À ses disciples Jésus demande de dépasser les apparences pour s'arrimer à des certitudes, de lâcher des esclavages pour assumer le vrai service, d'utiliser le temps pour préparer l'éternité. Son seul but est que nous ayons la vie, la vie en abondance, la vie sans déclin ; et, dans sa pensée, toute mort à nous-mêmes est ordonnée à cette vie qu'il promet et qu'il donne : la taille prépare les fruits, les renoncements ouvrent la route pour l'engagement, l'obéissance s'épanouit en liberté filiale.
C'est la logique de la passion glorifiante, la logique du passage de ce monde au Père, qui déroute si souvent nos prévisions humaines, mais nous rend si légers sur les chemins de Dieu.
« Si vous ne vous convertissez pas,
vous périrez »
(Lc 13, 1-9)
« Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : «Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?” Mais le vigneron lui répondit : “Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” »
Dans cette page d'évangile, Luc regroupe trois paroles de Jésus, plus exactement deux paroles et une parabole, qui pointent toutes dans la même direction : toutes trois soulignent la nécessité de se convertir quand il est temps, quand il est encore temps.
Au point de départ : trois situations assez différentes : les Galiléens sont morts à cause de la cruauté de Pilate ; les dix-huit personnes ensevelies dans les décombres de la tour de Siloé, à Jérusalem, sont mortes par malchance : elles se sont trouvées au mauvais endroit au mauvais moment ; mais le figuier, lui, va mourir, coupé, de guerre lasse, par le propriétaire, parce qu'il est resté improductif durant quatre années, parce qu'il "occupait le terrain pour rien".
L'enseignement de Jésus est tout en nuances.
Pour le premier épisode, Jésus réagit à une mauvaise nouvelle qu'on lui annonce, et il pose lui-même la question : "Croyez-vous que ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que les autres Galiléens, pour avoir subi pareil sort ?" La réponse suit immédiatement, en deux temps : d'une part personne ne peut dire : telle souffrance, telle mort a été pour tel homme un châtiment ; d'autre part personne ne peut ôter à Dieu le pouvoir de rendre à chacun selon ses œuvres.
Pour le second épisode, Jésus renchérit lui-même en rappelant la catastrophe de Siloé ; et l'enseignement est le même : leur dette n'était pas plus grande ; ne voyez pas dans leur mort un châtiment, mais vous, acceptez la conversion.
Quant à la parabole du figuier, elle ne fait état ni d'une cruauté ni d'une catastrophe ; elle décrit nos lenteurs, et la stérilité de l'Évangile à certains moments de notre vie.
Nous occupons le sol, nous épuisons la terre, pour quelle fécondité ? Le maître, de temps à autre, vient chercher des fruits pour son Église, les fruits de la charité active ou les fruits du vrai silence, et qu'avons-nous à lui donner ?
Nous profitons du terreau de l'Église, des sacrements de la foi, des richesses de la vie fraternelle et du dévouement des frères et des sœurs ; pour quelles fleurs de paix, pour quels fruits de joie ?
La question du Seigneur, comme dans toutes ses paraboles, est à la fois douce et radicale.
Si radicale que nous ne cesserons jamais de l'entendre jusqu'au moment de la grande rencontre et quelles que soient la vigueur et l'authenticité de notre réponse quotidienne. Mais dans cette exigence même le Seigneur nous révèle toutes les ressources de sa douceur. Et c'est là que la parabole complète les deux paroles précédentes en apportant un élément essentiel pour notre espérance : le sursis.
Nous sommes en sursis, nous restons en sursis tout au long de notre vie, en vue d'un sursaut de vigueur, d'un renouveau de fécondité, parce que Dieu ne se résigne jamais à la mort.
Jésus vigneron s'attelle lui-même au travail de notre conversion : il bêche sa vigne, souvent, et il ajoute à chaque fois quelque poignées d'un engrais dont il a le secret, un engrais spirituel à base d'humilité, de simplicité et de courage, avec une bonne dose de confiance.
Demandons à la Vierge toute sainte, les uns pour les autres, en vue de ce travail de vérité et de conversion, l'aide de sa prière. En elle "la grâce de Dieu n'a pas été stérile". Nous la chantons, au Carmel, comme la Vigne fleurie, la Vigne généreuse. Qu'elle nous aide à dire oui, le oui qui rend nos vies porteuses de Dieu, fécondes pour Dieu.