QUI EST
DIEU LE PÈRE
TOUT-PUISSANT
La Sainte Trinité, par José de Ribera
Il a tout créé dans un acte d'amour que nos intelligences limitées et conceptions maladroites ne peuvent appréhender.
Avec son Fils et l'Esprit Saint, il envoie à l'univers l'énergie qui le fait vivre et en détient, seul, le code.
Sa sainteté absolue, sa grandeur, sa justice et sa puissance sont terrifiantes mais son surpassés par son amour, sa tendresse et son pardon dont il fait une éblouissante surenchère éternelle.
Il porte de nombreux noms : Yahvé (YHWH), El Shaddaï, L'Éternel, le Dieu de l'Univers, L'Éternel des armées...
Dieu est Notre Père, père des hommes, et celui de Jésus, qui lui-même est Dieu. Avec le Saint Esprit (force Toute-Puissante de Dieu), le Père et le Fils sont un seul Dieu appelé par les catholiques la Sainte Trinité.
De toutes les religions du monde, y compris le judaïsme, le christianisme est la seule qui proclame, et prouve, que Dieu est Père. Jésus le révèle et le proclame dans les Évangiles. Quelle paternité ! Un père qui aime ses enfants, les protège d'eux-mêmes et des autres, les guide et est prêt à donner sa vie pour eux, ce qu'il a fait. Il les "punit" parfois, pour leur bien, à des fins d'enseignement pour une élévation spirituelle.
Ainsi est Dieu, le Père, Notre Père, qui, comme l'annonce la Bible, s'est révélé petit à petit aux Hébreux auxquels il a donné le nom d'Israël, les conduisant à l'Exode avant de leur donner le pays de Cana et de leur enseigner ses voies. Qui a donné par amour pour les hommes son propre Fils. Jésus lui-même a librement voulu s'incarner en homme afin de s'approcher au plus près de nous pour délivrer son message d'amour et de pardon, pour réparer la faute originelle, racheter les hommes de leurs péchés, rouvrir le passage entre le ciel et la terre, devenir l'unique intermédiaire entre Dieu et les hommes, vaincre la mort et déjouer pour l'éternité le projet de l'ange déchu, dont la perversité n'a d'égale que sa méchanceté. Satan qui veut entraîner dans l'infame abîme de souffrances éternelles chaque homme de la terre.
Or rien ne peut nous séparer de l'amour du Père qui, jusqu'à l'instant de notre mort, nous offre cet amour et son pardon. Rien sauf de le refuser, Lui, et les grâces de Son Amour Surpuissant qu'il veut déverser dans notre vie dés que nous sommes prêts à ouvrir notre cœur à Sa Présence et au repentir.
Sommaire de la page
IL est tout.
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Courts extraits bibliques
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Le chariot de feu, une représentation de Dieu peu connue
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Dieu, le Père, qui est-il ?
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Merveilles de Dieu en images
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L'amour extravagant du Père pour l'Homme
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Comprendre le sacrifice de Jésus
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Le train
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L'amour infini du Père et du Fils, nous est offert
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Le cadeau de Noël à saisir
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La prière du Notre Père dans toutes les langues
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Évangiles commentés sur le thème de Dieu le Père
Yahvé écrit en hébreu
Courts extraits bibliques
« AU COMMENCEMENT, Dieu créa le ciel et la terre.
La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux.
Dieu dit : "Que la lumière soit." Et la lumière fut. » (Genèse 1, 1-3)
« Dieu dit à Moïse : "Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : 'Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : JE-SUIS' ”. »
(Exode 3, 14)
« En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham soit né, Je Suis. » (Jean 8, 58)
« Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »
(Jean 14, 21)
« Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers. » Apocalypse 1, 8
« Si tu connaissais
le don de Dieu… »
(Jean 4. 10)
Le chariot de feu,
une représentation de Dieu peu connue
« Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Revêtu de magnificence, tu as pour manteau la lumière ! Comme une tenture, tu déploies les cieux, tu élèves dans leurs eaux tes demeures ; des nuées, tu te fais un char, tu t'avances sur les ailes du vent ;tu prends les vents pour messagers, pour serviteurs, les flammes des éclairs. »
(Psaume 103)
Elisée pria en disant :
« Seigneur, daigne lui ouvrir les yeux, et qu’il voie ! » Le Seigneur ouvrit les yeux du serviteur, et celui-ci vit la montagne couverte de chevaux et de chars de feu tout autour d’Élisée. »
(2 Rois 6, 17)
« Les chars de l'Eternel se comptent par vingt mille, Par milliers et par milliers ; Le Seigneur est au milieu d'eux, le Sinaï est dans le sanctuaire. »
(Psaume 68)
« Est-ce contre les fleuves, Seigneur, que flambe ta colère, contre les fleuves, contre la mer, ta fureur, pour que tu montes sur tes chevaux, sur tes chars de victoire ? »
(Habacuc 3, 8)
« Mais les justes sont en fête, ils exultent ;
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom,
frayez la route à celui qui chevauche les nuées.
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face. »
(Psaume 67 (68)
« Ils étaient en train de marcher tout en parlant lorsqu’un char de feu, avec des chevaux de feu, les sépara. Alors, Élie monta au ciel dans un ouragan. » (2 Rois 2 11)
他們正走著說話,忽有火車火馬將二人隔開,以利亞就乘旋風升天去了。(chinois)
และอยู่มาเมื่อท่านทั้งสองยังเดินพูดกันต่อไป ดูเถิด รถเพลิงคันหนึ่งและม้าเพลิงได้แยกท่านทั้งสองออกจากกัน และเอลียาห์ได้ขึ้นไปโดยลมบ้าหมูเข้าสวรรค์ (thaï)
I dok su tako išli i razgovarali, gle: ognjena kola i ognjeni konji stadoše među njih i Ilija u vihoru uziđe na nebo. (croate)
And it came to pass, as they still went on, and talked, that, behold, there appeared a chariot of fire, and horses of fire, which parted them both asunder; and Elijah went up by a whirlwind into heaven. (anglais)
Y aconteció que, yendo ellos hablando, he aquí, un carro de fuego con caballos de fuego apartó á los dos: y Elías subió al cielo en un torbellino. (espagnol)
Na, i a raua e haere ana, me te korero haere, ka puta mai tetahi hariata ahi me nga hoiho ahi, a wehea ana raua tokorua; a kake ana a Iraia i roto i te tukauati ki te rangi. (maori)
Hai người cứ vừa đi vừa nói với nhau, kìa, có một cái xe lửa và ngựa lửa phân rẽ hai người; Ê-li lên trời trong một cơn gió lốc. (vietnamien)
וַיְהִ֗י הֵ֣מָּה הֹלְכִ֤ים הָלֹוךְ֙ וְדַבֵּ֔ר וְהִנֵּ֤ה רֶֽכֶב־אֵשׁ֙ וְס֣וּסֵי אֵ֔שׁ וַיַּפְרִ֖דוּ בֵּ֣ין שְׁנֵיהֶ֑ם וַיַּ֙עַל֙ אֵ֣לִיָּ֔הוּ בַּֽסְּעָרָ֖ה הַשָּׁמָֽיִם (hébreu)
Enquanto estavam caminhando e conversando, um carro de fogo, puxado por cavalos em chamas, separou-os um do outro; e Elias subiu ao céu num redemoinho. (portuguais)
E com’essi continuavano a camminare discorrendo assieme, ecco un carro di fuoco e de’ cavalli di fuoco che li separarono l’uno dall’altro, ed Elia salì al cielo in un turbine. italien)
Während sie nun in solcher Unterredung immer weiter gingen, erschien plötzlich ein feuriger Wagen und feurige Rosse; die trennten beide von einander, und Elia fuhr also im Wetter gen Himmel. (allemand)
Dum ili estis irantaj kaj parolantaj, subite aperis fajra cxaro kaj fajraj cxevaloj kaj disigis ilin; kaj Elija en ventego suprenflugis en la cxielon. (esperanto)
Когда они шли и дорогою разговаривали, вдруг явилась колесница огненная и кони огненные, и разлучили их обоих, и понесся Илия в вихре на небо. (russe)
Cumque pergerent, et incedentes sermocinarentur, ecce currus igneus, et equi ignei diviserunt utrumque : et ascendit Elias per turbinem in cælum. (latin)
Onlar yürüyüp konuşurlarken, ansızın ateşten bir atlı araba göründü, onları birbirinden ayırdı. İlyas kasırgayla göklere alındı.(turc)
Dieu, le Père, qui es-tu ?
Avec son Fils et l'Esprit Saint, il forme la Sainte Trinité. Elle envoie à l'univers l'énergie qui, à chaque instant, le fait exister. Tout-Puissant, omniscient, omnipotent, Sa sainteté absolue, sa grandeur, sa justice et sa puissance sont terrifiantes à échelle humaine. Mais sa fidélité, son pardon, son amour pour l'homme et pour sa création les surpassent, sidèrent, fidélisent et drainent vers lui l'amour des hommes fascinés.
Ils expliquent sa patience et son désir de sauver l'homme de l'ennemi coûte que coûte. Le prix a été infini : il a donné Son Fils, Jésus, et ce Dieu-homme est mort de la façon la plus ignoble et infamante, martyrisé, honni et crucifié quasi-nu.
La prise de conscience de ce qu'est Dieu, de cet amour-passion infini, complètement extravagant, qu'il a pour l'homme, font naître et grandir reconnaissance et désir de lui donner, à notre tour, notre cœur. Et c'est encore lui qui nous attire vers Son Fils. Il lui suffit de voir au fond de notre cœur une once de désir de l'aimer.
La création de l'homme
Il se révèle à qui le cherche sincèrement avec le cœur et l'esprit ouverts, et sans a priori. Par Sa Parole (Bible) qui vous interpellera, par une multitude de petits signes, de synchronicités qui ne sont ni le fruit du hasard ni des coïncidences, et dont vous seul pouvez apprécier la grandeur car vous seul – et lui – connaissez le fond véritable de votre pensée et de votre cœur au moment où il vous envoie le signe. Pour vous, il créera le 'miracle' exceptionnel, secret unique et intime entre vous deux, qui vous touchera en plein cœur. Puissance garantie, certains en pleurent d'émotion. Alors, ceux qui doutent encore auront la conviction intime qu'IL EST.
« Devant l'Eternel, il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers ; l'Eternel n'était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; l'Eternel n'était pas dans le tremblement de terre.
Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; l'Eternel n'était pas dans le feu. Après le feu, il y eut un murmure doux et léger. Après le feu, il y eut un murmure doux et léger. » (1 Rois, 19, 11-12)
Discrétion de Dieu qui se révèlera à vous comme un souffle par Sa Parole, par des signes uniques, personnels et connus de vous deux seuls.
Merveilles de Dieu en images
« Il est impossible aux anges, les saints du Seigneur, de décrire toutes les merveilles que le Seigneur souverain de l’univers fit inébranlables pour que l’univers soit affermi dans sa gloire. Le Seigneur a scruté les abîmes et les cœurs, il a discerné leurs subtilités. Car le Très-Haut possède toute connaissance, il a observé les signes des temps, faisant connaître le passé et l’avenir, et dévoilant les traces des choses cachées. Aucune pensée ne lui a échappé, pas une parole ne lui a été cachée.
Il a organisé les chefs-d’œuvre de sa sagesse, lui qui existe depuis toujours et pour toujours ; rien n’y fut ajouté ni retranché : il n’a eu besoin d’aucun conseiller. Comme toutes ses œuvres sont attirantes, jusqu’à la plus petite étincelle qu’on peut apercevoir ! Tout cela vit et demeure à jamais, remplit son office et lui obéit. Tout va par deux, l’un correspond à l’autre, il n’a rien fait de défectueux, il a confirmé l’excellence d’une chose par l’autre. »
(Ben Sira le Sage 42, 17-25a)
La création de l'Univers
Perfection de la création de Dieu
Beauté et délicatesse de la création de Dieu
Tout-Puissant, infiniment Saint et Juste
Omniscient, omnipotent
Et pourtant si aimant, miséricordieux
Le Retour du Fils prodigue, Bartolome Esteban
Toujours prêt à accueillir, pardonner, aider
Il ne résiste pas à l'amour
L'amour extravagant du Père pour l'Homme
Notre Père est parfait dans sa manière d'aimer, parce que sa tendresse est toute gratuite et sans frontières. Il n'y a pas de frontières, dans le cœur de Dieu, entre les bons et des méchants.
Il n'y a pas de cercle de privilégiés, car tous ont le privilège d'être aimés comme des fils et des filles. Dieu aime toujours le premier, et continue d'aimer même quand aucun amour ne lui répond. Dieu ignore les frontières entre les hommes et entre les groupes.
Dieu n'enferme jamais un homme dans son passé, et à toute heure il nous rejoint pour œuvrer en nous, sans reprise, sans lassitude, dans le sens de la vie, de l'élan, de l'espérance. Même le païen, même le publicain, même le méchant et l'injuste peuvent compter sur son soleil et sa pluie, et donc aussi attendre les récoltes et espérer pour l'avenir. C'est déjà ce que le psalmiste chantait à son Dieu : « Toi, tu ouvres la main, tu rassasies tout vivant, et c'est là ton plaisir... »
La perfection du Père céleste, c'est comme une main toujours en train de s'ouvrir.
Sous le même soleil (Matthieu 5, 43-48)
« Les chemises de tous sèchent au même soleil », selon un proverbe persan. Le soleil est pour tous. Dieu n’a pas conçu d’équation déterminant selon quelle intensité ses rayons réchauffent les humains et leurs récoltes. Sa bonté, sa tendresse, son pardon sont ardents, débordants, généreux. Et c’est en fuyant les ombres de nos ruminations et en nous exposant aux lueurs de l’astre divin, que nous pourrons, à sa suite, aimer nos ennemis. »
© Père Thibault Van Den Driessche, assomptionniste/Prions en Église
Vous êtes pour lui comme l'unique, le préféré.
Chacun est le plus aimé de Dieu.
Un amour infini et sans équivalence.
Amour gratuit et libre
Un Dieu au « cœur bon ». La bonté ne relevant pas de la faiblesse mais bien plutôt de la "violence" et de la liberté de son amour. Celui-ci n’est pas prisonnier de l’attitude du partenaire humain qui rejette ou se montre indifférent à l’alliance offerte : « Je ne détruirai pas Israël car je suis Dieu. »
© Sœur Emmanuelle Billoteau, ermite, Prions en Église
Avec Dieu, tous les comptes sont faussés, car il est celui qui ne veut pas compter
À une morale de la juste proportion, Jésus substitue la morale de la douceur volontaire. Aux pressions de la méchanceté Jésus oppose seulement le dynamisme mystérieux de la non-violence. Il n'approuve pas le mal, mais il refuse de répondre au même niveau que le mal. À la surenchère de la haine, il faut répondre par la surenchère de l'amour. répondre par un geste d'apaisement ou de patience. Évidemment, suivre Jésus jusque-là, c'est-à-dire adieu à toutes nos sécurités, ces pauvres sécurités que nous appuyons sur des arguments de justice, sur des droits réels à faire valoir, sur des compétences que nous voulons défendre, sur des rôles qui nous flattent et que nous voulons garder. Ce risque évangélique réclame une force que seul le Christ peut nous donner, la force de l'espérance, toujours paradoxale ; un tel renoncement à l'agressivité, véritable folie aux yeux du monde, ne peut être vécu que par amour, par un amour un peu fou lui aussi, voué à Celui qui est source de tout amour.
La disproportion grandira forcément dans notre vie évangélique, entre nos droits et nos devoirs, entre ce que nous recevons et ce qu'il faudra donner, disproportion douloureuse, révoltante même à certains jours, disproportion qui ne sera corrigée que par le cœur de Dieu selon les critères d'une sagesse inaccessible, et qui sont, eux aussi, des critères d'amour.
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » (Jean 3, 16-17)
L’étoile d’argent
Juste après la seconde guerre mondiale, un père se promène un soir avec son jeune enfant dans les rues d’une grande cité américaine. De temps en temps, ils aperçoivent, collée à la vitre d’une fenêtre éclairée, une étoile d’argent. Cela veut dire que, dans cette famille, on a donné un fils, mort pour la libération de l’Europe. Sur certaines fenêtres, il y a même deux étoiles d’argent : deux fils sont morts. Et l’enfant compte les étoiles d’argent.
En continuant leur promenade, entre deux immeubles, apparaît dans le ciel, scintillante, l’étoile du soir. L’enfant demande : « Dis papa, est-ce que Dieu a aussi donné un fils ? » Alors le père serre bien fort la main de son enfant et répond, ému : « Oui, Dieu a donné son Fils unique pour le salut de chacun de nous ».
Dieu savait quel accueil les gens de la terre feraient à son Fils bien-aimé. Il connaissait d’avance la jalousie et la haine des dirigeants contre lui, les insultes, les blasphèmes, les coups et les clous. Dieu le savait et pourtant, il a donné son Fils pour l’humanité. Il l’a donné par amour pour nous. Peut-on comprendre un amour si grand ? Alors que nous étions indignes, haïssables.
© La bonne semence
Prédestinés à aimer
Dans un passage de l'Évangile, Jésus répond à Nicodème*. Lucide, cet homme sait combien il est difficile de renaître, de repartir à zéro. Jeunes et moins jeunes se demandent quelle est la volonté de Dieu sur eux. Eh bien la volonté de Dieu c’est que nous soyons sauvés ! Il est venu à Noël pour sauver tous les hommes.
Depuis la chute de nos premiers parents l’homme ne cesse de se cacher aux yeux de Dieu et Dieu ne cesse de le chercher et de l’appeler : « Adam où es-tu ? » Dieu a envoyé ses prophètes pour que les hommes se détournent du mal, mais cela n’a pas suffi. Pour trouver l’homme, il fallait que Dieu se fasse homme afin que l’homme retrouve l’intimité avec Dieu. Il fallait que Dieu prenne une nature humaine semblable à la nôtre. Jésus est venu pour nous sauver en donnant sa vie par amour de tous les hommes. Nous sommes tous prédestinés au salut, nous sommes tous aimés de Dieu d’un amour infini. Il faut vraiment que nous y mettions de la mauvaise volonté pour ne pas réaliser le plan de Dieu qui est le salut de tout homme.
Le Seigneur respecte notre liberté, il ne nous forcera jamais à entrer dans son plan de salut. Mais si nous le voulons, si nous acceptons le salut en Jésus-Christ, c’est-à-dire si nous croyons en lui, si nous lui remettons toute notre vie, alors nous obtiendrons la vie éternelle. Cette vie éternelle qui est déjà commencée, est cette présence intime de Dieu en notre corps : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? »
Frère Patrick-Dominique Linck, Nancy
*Nicodème, une des rares éminences des Sages juifs à croire en lui et à ne pas lui vouloir de mal.
Comprendre le sacrifice de Jésus
Version courte
Version longue
(Activez les sous-titres si nécessaire)
Le petit garçon représente Jésus. Le père qui est un aiguilleur représente Dieu.
Le Train représente les hommes (les pécheurs, qui commettent des fautes) Nous rencontrons plusieurs fois des personnes ayant un problème avec l'amour, ces personnes finissent toujours par être déçues alors que l'amour du père envers son fils est inconditionnel.. A cause de la transgression d'une seule loi, nous sommes condamnés via Adam et Eve.
Dans cette vidéo elle est représentée par le train qui continue la route malgré le feu rouge. Et pourtant !
Le père a le choix entre sacrifier son fils pour que les 300 personnes dans le train survivent ou l'inverse.
Le père a donc choisi de sacrifier son fils pour eux alors que tous ce qui sont dans le train sont des gens qui ne le méritent pas forcement...
Dieu a fait exactement la même chose pour nous, alors que nous ne le méritons pas, pour que nous puissions être sauvés, affranchis de la condamnation . Dans une situation comme celle-ci tout parent aurait préféré sauver son enfant... mais Dieu n'est pas homme, il est Dieu, et infiniment amoureux et protecteur de sa Créature, l'Homme.
Le train
L'amour infini du Père et du Fils nous est offert
« Père, glorifie ton Fils »
En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »
(Jean 17, 1-11a)
Jésus prononce ces paroles quelques heures avant le début de sa Passion et la veille de sa mort. Il s'offre à son Père et aux hommes.
Il est en compagnie de ses disciples, au Cénacle de Jérusalem, là où tous se sont réunis pour célébrer la Pâque.
Tout d'abord, en même temps qu'il prie son Père, Jésus semble s'adresser à nous. Il prie tout haut, et se révèle à travers sa prière. Il se découvre à nous comme le confident du Père, et il parle de la joie qu'ils avaient ensemble avant que le monde commençât, avant qu'il y eût des hommes pour connaître ou rejeter Dieu, avant que fût lancée l'histoire de la liberté et du salut.
Cet amour infini qui unit le Père et le Fils, Jésus veut le faire partager à tous ceux qui croient en lui. Il nous dit : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ». (Jean 15. 9) Et il dit à son Père : « Tu les as aimés comme tu m’as aimé ». (Jean 17, 23b)
Le cadeau de Noël à saisir
Pourtant, au XXIe siècle, beaucoup refusent de croire en l'existence de Dieu, de Jésus, ou bien préfèrent ne pas croire afin de ne pas avoir à réfléchir en profondeur à leur vie et à leurs priorités.
Mais Dieu refuse la stérilité de son Alliance, Dieu ne veut pas de ce gâchis, lui qui a envoyé son Unique dans le monde pour éclairer tout homme, lui qui veut briller dans le cœur de tout homme pour y faire resplendir la connaissance de sa gloire qui est sur la face du Christ. Il veut que tous parviennent à la vérité tout entière, et ce que les sages et les savants parfois ne savent plus estimer ni accueillir, Lui, le Père des lumières sait par quels chemins du cœur le révéler aux "petits".
© Carmes/Jésus Aujourd'hui
Il y a plus de 2000 ans, des étrangers venus de l’Est sont arrivés à Jérusalem. Ils ont posé une question qui a consterné les habitants : “Où est le roi des Juifs qui a été mis au monde ?” (Matthieu 2. 2).
On se serait bien passé d’un tel événement. Le roi Hérode en est troublé, et toute la ville avec lui. En effet la vie économique, culturelle et sociale suivait son cours, et à Jérusalem les habitants n’étaient pas prêts à changer grand-chose à leur manière de vivre.
N’en est-il pas de même encore aujourd’hui ? La vie s’écoule au rythme des saisons, des circonstances bonnes ou mauvaises. Quand Noël est là, avec ses sapins, ses crèches et sa profusion de cadeaux. Noël, c’est pourtant bien la naissance de Jésus qui est commémorée par beaucoup de gens ?
Mais cet événement n’est-il pas souvent vidé de son sens profond ? Au milieu de la fête, qui pense encore au cadeau que Dieu nous a fait en nous donnant Jésus Christ ? Et quel don ! Il n’est comparable à aucun autre.
Refuser un cadeau est une insulte pour celui qui l’offre. Quelle responsabilité de refuser Jésus Christ que Dieu offre comme Sauveur à chacun ! Un cadeau est une marque d’affection. On offre des cadeaux à ceux que l’on aime. Dieu, en nous donnant Jésus, nous a donné la plus grande preuve de son amour.
Parmi les cadeaux qui vous seront offerts pour Noël, ne négligez pas le don de Dieu : Jésus Christ comme Sauveur. Lui peut transformer votre vie et vous donner un nouveau départ.
Avec l’arrivée d’internet et du smartphone, nous avons maintenant dans la poche accès à toutes les informations que nous voulons. Enfin, presque, car ces moyens d’information ne répondent pas à notre question de fond : « À quoi sert ma vie ? Pourquoi suis-je là ? »
Celui qui croit que Dieu existe sait que son créateur a fait écrire la Bible, qui donne les réponses aux questions que nous nous posons sur le sens de notre vie. En voici quelques-unes, que nous recevons comme vraies :
Dieu a créé l’homme pour entretenir avec lui des relations dans la confiance, l’amour, la paix et la joie. (Proverbes 8, 31)
Les hommes, créés par Dieu, refusent de le reconnaître comme leur créateur. C’est pourquoi la méchanceté, l’injustice, la haine, la violence, l’immoralité, la souffrance abondent dans le monde. (Romains 1, 19-21)
Dieu est amour : il a envoyé Jésus Christ pour pouvoir nous offrir le pardon et la vie éternelle. (1 Jean, 4, 9)
Dieu fait preuve de grâce envers celui qui lui a désobéi (Isaïe 1, 18). Quand nous croyons, acceptons Jésus comme Sauveur et de se mettre en marche pour le suivre, Dieu nous pardonne. Baptême, sacrements, il a tout prévu pour vous recevoir dans sa maison.
Ne pas remettre votre décision à plus tard, car « vous ne savez même pas ce que sera votre vie demain ! Vous n’êtes qu’un peu de brume, qui paraît un instant puis disparaît ». (Jacques 4. 14)
Avec des extraits © La bonne semence
La prière du Notre Père dans toutes les langues
En réponse à une demande de ses disciples, Jésus leur a donné un modèle de prière, qu’on appelle le Notre Père, d’après les deux premiers mots. Non pour qu’ils le répètent mécaniquement, sans foi ni ferveur, mais afin que son contenu oriente leur vie de prière.
Le Notre Père se divise en deux parties. La première se rapporte à Dieu, son nom, son règne, sa volonté. La seconde concerne nos besoins : la nourriture quotidienne, aussi bien alimentaire que spirituelle, le besoin de pardon et de protection. Cet ordre est important. Dieu doit occuper la première place dans nos pensées et dans nos désirs.
Jésus commence par inviter ses disciples à appeler Dieu “notre Père”. Il n’est plus seulement connu comme l’Éternel, le Dieu du peuple d’Israël. Il est le Père céleste de tous ceux qui connaissent Jésus comme leur Sauveur.
Il nous appelle ses enfants et veille sur nous. Chacun de nous a le privilège de s’approcher de Dieu en tout temps avec liberté et confiance.
Nous pouvons apprécier la miséricorde du Père (Luc 6. 36), son pardon (Marc 11. 25), ses soins (Matthieu 6. 31, 32) et sa discipline bienfaisante (Hébreux 12. 5).
Notre Père est dans les cieux. Dieu, qui par Jésus est venu jusqu’à nous, reste infiniment au-dessus de nous. Tous les pouvoirs, tous les événements restent dans sa main. Et ce Dieu si grand est notre Père. C’est à lui que nous pouvons parler, et il nous écoute. Quel privilège !
« Vous donc, priez ainsi :
Notre Père, qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation
mais délivre-nous du Mal.
Amen »
(Matthieu 6, 9-13)
Le Notre Père écrit en araméen biblique, la langue que parlait le Christ, avec l'hébreu. Il s'agit de l'écriture du véritable araméen de l'époque, et non pas de l'araméen actuel qui est en fait du syriaque.
Padre nostro, che sei nei cieli,
sia santificato il tuo nome,
venga il tuo regno,
sia fatta la tua volontà,
come in cielo così in terra.
Dacci oggi il nostro pane quotidiano,
e rimetti a noi i nostri debiti
come noi li rimettiamo ai nostri debitori,
e non ci indurre in tentazione,
ma liberaci dal male.
Tuo è il regno, tua la potenza e la gloria nei secoli.
Amen.
(italien)
Our Father, who art in heaven,
Hallowed be thy name.
Thy Kingdom come.
Thy will be done on earth as it is in heaven.
Give us this day our daily bread.
And forgive us our trespasses, as we forgive those who trespass against us.
And lead us not into temptation,
But deliver us from evil.
For thine is the kingdom, the power and the glory for ever and ever.
Amen.
(anglais)
ข้าแต่พระบิดาของข้าพเจ้าทั้งหลาย
พระองค์สถิตในสวรรค์
พระนามพระองค์จงเป็นที่สักการะ พระอาณาจักรจงมาถึง พระประสงค์จงสำเร็จในแผ่นดินเหมือนในสวรรค์
โปรดประทานอาหารประจำวัน
แก่ข้าพเจ้าทั้งหลายในวันนี้ โปรดประทานอภัยแก่ข้าพเจ้า เหมือนข้าพเจ้าให้อภัยแก่ผู้อื่น
โปรดช่วยข้าพเจ้าไม่ให้แพ้การผจญ
แต่โปรดช่วยให้พ้นจากความชั่วร้ายเทอญ อาแมน
(thai)
Padre nuestro, que estás en el cielo,
Santificado sea tu Nombre ;
venga a nosotros tu reino ;
hágase tu voluntad en la tierra como en el cielo.
Danos hoy nuestro pan de cada día ;
perdona nuestras ofensas,
como también nosotros perdonamos
a los que nos ofenden ;
no nos dejes caer en la tentación,
y libranos del mal.
Amén
(espagnol)
אָבִינוּ שֶׁבַּשָּׁמַיִם יִתְקַדַּשׁ שְׁמֶךָ׃
תָּבֹא מַלְכוּתֶךָ יֵעָשֶׂה רְצוֹנְךָ
בָּאָרֶץ כַּאֲשֶׁר נַעֲשָׂה בַשָּׁמָיִם׃
תֶּן־לָנוּ הַיּוֹם לֶחֶם חֻקֵּנוּ׃
וּסְלַח־לָנוּ אֶת־אַשְׁמָתֵנוּ כַּאֲשֶׁר
סֹלְחִים אֲנַחְנוּ לַאֲשֶׁר אָשְׁמוּ לָנוּ׃
וְאַל־תְּבִיאֵנוּ לִידֵי מַסָּה
כִּי אִם־הַצִּילֵנוּ מִן־הָרָע
כִּי לְךָ הַמַּמְלָכָה וְהַגְּבוּרָה וְהַתִּפְאֶרֶת
לְעוֹלְמֵי עוֹלָמִים
(hébreu)
Pai Nosso, que estais nos céus,
Santificado seja o Vosso nome.
Venha a nós o Vosso reino.
Seja feita a Vossa vontade,
Assim na terra como no céu.
O pão nosso de cada dia nos dai hoje.
Perdoai-nos as nossas ofensas
Assim como nós perdoamos a quem nos tem ofendido.
Não nos deixeis cair em tentação,
Mas livrai-nos do mal.
Ámen.
(portugais)
Πάτερ ἡμῶν ὁ ἐν τοῖς οὐρανοῖς,
ἁγιασθήτω τὸ ὄνομά σου.
Ἐλθέτω ἡ βασιλεία σου.
Γενηθήτω τὸ θέλημά σου,
ὡς ἐν οὐρανῷ, καὶ ἐπὶ τῆς γῆς.
Τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν ἐπιούσιον δίδου ἡμῖν τὸ καθ’ ἡμέραν.
Καὶ ἄφες ἡμῖν τὰς ἁμαρτίας ἡμῶν,
καὶ γὰρ αὐτοὶ ἀφίεμεν παντὶ ὀφείλοντι ἡμῖν.
Καὶ μὴ εἰσενέγκῃς ἡμᾶς εἰς πειρασμόν,
ἀλλὰ ῥῦσαι ἡμᾶς ἀπὸ τοῦ πονηροῦ.
(grec, texte original)
天主经
我们的天父
愿祢的名受显扬
愿祢的国来临
愿祢的旨意奉行在人间
如同在天上
求祢今天赏给我们日用的食粮
求祢宽恕我们的罪过
如同我们宽恕别人一样
不要让我们陷于诱惑
但救我们免于凶恶。阿门!
(chinois)
Pater noster qui in caelis es
sanctificetur nomen tuum
veniat regnum tuum
fiat voluntas tua sicut in caelo et in terra
Panem nostrum supersubstantialem da nobis hodie
et dimitte nobis debita nostra
sicut et nos dimisimus debitoribus nostris
et ne inducas nos in temptationem
sed libera nos a malo.
Amen
(latin)
(arabe)
À Jérusalem, sur le mont des Oliviers, les jardins et murs du cloître de l'église du Pater Noster abritent le Notre Père écrit dans toutes langues, sur de grandes plaques en faïence de couleur. Le sioux y figure ainsi que de nombreuses langues rares dont les noms sont inconnus de la plupart d'entre nous. On trouve même le Notre Père en braille, dans les langues française et en italienne. À noter que le Pater Noster est une terre française en plein Jérusalem, le drapeau français flottant au portail. Car les terres ont été acquises par Aurélie de Bossi (Italienne), devenue par mariage princesse de La Tour d'Auvergne, duchesse de Bouillon. Elle a vécu dans un petit château de Haute-Loire, La Tourette, avec son mari, avant de se séparer de lui, de quitter la France pour la Terre Sainte où elle s'est dépensée pour que soit construite une église sur les terres achetées avec ses deniers. Un imposant gisant en marbre lui a été construit à titre de reconnaissance et ses restes transférés à sa mort, à Florence, en 1889. Le Pater Noster abrite actuellement un Carmel. Il est terre française, le drapeau bleu blanc rouge flotte à l'entrée du monastère.
Extraits des Évangiles
sur le thème de Dieu, le Père
« Vous donc, priez ainsi »
(Mt 6, 7-15)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. »
Premier commentaire
Il faudrait être sans cœur pour tromper un enfant, pour le frustrer sans raison dans son désir, pour lui mettre en main un caillou et un serpent : des choses immangeables ou dangereuses.
Il nous faut parfois un effort pour nous montrer généreux envers un adulte, mais c'est tout naturellement que nous donnons aux enfants de bonnes choses, le meilleur des choses, celles qu'ils nous demandent, et même celles qu'ils ne savent pas demander parce qu'ils ne les connaissent pas encore.
Même quand notre cœur est dur, impatient ou soupçonneux dans la vie ordinaire, nous avons des trésors de tendresse tout prêts pour les enfants ; et par là, tout racornis que nous sommes, nous offrons pourtant une parabole de la tendresse de Dieu, "combien plus" grande et spontanée que la nôtre !
Et c'est une invitation à la confiance dans la prière : "Demandez, et vous recevrez".
Dans la vie courante, ce n'est pas habituel. Au contraire, on va de bureau en bureau, d'une maison à une autre, d'un ami à un autre, et souvent on n'obtient pas, on ne trouve pas, et personne n'ouvre, parce que les gens n'ont pas le temps d'accueillir ni d'écouter, parce qu'ils ne peuvent ouvrir ni leur porte ni leur cœur, parce qu'ils n'ont pas assez de liberté pour nous aider à devenir libres.
Dieu, lui, inverse le cours des choses : Quand on lui demande, on reçoit, parce qu'il met sa joie à donner ; quand on le cherche, on le trouve toujours, parce que lui-même, le premier, se donne à voir et à entendre ; quand on frappe à sa porte, il ouvre tout de suite, parce que déjà il attendait.
Cependant, cette certitude d'être entendus, exaucés, comblés, Dieu nous la fait vivre au niveau de la foi, et non pas de manière émotionnelle ; c'est pourquoi la prière demeure difficile.
Nous demandons, et Dieu répond dans la durée, selon son rythme à lui, qui pour nous est lenteur.
Nous cherchons, et parfois Dieu nous laisse avec notre question, parce qu'elle agrandit l'espace de notre cœur et qu'elle nous fait marcher vers lui ;
Nous frappons : Dieu entend, Dieu répond, car il est déjà là, toujours là ; mais il nous laisse, librement, pousser la porte.
C'est bien ce que nous avons à faire avant tout, en carême, et pour le carême : pousser la porte que Dieu laisse toujours entrouverte, venir à lui comme le fils prodigue, lui redire, avec nos mots à nous, ce que Esther, dans sa détresse, lui disait si bien : "Viens me secourir, car je suis seule et je n'ai que toi, Seigneur, toi qui connais tout !"
Même la reine Esther n'avait que lui, le roi des dieux, le Dieu des rois; et c'est le même Dieu qui nous exauce, nous, les tâcherons du Royaume, pas fiers de nous, mais fiers de lui : "Souviens-toi, Seigneur; fais-toi connaître au moment de notre détresse !"
Souviens-toi, Seigneur, que tu as voulu l'Alliance avec nos pères ; souviens-toi, Jésus, de ces vingt siècles de la nouvelle alliance ; souviens-toi, Père, des humains que tu as choisis dans tous les temps, pour faire d'eux, en chaque temps, un peuple qui t'appartienne.
Nous-mêmes, Seigneur, nous nous souvenons que "tu as fait pour eux tout ce que tu avais promis", et nous faisons mémoire, en cette Eucharistie, de ta longue fidélité.
Il est bien vrai que nous n'avons que toi, comme tous tes pauvres sur la terre, mais avec toi, nous avons tout : il nous suffit de ton amour.
Deuxième commentaire
Pour mieux entrer dans la pensée de Jésus, dans son enseignement sur la prière, regardons d'abord ce qu'il nous dit avant le Notre Père et immédiatement après.
Tout d'abord : "Ne rabâchez pas", "ne répétez pas mécaniquement des paroles dont vous êtes absents". La prière doit être persévérante ; pour les contemplatifs elle peut prendre des heures, mais elle ne se mesure jamais à la quantité des paroles. On peut prier beaucoup avec fort peu de mots ; on peut même bien prier par un simple regard.
Deuxième remarque de Jésus : "Votre Père sait", il sait déjà. Il n'est pas comme les responsables humains qu'il faut d'abord convaincre pour obtenir quelque chose. Avec Dieu, point n'est besoin de préparer son discours, de lister les demandes, de prévoir les arguments. Nous pouvons aller droit au fait, comme avec un ami qui est au courant. "Il sait de quoi nous avons besoin" ; il le sait même mieux que nous, qui pouvons nous tromper. Cela veut dire que déjà il s'occupe de nous et que déjà il nous aime.
En particulier il n'est pas nécessaire d'avoir achevé une toilette spirituelle avant de regarder vers Dieu, car il nous aime et nous prend comme nous sommes, pour nous rendre un peu comme il est.
Troisième consigne, qui vient, elle, après le Notre Père : si nous prions, il faudra nous montrer logiques avec notre prière ; si nous avons demandé à Dieu le pardon, il faut nous mettre résolument à pardonner. En pardonnant, il déblaie pour nous la route de son cœur. Il attend, de même, que nous rouvrions la route pour nos frères ou nos sœurs.
Ainsi avertis, nous nous tournons vers Dieu ; mais comment le nommer ? quels mots choisir ? quels thèmes privilégier ?
Quand vous priez, dit Jésus, dites : Notre Père, toi qui es Père à la manière de Dieu, toi qui es dans les cieux, tout autre et pourtant si proche ! C'est comme Père qu'il s'est révélé à nous, et nous entrons dans sa joie en l'appelant ainsi.
Après quoi nous commençons par lui parler de lui-même, nous souciant d'abord de trois choses : Son Nom, son Règne, sa Volonté.
Ce triple souvenir suffit pour que nous trouvions notre place devant Dieu, notre place de créatures, reconnaissantes et soumises. Et nous évoquons en même temps notre chance de fils et de filles, aimés chacun comme l'unique, et notre mission de serviteurs et de servantes, car c'est parmi nous que Dieu va sanctifier son Nom, c'est dans nos cœurs que son Règne doit advenir, c'est sur notre terre que sa Volonté doit s'accomplir.
Une fois replacés ainsi face au dessein de Dieu et de son plan d'amour, nous revenons sur trois de nos besoins, qu'il connaît déjà : besoin de pain, de pardon, de force dans l'épreuve. Mais, vous l'aurez remarqué, dans le Notre Père, nous ne disons jamais : "donne-moi", mais toujours : "donne-nous", "remets-nous", "délivre-nous".
Même quand nous redisons le Notre Père au fond de notre maison, ou à l'intime du cœur, c'est toujours une prière universelle.
Troisième commentaire
Le Pater, dans l'Evangile de St Matthieu, vient en conclusion d'un long enseignement de Jésus sur la prière.
Quand tu pries, dit Jésus, ne va pas te camper aux carrefours pour te faire voir : prie ton Père sans être vu, ferme sur toi la porte ; accepte ces moments où tu n'auras pas d'autre motivation pour la prière que la présence de ton Père.
Quand tu pries, ne rabâche pas, ne répète pas, ne t'énerve pas comme si, à force de tension, tu allais contraindre Dieu à te rendre la prière facile.
Derrière toute ostentation comme derrière toute impatience dans la prière se cache, en effet, une erreur sur Dieu ; et c'est surtout cela que Jésus veut nous faire comprendre.
Dès que l'on prie dans le secret, dès lors qu'on fait à Dieu cette politesse affectueuse de fermer la porte, il n'y a pas à "rejoindre" Dieu, car Dieu est là, déjà, dans le secret, dans son secret où il nous a admis.
"Dieu te le rendra", promet Jésus. Et que nous rendra-t-il ? - le secret ! Dieu te revaudra le secret que tu voulais pour lui. L'important n'est pas que nous voyions Dieu (du moins sur cette terre), mais que Dieu, qui voit dans le secret, nous regarde dans le secret où pour lui nous sommes entrés.
Et à partir du moment où Dieu nous voit, nous n'avons pas à nous appesantir sur nos manques, sur nos impréparations, sur nos porte-à-faux, sur nos misères : "Votre Père, dit Jésus, sait bien de quoi vous avez besoin, avant même que vous demandiez".
Il sait déjà, tout comme il est déjà. Nous sommes devancés, et c'est bien comme cela ; notre démarche déjà lui a tout dit, tout apporté ; notre fardeau est déjà déchargé, puisque Dieu sait déjà.
Quel va être, dans ces conditions, le premier mot de la prière pour celui qui est déjà accueilli, déjà entendu, déjà compris ?
"Vous donc, dit Jésus, priez ainsi : Notre Père", Père de nous, Père de nous tous.
Au moment même où le Moi s'efface devant le Toi de Dieu, voilà que le Nous envahit tout le champ de la prière ; et le secret voulu pour Dieu nous fait communier, devant Dieu, à la prière des hommes de l'univers : "Notre Père, qui es aux cieux".
Dans le Pater, c'est toujours un Nous qui s'adresse à Dieu, c'est toujours un nous qui dit Toi ; c'est toujours l'Eglise de Jésus qui, tournée vers le Père, avant toute autre demande lui parle de trois choses : son Nom, son Règne, sa volonté.
« Dieu ne veut pas qu’un seul
de ces petits soit perdu »
(Mt 18, 12-14)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quel est votre avis ? Si un homme possède cent brebis et que l’une d’entre elles s’égare, ne va-t-il pas laisser les 99 autres dans la montagne pour partir à la recherche de la brebis égarée ? Et, s’il arrive à la retrouver, amen, je vous le dis : il se réjouit pour elle plus que pour les 99 qui ne se sont pas égarées. Ainsi, votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits soit perdu. »
Chaque évangéliste à sa manière personnelle de proposer les paraboles de Jésus. Ainsi, là où saint Luc parle de brebis perdue, et applique l'image à tous les hommes, Matthieu décrit une brebis égarée que Jésus vient sauver, et il enchâsse la parabole entre deux rappels des "petits", c'est-à-dire, concrètement, pour saint Matthieu, les plus humbles et les plus délaissés de chaque communauté chrétienne.
On pourrait dire : brebis perdue/ brebis égarée, où est la différence ? Effectivement la différence apparaît peu dans notre langue, mais dans le Nouveau Testament l'égarement a toujours trait à la foi. "Que personne ne vous égare", disait Jésus (Mt 24,4). De même saint Paul avertissait Timothée : " Les hommes mauvais et imposteurs vont progresser dans le mal, égarant les autres, égarés eux-mêmes ! Mais toi, demeure ferme dans ce que tu as appris et accepté comme certain" (2 Ti 3,13). Et l'on retrouve chez Jean, chef de communauté, la même mise en garde : "Petits-enfants, que personne ne vous égare ! » (1 Jo 3,7; cf. 2,26) Ceux qui égarent les chrétiens sont clairement désignés : ce sont - d'une part les faux prophètes (Mt 24,11.24; Ap 19,20), les hommes mauvais et imposteurs, - d'autre part le Satan, "qui égare la terre entière" (Ap 12,9). Mais l'on peut s'égarer soi-même si l'on se prétend sans péché (1 Jo 1,8).
Ainsi, dans la parabole telle que la propose Matthieu, ce sont les petits de la communauté chrétienne, les gens sans défense, qui sont menacés dans leur foi par les slogans des faux prophètes. Et cela, Dieu ne le supporte pas. Sur ce point Jésus est formel : "Votre Père qui est aux cieux ne veut qu’aucun de ces petits ne se perde" ; et ces réflexes du Père, Jésus les fait siens.
La parabole de Matthieu complète donc celle de Luc : non seulement Jésus-Berger est venu chercher ceux qui étaient perdus, mais il prend fait et cause pour tout ceux que l'on méprise dans les groupes humains, tous les "petits" que l'on égare sans scrupule.
Dans la parabole selon Matthieu, la brebis égarée est beaucoup moins révoltée que victime, et la joie du berger met surtout en lumière l'immense pitié qui habite le cœur du Christ comme celui du Père. Quel recours auraient les "petits", les "humainement faibles", si Dieu ne les prenait en charge ? Quel espoir de salut auraient-ils, si le Christ ne s'était pas fait homme pour mieux se faire reconnaître comme Berger ?
L'essentiel de la parabole est cette révélation de Dieu, de ses réflexes et de ses méthodes, qui sont aussi ceux de Jésus. Quant à nous, nous perdrions sûrement notre temps si nous nous demandions quelle brebis nous sommes, brebis de Luc ou brebis de Matthieu, brebis qui se retrouve loin de Dieu parce qu'elle n'en fait qu'à sa tête, ou brebis incapable de se défendre et qui est ballottée à tout vent de doctrine ou au gré des impressions spirituelles fugitives et contradictoires. Il est probable que nous sommes un peu les deux, un peu perdus et un peu égarés.
Ce qui importe, c'est de nous redire aujourd'hui : Si je me laisse rejoindre par le Berger, je peux vivre une amitié qui n'a pas de nom sur la terre parce qu'elle sera à la fois pardon, dialogue, don de vie et irruption dans la lumière de Dieu.
« Ce que tu as caché aux sages et aux savants,
tu l’as révélé aux tout-petits »
(Mt 11, 25-30)
« En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »
Matthieu a regroupé trois paroles différentes de Jésus, parce qu'elles s'éclairent l'une l'autre, et que les trois nous apportent un message d'espérance.
Nous entendons d'abord un cri de jubilation de Jésus, qui est en même temps une louange à son Père, exprimée dans le langage des psalmistes : " Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre !"
Ce qui provoque cette admiration et cet étonnement joyeux de Jésus, c'est tout simplement la pédagogie mise en œuvre par le Père pour le salut des hommes : "Tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et les as révélées aux tout-petits."
De plus en plus, durant son ministère public, Jésus avait rencontré le refus d'une partie de son peuple. Les moins ouverts à son message sont les scribes, les spécialistes, les maîtres à penser, tous ceux qui s'imaginent posséder une fois pour toutes la vérité et n'avoir plus besoin de la chercher avec les autres. Les petits, au contraire, les pauvres en Esprit, acceptent de bon cœur de s'ouvrir à l'espérance que Jésus leur apporte.
Certes, Jésus ne se réjouissait pas de cette fronde des gens instruits - car il les voulait aussi pour le Royaume - mais il laisse éclater sa joie de voir les humbles se laisser faire si facilement par Dieu et se rallier si vite à son dessein d'amour.
Cette simplicité du cœur n'est pas le fruit d'une culture qui serait l'apanage des riches ; c'est une richesse de l'esprit et une clarté du regard qu'aucune science ne peut transmettre, si ce n'est la "science d'amour", comme disait la petite Thérèse. La vie authentique, la vie selon l'Évangile, est à base de fidélité et de grandeur d'âme, et elle ne se trouve pas immédiatement au bout de la recherche des hommes, mais suppose une victoire de chacun sur ses mensonges.
On constate, entre les chrétiens, divers niveaux de culture, et c'est normal ; mais il n'y a qu'un seul salut, et ce salut, qui vient par la foi au Christ vivant, ne dépend pas de ce qu'un homme a trouvé dans les livres, mais de ce qu'il inscrit, jour après jour, dans le livre de sa vie, ce livre que Dieu seul peut ouvrir ou fermer.
Oui, tel a été, et tel est encore le bon plaisir du Père : que les plus humbles gardent toutes leurs chances face au Règne de Dieu qui vient sur terre. Certes, Jésus ne déprécie pas la science, et il a su discuter sans complexe avec les hommes les plus fins de Jérusalem ; Jésus ne donne pas de prime à la paresse intellectuelle ni à l'étroitesse d'esprit, et après sa résurrection, il a suscité comme treizième Apôtre un saint Paul, bilingue parfait, théologien de haut vol, un homme préparé par une longue recherche à unir la culture juive et la culture grecque. Mais aux yeux du Christ la culture, tout comme la technique et le savoir-faire, doit se mettre au service d'une réponse de foi, doit devenir le service d'un croyant qui aime.
À chaque époque, et tout spécialement à la nôtre, la communauté de Jésus doit se défendre contre la tentation des nouveaux scribes. Jamais la recherche n'a été plus urgente dans l'Église, recherche biblique, recherche théologique, recherche pastorale et missionnaire ; car il nous faut dire aujourd'hui notre foi et rendre raison de l'espérance qui est en nous. Mais nous ne sommes pas propriétaires de la Révélation, nous n'en sommes pas les maîtres, et nous ne pouvons pas repartir à zéro, à partir de nos évidences d'aujourd'hui, en effaçant l'œuvre de Dieu, l'initiative et la Parole de Dieu, le droit de Dieu à être adoré et servi en silence.
Ce Jésus même, dont si facilement, si légèrement, nous nous réclamons, il nous faut apprendre, humblement, à le connaître, car nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et c'est le Père qui révèle son Fils en nous, or il nous le révèle comme le Serviteur qui a souffert, comme un Messie crucifié puis glorifié. Voilà l'Évangile que personne jamais ne pourra récrire.
Personne non plus ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. Nous ne pouvons regarder le Père qu'avec les yeux du Fils ; nous ne pouvons parler au Père qu'avec les paroles révélées par le Fils.
Et ce regard qui touche Dieu, ces paroles qui rejoignent Dieu, Jésus, lui aussi, ne les enseigne qu'aux humbles, aux hommes de bonne volonté qui ne jouent pas au plus fort avec Dieu, à tous ceux qui acceptent de se mettre à son école.
Nous passons notre vie à courir après le repos, après la stabilité, après des circonstances favorables où nous pourrons enfin servir, enfin aimer. Pourquoi ne pas entrer aujourd'hui dans le repos de Jésus, dans le paradoxe de l'humilité, de la douceur et de la croix ?
Le Maître est là, il nous attend.
« À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? »
(Mc 4, 26-34)
« En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. » Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. » Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier. »
Une graine infime devient un arbre. Ainsi en va-t-il du Royaume de Dieu : la même loi de disproportion se vérifie, et aussi un miracle de vie encore plus inouï.
Car le Royaume de Dieu n'est pas une sorte de territoire découpé sur terre, mais une réalité intérieure. Au temps de Jésus, on appelait Royaume de Dieu, ou mieux "règne de Dieu", "royauté de Dieu", l'emprise de Dieu sur le cœur de l'homme, la place de Dieu dans le cœur de l'homme, la seigneurie de Dieu que l'homme doit reconnaître et sa volonté de salut dans laquelle il doit entrer.
Et c'est bien de cela qu'il s'agit dans la parabole de Jésus que nous lisons aujourd'hui.
L'amitié de Dieu avec le croyant commence et recommence toujours sans bruit, sans éclat, sans insistance. C'est une lumière d'un instant, un moment d'espérance, la certitude d'être aimé et pardonné. C'est souvent un instant bref et fugitif, apparemment sans importance et sans conséquences, pas plus épais dans la vie qu'une graine de sénevé qui roule entre les doigts.
Mais si nous savons reconnaître la visite de Dieu, si nous avons le courage de dire : "C'est Dieu qui passe", si nous donnons tout son prix à cet amour que Dieu nous propose sans s'imposer, une grande aventure d'espérance peut commencer, dont Jésus sera le maître.
Si nous faisons confiance à la grâce et que nous laissons se déployer le mystère de la vie, si nous laissons agir le Vivant et son mystère, l'amour de Dieu en nous devient un arbre tout bruissant : Dieu, une fois accueilli, vient accueillir en nous ceux qu'il nous donne à aimer.
Nous avons tous expérimenté dans notre existence personnelle, dans notre vie de foi, le mystère de certains commencements, qui parurent, à nos yeux, d'une pauvreté désespérante, et qui pourtant étaient riches, déjà, de toute la force de Dieu. Mais cette loi de disproportion, qui est au fond une certaine élégance de la puissance de Dieu, nous sommes beaucoup moins prêts à la reconnaître dans la vie de nos communautés.
Après des années d'efforts et de fidélité, de reprises et de demi-conversions, il nous arrive de sentir, parfois avec une sorte d'angoisse, la disproportion de nos forces avec les exigences nouvelles du témoignage, et l'avenir nous semble alors hasardeux, ténu, sans épaisseur, comme la graine de sénevé qu'on sent à peine entre ses doigts.
C'est alors que Jésus nous rejoint pour nous dire : "Gardez confiance et gardez l'unité par le lien de la paix, et moi, de la graine minuscule de votre foi et de votre charité, je ferai un grand arbre."
L'arbre, jamais nous ne le verrons en train de pousser, car aucun œil humain n'est fait pour ces longues patiences. L'important est que cet arbre grandisse sous le regard de Dieu.
De même, Dieu seul sait quand la pâte aura suffisamment levé pour la fournée qu'il prépare. Ce qu'il nous demande à tous c'est d'être levain, ferment de prière et ferment d'unité. Ferment caché, enfoui, comme le Fils de Dieu dans notre humanité.
« Il ne leur disait rien sans parabole » (Mt 13, 31-35)
« En ce temps-là, Jésus proposa aux foules une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches. » Il leur dit une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable au levain qu’une femme a pris et qu’elle a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. » Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole, accomplissant ainsi la parole du prophète : J’ouvrirai la bouche pour des paraboles, je publierai ce qui fut caché depuis la fondation du monde. »
Le Règne de Dieu parmi les hommes commence toujours dans la modestie, comme si Dieu avait décidé de nous faire travailler jusqu'à la fin du monde avec des moyens disproportionnés, et de choisir "ce qui n'est pas pour confondre ce qui est".
Le grain de sénevé ne paie pas de mine : on en met des centaines dans un dé à coudre, et pourtant cette semence si petite qu'elle rentre sous un ongle, dès qu'elle est confiée à la terre devient vite un arbuste.
Ainsi en va-t-il de l'Église de Jésus partout où l'Esprit Saint l'a semée. Elle commence dans un, deux ou trois cœurs qui ont dit oui à l'œuvre de Dieu. Il suffit d'une poignée de témoins, d'une poignée d'hommes et de femmes, des chrétiens ni plus riches ni plus forts ni plus savants que les autres, mais qui acceptent de s'enfouir en terre profonde, là où ils sont nés, ou encore là où le grand vent de la Pentecôte les a dispersés.
Là où ils sont, là où ils tombent, là où ils vivent et meurent, la parole de Jésus germe, la communauté de Jésus grandit, se forme et se structure. Et tout cela, c'est l'œuvre de Dieu, annoncée par Ézéchiel pour les temps du Messie : " Et moi, dit Dieu... à la cime du grand cèdre je cueillerai un rameau, et je le planterai moi-même sur une montagne très élevée... il deviendra un cèdre magnifique. Toutes sortes d'oiseaux habiteront sous lui. Et tous les arbres des champs sauront que c'est moi, Yhwh , qui humilie l'arbre élevé et qui élève l'arbre humilié, qui fait sécher l'arbre vert et reverdir l'arbre sec. Moi, Yhwh j'ai dit, je fais."
Et c'est ainsi que depuis deux mille ans, l'un après l'autre tous les peuples du monde viennent s'abriter dans les ramures de l'Église du Christ ; il y a un nid pour chaque peuple, et un seul concert dans le grand arbre.
La force de cette croissance vient de Dieu, de lui seul ; de même que le rythme de cette croissance, et aucun œil humain n'a jamais vu la plante en train de grandir, tout comme aucun œil ne voit lever la pâte quand elle est travaillée par le ferment.
Nous sommes parfois lents à nous accorder aux lenteurs de Dieu, à comprendre que Dieu travaille avec le temps, même et surtout quand le temps presse ; et pourtant tous les retards de Dieu sont plus efficaces que nos impatiences. Si Dieu patiente, c'est qu'il est sûr de réussir, de réussir l'homme et le monde ; s'il ne bouscule rien, c'est qu'il a confiance dans le levain, déposé une fois pour toutes dans la race des hommes, sa parole qui crée et recrée, qui nourrit la foi et redonne l'espérance.
Aujourd'hui encore l'Évangile, en silence, travaille la pâte humaine, le monde, l'Église, notre communauté, notre propre cœur. Même si l'Église, un peu partout dans le monde, devient ou redevient minoritaire, même si notre labeur missionnaire rencontre de nouvelles résistances, même si les forces qui dominent le monde semblent étouffer la voix de Jésus.
Dieu, dans le Christ est déjà vainqueur, et tout notre ministère se déploie sur le fond de cette victoire.
"Que votre cœur ne se trouble pas, disait Jésus, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi".
« Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants »
(Mc 12, 18-27)
« En ce temps-là, des sadducéens – ceux qui affirment qu’il n’y a pas de résurrection – vinrent trouver Jésus. Ils l’interrogeaient : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une femme, mais aucun enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. Il y avait sept frères ; le premier se maria, et mourut sans laisser de descendance. Le deuxième épousa la veuve, et mourut sans laisser de descendance. Le troisième pareillement. Et aucun des sept ne laissa de descendance. Et en dernier, après eux tous, la femme mourut aussi. À la résurrection, quand ils ressusciteront, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » Jésus leur dit : « N’êtes-vous pas en train de vous égarer, en méconnaissant les Écritures et la puissance de Dieu ? Lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme les anges dans les cieux. Et sur le fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le livre de Moïse, au récit du buisson ardent, comment Dieu lui a dit : Moi, je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ? Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Vous vous égarez complètement. »
"Vous méconnaissez les Écritures et la puissance de Dieu", telle est la réponse de Jésus aux Sadducéens qui ironisent sur la Résurrection.
En fait d'Écriture, Jésus aurait pu citer le texte de Daniel (12,2) auquel il renvoie clairement en d'autres circonstances : "En ce temps-là, ton peuple échappera : Tous ceux qui se trouvent inscrits dans le livre. Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s'éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l'opprobre, pour l'horreur éternelle".
Mais comme les Sadducéens ne reconnaissaient comme Écriture Sainte que le Pentateuque, Jésus préfère s'appuyer sur un texte central du livre de l'Exode : "Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob". Et Jésus argumente à partir de la vie de Dieu : "Il n'est pas Dieu de morts, mais de vivants". Dieu, pour se faire connaître de Moïse, s'est référé aux trois patriarches comme à des vivants. Bien qu'ils soient morts en leur temps, ils sont vivants au moment où Dieu parle à Moïse, parce que, depuis le moment de leur mort corporelle, ils sont vivifiés par la puissance de Dieu, et c'est ainsi qu'ils sont destinés à la Résurrection.
Et le même mystère se produira pour tous ceux qui meurent dans l'amitié de Dieu. La résurrection, à la fin des temps, ne les tirera pas du néant ; elle leur fera vivre dans leur corps ce que déjà ils auront vécu sans leur corps, par la puissance de Dieu. Au moment où nous ressusciterons, Dieu, simplement, achèvera en nous son œuvre de vie, il se révélera encore, par ce geste ultime, comme le Dieu des vivants.
La Résurrection sera l'éclosion de notre corps à la vie nouvelle que nous aurons puisée à la vie même de Dieu, dès notre rencontre dans l'au-delà avec le Fils ressuscité. Notre vie de ressuscités s'inscrira bien dans la continuité de l'œuvre de vie du Dieu vivant, mais en même temps tout sera nouveau pour notre corps. Quand Dieu nous ressuscitera, il ne rendra pas à notre corps la même vie, limitée, qu'ici-bas, mais une vie totalement nouvelle, totalement réinventée, qui sera une participation intensément personnelle à la vie du Christ dans sa gloire.
Face à ces merveilles de vie, à cette victoire du Dieu vivant, qu'elle paraît petite et mesquine, l'ironie des Sadducéens opposant à la foi d'Israël leur histoire de la femme aux sept maris ! Vraiment, ils méconnaissent les Écritures et la puissance du Très Haut : car "si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en nous, Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous" (Rm 8,11). Et de même qu'en ce monde la prière inspirée par l'Esprit est au-delà de tous les mots et les contient tous, de même la communion, dans la gloire, entre les humains, sera au-delà de toutes les amitiés et les contiendra toutes.
Qu'il s'agisse de la vie conjugale, de la vie fraternelle, de la piété filiale ou de la tendresse des parents, tout amour qui, sur la terre, aura traduit l'amour de Dieu, sera repris, assumé, et transcendé, par l'amour de Dieu qui sera tout en tous, par l'amour pour ce Dieu qui nous fascinera tous.
« Pour vous, qui suis-je ? »
(Mc 8, 27-33)
« En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne. Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Les gens de Galilée et de Judée voyaient en Jésus un prophète puissant en actes, comme Élie, puissant par la parole, comme Jean le Baptiste.
Pierre et les autres disciples avaient un pas de plus : ils reconnaissaient en Jésus le Messie de Dieu. Et pourtant Jésus leur demande aussitôt, et avec force, de ne pas parler de lui en termes de Messie.
Pourquoi ? – parce que les gens risquaient de faire erreur sur sa mission.
En Israël, tous les croyants attendaient le Messie, pour la rénovation des cœurs, certes, mais surtout pour une restauration nationale ;
Or Jésus ne voulait pas qu'on se servît de lui ni pour une prospérité matérielle, ni pour un dessein politique, ni même pour le prestige de la nation. Ces trois tentations, Jésus les avait repoussées pour lui-même dans le désert, et il ne voulait pas qu'elles pussent s'installer dans le cœur des disciples.
"Alors il commença à leur enseigner" ce qu'allait être son destin : la souffrance, le rejet, la mort, puis la résurrection le troisième jour.
Pierre s'étonne et se révolte. Il se croit même le devoir de faire des reproches à Jésus : Messie, oui ! mais pas comme cela ! Messie, oui ! mais pas à travers cette souffrance et cette mort !
Jésus à son tour se montre sévère pour son ami, car l'enjeu est trop grave : "Tu es pour moi un adversaire, un satana, si tu te mets en travers de ma route. Laisse-moi avancer, et passe derrière moi, pour me suivre, en vrai disciple, par le chemin où je vais, ce chemin où les hommes me préparent la souffrance.
Quant à nous, frères et sœurs, nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas nous mettre en travers de la route de Jésus, et nous savons qu'il est passé, par amour pour nous, par la souffrance et la mort. Mais nous pouvons faire erreur sur notre propre destin, sur le chemin à prendre pour rejoindre Jésus.
Nous voudrions que notre amour du Christ ou notre vie consacrée aillent toujours dans le sens de notre prestige, de notre réussite personnelle, familiale ou communautaire. Nous aimerions que l'amitié de Jésus nous dispense d'une conversion courageuse, ou de l'effort quotidien pour prendre en mains, comme des adultes, notre vie de louange, de service et d'obéissance. Mais Jésus nous redit de loin en loin, et par amour :"Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes".
Oui, notre Messie est un Messie qui a été crucifié. Nous le suivrons jusqu'à la gloire, et c'est là notre espérance, qui nous donne de vivre chaque jour "plus haut que ce qui meurt"(Elisabeth) ; mais la route de notre gloire passe par notre croix. Porter notre croix, c'est Jésus lui-même qui en parle, et en ces termes. Cela ne signifie nullement se précipiter tête baissée vers la souffrance, car cela, Jésus ne l'a pas fait, ni ordonné ; mais assumer au quotidien, dans la foi, les conséquences de notre fidélité.
Et c'est pourquoi, unis à Jésus Messie, nous voulons faire bon visage à la souffrance ou à l'épreuve, obéir jusqu'à la mort, et accepter toutes les petites morts de l'obéissance ; mais surtout faire œuvre de vie, par les mille petits héroïsmes de la charité.
Sur cette route-là, la route montante des Béatitudes, la joie de Jésus nous attend, que personne jamais ne pourra nous ravir.
« Il y aura de la joie dans le ciel
pour un seul pécheur
qui se convertit »
(Lc 15, 1-10)
« En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !” Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !” Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »
Souvent, dans l'Évangile, Jésus nous le rappelle : si nous voulons vraiment être ses disciples, nous devons en prendre les moyens et y mettre le prix.
Aujourd'hui il nous montre quel prix Dieu est prêt à payer pour nous garder dans son amitié, et comment, lui, Jésus, conçoit son rôle de sauveur.
Le premier exemple qu'il prend a trait directement à la vie communautaire.
Voilà une brebis qui ne se trouve pas bien avec les autres, et qui n'est pas satisfaite de ce que broutent ses compagnes. Insensiblement, elle cherche son bonheur en s'éloignant du troupeau. Elle suit son idée ; elle rejoint son désir, sans s'occuper de ce que vivent ou de ce que cherchent les autres.
Quoi dire ? - "Tant pis pour elle. Après tout, il en reste bien assez !"
Ce serait voir les choses à la manière humaine. Le Christ Pasteur, lui, raisonne autrement : "Si elle est seule, elle souffre ; si elle est loin, elle va se désespérer. Je vais la chercher !"
Sa brebis, vous l'avez reconnue : elle a votre visage, votre allure, votre histoire. Plus elle est perdue, plus elle lui manque ; plus elle est isolée, plus il la cherche comme l'unique.
Et ceux qui n'ont rien compris au cœur de Dieu commencent à se scandaliser : "À quoi bon prendre tant de peine pour cette folle, pour cette ingrate qui n'en fait qu'à sa tête !"
C'est ainsi que les pharisiens et les lettrés récriminaient déjà contre Jésus : "Cet individu fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux !"
Eh bien, oui ! Nous sommes ses invités, nous les indignes, nous les ingrats. Chacun de nous est ramené sur les épaules du Seigneur, qui portent le poids de la rédemption du monde ; et c'est toute l'Église, toute la communauté croyante, qui est conviée à la joie de Jésus : "J'ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue", celle qui n'osait plus espérer ni en moi, ni dans les autres, encore moins en elle-même.
Le Christ se compare ensuite à une femme qui cherche une drachme d'argent, une sur les dix qu'elle avait, et qui ne peut pas se résigner à la perte de cette pièce. Elle allume une lampe, en plein jour, car il fait sombre dans les maisons de Galilée, et elle balaye partout, pour ne laisser passer aucune chance, pour avoir tout tenté, au moins, avant de faire son deuil de la pièce égarée.
Cette brebis ramenée, cette pièce retrouvée, c'est l'histoire de toute conversion : Dieu fait l'impossible, par son Fils Jésus, pour nous réunir au bercail. En réponse, il ne nous demande pas grand-chose : un peu d'amour reconnaissant, et un geste d'humilité.
Car il faut que la brebis se laisse rejoindre, et qu'elle se laisse ramener. Or elle reste libre de fuir plus loin encore, vers son malheur, vers son désespoir. Il faut qu'elle croie suffisamment à l'amour du Pasteur pour revenir vers lui, toute blessée, toute amaigrie, toute sale.
Mais comment refuser notre confiance à ce Seigneur qui est "incapable de mépris" (Ps 51,19), qui va rechercher sa brebis en pleine montagne, et ramasse avec douceur son bel argent jusque dans les balayures ?
« Ils crurent à la parole
que Jésus avait dite »
(Jn 2, 13-25)
« Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme. »
Qu'est-ce qu'un temple ? - Un lieu de beauté où l'on rencontre Dieu ; un lieu où Dieu se fait proche, et où l'homme accepte de s'approcher de Dieu. C'est bien cela que devait être le temple de Jérusalem dans la pensée de Salomon, son premier bâtisseur, et dans le désir de la communauté de pauvres, courageuse et enthousiaste, qui l'avait rebâti au retour d'un exil de quarante ans.
D'où vient, alors cette sévérité de Jésus ? Elle semble motivée par plusieurs raisons à la fois. 1) Tout d'abord le Temple, dont Dieu désirait faire une maison de prière pour tous les peuples (Is 56,7), un signe de ralliement et d'accueil universel, ne répondait encore que partiellement à sa vocation (Jn 4,21).
2) De plus sa beauté et sa richesse, à l'époque de Jésus, flattaient un peu l'orgueil des hommes au lieu de servir uniquement la gloire de Dieu (Mt 24,1).
3) Enfin et surtout, la désinvolture des hommes gênait, dans le Temple, la rencontre avec le Seigneur. Pour rejoindre Dieu, il fallait passer, trop souvent, à travers tout un réseau de marchands, de marchandises et de marchandages. Les sacrifices, quand ils étaient mal compris, pouvaient devenir un signe extérieur de richesse, et le culte, que certains matérialisaient, installait pour ainsi dire dans le Temple même la vieille idole du cœur humain : le profit. Au Temple, trop d'intermédiaires voulaient servir à la fois Dieu et Mamôn : "Enlevez cela d'ici, s'écrie Jésus ; ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic !"
"La maison de mon Père !" Quelle extraordinaire prétention de la part de ce Galiléen qui vient de chasser brebis et bœufs ! Et les responsables l'interpellent. Ils ne lui reprochent pas son coup d'audace, car tous les Juifs pieux devaient s'en réjouir, mais ils lui demandent : "Comment peux-tu justifier ce que tu fais là ? Par quelle autorité le fais-tu ?" Jésus, dans un langage assez inattendu, les renvoie à l'œuvre suprême de Dieu, la résurrection, et pour toute justification, Jésus répond cette phrase qui pèsera si lourd dans son procès : "Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai". Et l'évangéliste de commenter : "Mais lui parlait du temple de son corps".
Tel est bien, en effet, le mystère central de cet épisode. Le corps de Jésus, c'est-à-dire non pas seulement sa chair, mais sa Personne vivante et bien concrète, est désormais le seul lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes, entre Dieu et ceux qui l'adorent en vérité (Jn 4,24); ce corps est le lieu où Dieu se fait proche et où l'homme s'approche de Dieu, parce que justement il est le corps de l'Homme-Dieu.
C'est bien lui, Jésus Christ, en effet, qui est pour nous le Temple de la nouvelle alliance ; c'est par lui et en lui que nous avons accès auprès du Père (E 2,18) et que le Père vient au-devant de nous ; c'est lui qui, conjointement avec le Père, nous envoie chaque jour l'Esprit qui fait vivre. Il est l'unique médiateur (1 Tm 2,5); lui seul fait remonter vers Dieu notre prière unanime et notre sacrifice quotidien ; lui seul reverse sur le monde et en chacun de nous "la plénitude dont il est rempli" (E 1,23), c'est-à-dire la force de sanctification concentrée pour toujours dans sa Personne.
Ce Temple-là, ce lieu où Dieu rencontre l'homme, personne ne pouvait et personne ne pourra jamais le détruire, et Dieu le Père l'a signifié solennellement au monde en ressuscitant son Fils le troisième jour. "Aussi, ajoute l'évangéliste, lorsque Jésus se releva d'entre les morts, ses disciples se souvinrent qu'il avait parlé ainsi, et ils crurent à l'Écriture ainsi qu'à la parole qu'il avait dite. "La résurrection, en effet, authentifiera les actions du Christ et son message ; elle proclamera que Jésus était vraiment l'Envoyé du Père, et que "Dieu était dans le Christ, se réconciliant le monde" (2 Co 5,19).
Frères et sœurs, nous le croyons, Jésus Christ est pour nous, vraiment et à jamais, le lieu de la rencontre du Père ; mais le Père nous trouve-t-il chaque jour ouverts à cette rencontre, en attente de ce dialogue où il va nous promouvoir dans notre liberté filiale ?
« Je ne suis pas venu abolir,
mais accomplir »
(Mt 5, 17-19)
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. »
Dieu travaille dans la continuité. Et pourtant il amène dans nos vies certaines ruptures.
La continuité est celle de son projet d'amour sur le monde ; projet annoncé dans la Loi et les prophètes, et réalisé en son Fils Jésus.
Parfois les auditeurs de Jésus ont eu l'impression que sa parole était en rupture avec ce qu'ils avaient l'habitude d'entendre. En fait, s'il y avait rupture, c'était avec les traditions orales accumulées par les rabbins ; car de la Loi écrite, révélée, et de la geste de Dieu commentée par les Prophètes, pas un yod, pas le moindre trait ne devait être périmé par l'enseignement de Jésus. Tout allait être repris, réaffirmé, prolongé et mené à son terme par la bonne nouvelle du Royaume. "Je ne suis pas venu abolir, disait Jésus, mais accomplir".
Et cela demeure vrai de l'œuvre que Jésus réalise dans nos existences.
Une première parole nous a mis en route, voici bien longtemps déjà, une parole porteuse à la fois d'un appel de Dieu et d'une espérance un peu folle pour nous. Puis, parfois après bien des années, à un tournant de la vie personnelle ou communautaire, le Seigneur nous fait entendre un deuxième appel, une seconde parole, apparemment sans lien avec la première, ou même sans cohérence avec elle ; une parole si étrange qu'il faut, pour la comprendre vraiment, se tourner vers la Croix.
Et de fait, il arrive qu'elle annonce la Croix, qu'elle propose la Croix, comme la deuxième parole de Dieu à Abraham, celle qui lui redemandait l'enfant de la promesse. Dieu semble alors abolir les assurances qu'il nous avait données, ou effacer des tranches entières de notre cheminement vers Lui et avec Lui. Il nous mène "au sentier des ténèbres", et nous vivons ces passages imprévus, personnellement ou communautairement, comme des moments d'échec, comme des impasses où même l'espérance semble vaine, comme le deuil de tout ce que nous avons cherché, alors que, sur ce chemin même de la Croix, Jésus est en train d'accomplir sa promesse envers nous.
Notre communauté serait-elle moins aimée de Dieu parce qu'elle connaît l'épreuve ? Et Dieu cesserait-il d'être le Tout-puissant parce que nous n'avons plus la force de faire fond sur lui ?
Non, mes sœurs, mais simplement nous passons à côté de la véritable espérance. Nous voudrions pouvoir compter sur nous-mêmes, or Dieu accomplit son dessein en nous conduisant à n'espérer qu'en Lui.
C'est Lui qui sait, c'est Lui qui aime, c'est Lui qui fera. Avec nous, bien sûr, et en nous donnant la force, car, selon le vieux proverbe biblique : "Le cheval est préparé pour la bataille, mais de Yahweh vient la victoire".
À nous de tendre nos mains, en gardant au cœur la parole de la promesse ; à nous de guetter patiemment la gloire de Dieu sur le visage du Christ qui s'est montré à nous au jour de l'appel.
"Garde-toi, disait Moïse, de jamais oublier ce que tes yeux ont vu : ne le laisse pas sortir un seul jour de ton cœur" (Dt 4,9).
« Je suis le pain vivant,
qui est descendu du ciel »
(Jn 6, 44-51)
« En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui- là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit. Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
Il n'est pas facile de croire. Or notre foi chrétienne réclame de notre intelligence trois soumissions :
- admettre que Dieu existe et qu'il a parlé aux hommes ;
- admettre que Jésus de Nazareth est le propre Fils de Dieu, venu dans notre monde nous "raconter" Dieu (1,18) ;
- admettre que la parole de Jésus retentit encore dans son Église, et que cette Église, malgré ses misères qui sont nos misères, est porteuse, encore aujourd'hui, du message de la victoire de Jésus.
Cette difficulté de croire, même les contemporains de Jésus l'ont éprouvée, même ceux qui voyaient chaque jour ses miracles. Qu'est-ce qui les gênait ? À Nazareth, on connaissait sa mère, une femme toute simple, discrète, toujours souriante. On croyait connaître son père, car tout le monde prenait Jésus pour le fils de Joseph, le charpentier. Comment un homme qui a grandi dans une famille de la terre peut-il prétendre qu'il descend du ciel ?
C'est le premier murmure des gens de Galilée, qui correspond à la première partie du discours sur le Pain de vie, où le Pain de vie désigne la révélation apportée par Jésus. L'Évangile de Jean nous rapportera, plus loin, un second murmure, dans la partie proprement eucharistique du discours, où l'expression "Pain de vie" renverra à la chair de Jésus Christ, offerte pour la vie du monde : « Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Pour l'heure, Jésus fait face à la première vague de murmures, celle qui conteste son origine céleste ; et, d'un mot, il remet les choses au point : « Cessez de murmurer entre vous ». Les discussions humaines n'ont jamais conduit à la foi. La foi en Dieu et en Jésus son Fils n'est pas au bout de recherches interminables ni de longues démonstrations ; c'est avant tout la réponse à une attirance de Dieu : « Nul ne peut venir à moi [c'est-à-dire croire] si le Père qui m'a envoyé ne le tire [vers moi] »
Nous sommes l'objet d'un échange entre le Père et son Fils :
« C'est la volonté de mon Père que je ne perde rien de ce qu'il m'a donné », dit Jésus (6,39).
C'est pourquoi il ajoute, au sujet de tout homme qui vient à lui : « Je le ressusciterai au dernier jour ». Il nous ressuscitera pour que nous vivions avec lui, près du Père, dans le Père, pour toujours.
Mais bien avant la résurrection, dès cette vie, au cœur de cette vie de tous les jours, Jésus nous établit déjà dans l'amitié du Père, déjà dans la vie éternelle en nous mettant en contact avec l'enseignement du Père, selon la parole du prophète Isaïe : « Tous seront enseignés par Dieu. »
Cet enseignement du Père, les paroles qui recréent et qui transforment, les paroles qui font vivre, le pain de la parole, c'est Jésus lui-même qui nous le transmet ; mieux: il est l'enseignement du Père, car seul il a vu le Père, seul il vient du pays de Dieu, puisqu'il est sorti de Dieu pour venir dans le monde, seul il peut parler de Dieu comme un voyageur qui raconte (Jn 1,18).
Toutes les nourritures terrestres ne sont rien en regard de cette nourriture de la foi, qui nous ouvre aux choses de Dieu, aux projets de Dieu, à la vie de Dieu. Cette nourriture nécessaire, urgente, Jésus l'appelle encore « la nourriture qui périt » ; et il nous fait désirer, pour nous et pour tous les hommes, la nourriture qui ne se gâte jamais, le pain de sa parole, nourriture de la foi, qui fait grandir en nous la vie qui ne finira pas :
« En vérité, en vérité je vous le dis : Celui qui croit a la vie éternelle. »
« Moi, je suis le pain de la vie, ce pain est celui qui descend du ciel pour qu'on le mange et ne meure pas. »
C'est à cet instant précis de son discours que Jésus, passant à un autre plan, annonce la merveille de son Eucharistie : « Le pain que moi, je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde. »
C'est ce moment inouï de révélation que nous revivons dans la foi à chaque messe, passant de la table de la parole à la table du Corps du Christ, de la liturgie de la parole à la liturgie eucharistique.
« Jésus exulta de joie
sous l’action de l’Esprit Saint »
(Lc 10, 21-24)
« À l'heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. »
L'un des traits les plus attachants de la personnalité de Jésus, c'est qu'il savait s'étonner. Hier nous le voyions admirer la foi d'un centurion romain (Mt 8,4-11) ; aujourd'hui l'Évangile de Luc nous rapporte un de ses cris de joie, un de ses enthousiasmes. Et quel est le motif de cette exultation dans l'Esprit Saint ? La pédagogie du Père, qui sait comment révéler son plan d'amour aux tout-petits, à ceux qui ne peuvent s'appuyer sur aucune culture, qui ne peuvent se targuer d'aucune expérience particulière ni du monde ni des hommes.
Entrer dans le projet de Dieu, le découvrir au cœur de l'histoire, ce n'est pas le privilège "des sages et des savants", des spécialistes de la prospective ; et parfois, même, la sagesse et la science peuvent fermer l'horizon de la foi. À l'inverse, il ne s'agit pas de disqualifier le savoir humain ni la passion de connaître qui nous habite : il faut seulement que toute prétention fasse silence, que le disciple soumette son intelligence à "l'obéissance de la foi" (Ga 3,2), qu'il accueille dans sa vie l'initiative de Dieu et les inventions de son amour. C'est cela avant tout "être tout-petit".
Vient ensuite une confidence de Jésus, qui éclaire ce qu'il vient de dire à propos de la révélation du Père : "Tout m'a été confié par mon Père, (…) personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler."
Ainsi le Père et le Fils sont tous deux à l'œuvre pour manifester le projet du salut des hommes. La révélation part du bon plaisir du Père, mieux : de son vouloir bienveillant : "Oui, Père, tu l'as voulu ainsi dans ta bonté" ; et cette même révélation passe par la volonté du Fils, qui est le seul à connaître le Père. Ce que Jésus exprimera aussi dans l'entretien après la Cène, lorsqu'il dira à son Père en parlant des hommes : "Ils étaient à toi, et tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant ils savent que tout ce que tu m'as donné vient de toi ; car les paroles que tu m'as données, je les leur ai données." (Jn 17,8)
On comprend dès lors cette action de grâces de Jésus, au moment où les soixante-douze reviennent d'une première mission, tout joyeux : "Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom !" Les disciples ont pu constater que Dieu agit puissamment par le Nom de Jésus de Nazareth, et que vraiment Dieu a remis tout pouvoir à son Fils. De ces Galiléens, ni particulièrement savants ni forcément très expérimentés, Dieu a su toucher le cœur ; il a fait d'eux des messagers du Règne advenu, et déjà leurs noms sont inscrits dans le ciel. C'est de tout cela que Jésus remercie le Père.
"Heureux, ajoute Jésus, les yeux qui voient ce que vous voyez". Ces paroles, que Luc situe dans le même contexte du retour de mission, Matthieu les cite au beau milieu du discours en paraboles, où elles prennent encore plus de valeur : "À ces gens-là, je parle en paraboles [pour les forcer à réfléchir], parce qu'ils voient sans voir, (…) mais vous, heureux sont vos yeux parce qu'ils voient, heureuses vos oreilles parce qu'elles entendent."
C'est la béatitude des yeux clairs, des cœurs perméables à la tendresse de Dieu, de tous ceux qui savent saisir la chance que Dieu leur offre. C'est la béatitude de tous ceux qui accueillent la révélation bouleversante du Père par le Fils, cette annonce qui dépasse les plus belles intuitions des prophètes. Béatitude qui remet en marche, ensemble, des filles de Dieu toutes aimées du Père, toutes sauvées par le sang de Jésus, toutes marquées du sceau de l'Esprit, et qui fait se lever chacune, là où elle est, forte de l'espérance des pauvres.
« Le Père et moi, nous sommes UN »
(Jn 10, 22-30)
« On célébrait la fête de la dédicace du Temple à Jérusalem. C’était l’hiver. Jésus allait et venait dans le Temple, sous la colonnade de Salomon. Les Juifs firent cercle autour de lui ; ils lui disaient : « Combien de temps vas-tu nous tenir en haleine ? Si c’est toi le Christ, dis-le nous ouvertement ! » Jésus leur répondit : « Je vous l’ai dit, et vous ne croyez pas. Les œuvres que je fais, moi, au nom de mon Père, voilà ce qui me rend témoignage. Mais vous, vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis. Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. »
Fin décembre, il fait déjà très frais parfois sur les monts de Judée. C'est pourquoi Jésus fait les cent pas sous le portique de Salomon, pour se protéger du vent d'est, lui et ses auditeurs. C'est là que ses ennemis, faisant cercle autour de lui, le somment de s'expliquer clairement : « Es-tu le Messie, oui ou non ? Es-tu le libérateur promis ? Viens-tu ou non au nom de Dieu ? »
La réponse, Jésus l'a déjà donnée : elle est faite de paroles et d'œuvres, de paroles qui commentent ses œuvres et d'œuvres qui authentifient ses paroles comme celles de l'Élu de Dieu.
Et c'est encore cette double et unique réponse que Jésus nous fait lorsque nous guettons dans notre vie les signes de sa présence, lorsque nous lui demandons de rendre manifeste la libération qu'il nous apporte: il nous renvoie à ses paroles, porteuses de l'Esprit et de la vie (Jn 6,64); il nous remet devant les yeux ses œuvres qui parlent, qui témoignent, qui dévoilent en lui la puissance du Père : « Ces œuvres mêmes que je fais témoignent à mon sujet que c'est le Père qui m'a envoyé » (5,36).
Et quel est ce témoignage, ce message qui émane des œuvres de Jésus ? Jésus le résume en une phrase, qui dit à elle seule tout son mystère de Fils : « Le Père et moi, nous sommes un ». Ce que fait visiblement le Fils manifeste ce que le Père, invisiblement, est en train d'accomplir par amour. Chaque œuvre du Fils est ainsi, dans le monde, une trace de l'amour du Père ; et l'obstination de Jésus à sauver les hommes révèle quel prix nous avons aux yeux de Dieu.
Dieu tient à nous si fort qu'il nous serre dans sa main ; et personne au monde ne serait capable de desserrer la main du Père, ni de le faire relâcher son amour. Mais la main de Dieu ne nous serre que pour nous protéger ; car ce que Dieu aime, il le sauve ; et quand il sauve, c'est pour toujours.
Mais dire que le Père sauve, c'est dire que le Fils sauve aussi, puisque tous deux sont un. C'est bien pourquoi Jésus parle d'abord de sa main, puis de la main du Père : Dieu a donné à son Fils la douceur de sa propre main et la puissance de son propre amour. Ce que Jésus tient, Dieu le tient, et il est « plus grand que tout ». Ce que Jésus tient, Dieu le lui a donné, et Dieu continue de le tenir.
Arracher les brebis de la main de Jésus, ce serait aussi les ôter de la main du Père, car nous sommes à la fois dans la main du Père et dans la main du Fils. Chacune de ces deux mains nous donne et nous reçoit, et l'Esprit qui les unit nous donne part au mystère de cette unité qui est tout le bonheur de Jésus : « le Père et moi, nous sommes un ».
C'est donc au creux de ces deux mains-là que nous recevons la vie éternelle. À deux conditions toutefois, qui définissent l'attitude du disciple : écouter la voix de Jésus et venir à sa suite. Ce sont là deux attitudes libres et dynamiques : accepter que notre foi soit une écoute jamais lassée, jamais rassasiée, et accepter que notre amour soit un cheminement, que Jésus pasteur nous remette chaque jour en exode.
Pour la route, nous n'avons qu'un seul trésor : la perle du Royaume que Jésus nous a donnée en signe de son appel. Mais ce gage d'amour, rien ni personne ne pourra l'arracher de notre main, car Dieu plus grand que tout nous l'a donné par la main de Jésus.
« Le règne de Dieu
est au milieu de vous »
(Lc 17, 20-25)
En ce temps-là, comme les pharisiens demandaient à Jésus quand viendrait le règne de Dieu, il prit la parole et dit : « La venue du règne de Dieu n’est pas observable. On ne dira pas : “Voilà, il est ici !” ou bien : “Il est là !” En effet, voici que le règne de Dieu est au milieu de vous. » Puis il dit aux disciples : « Des jours viendront où vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas. On vous dira : “Voilà, il est là-bas !” ou bien : “Voici, il est ici !” N’y allez pas, n’y courez pas. En effet, comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme, quand son jour sera là. Mais auparavant, il faut qu’il souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette génération. »
Quand viendra le Règne de Dieu ? Où trouver le Fils de l'Homme lors de son Jour ?
Quand ? Où ? Ce sont les éternelles questions de l'homme face au dessein de Dieu. D'instinct l'homme veut situer les choses de Dieu dans l'espace et le temps qu'il peut maîtriser.
Et les réponses de Jésus nous renvoient toutes aux vrais réflexes de la foi.
En ce qui concerne le temps, le moment, les délais, son principe est clair : le Règne de Dieu, c'est-à-dire la seigneurie de Dieu sur le cœur des hommes, ne vient pas "comme un fait observable", que l'on pourrait pronostiquer, programmer, fixer d'avance dans l'avenir. Ce n'est pas un projet de l'homme, mais le don de Dieu ; car ce Règne de Dieu est déjà présent, déjà offert, déjà proposé : il est "parmi nous", et déjà "il vient de nous atteindre" (Lc 11,20; Mt 12,28) à travers la présence et l'action de Jésus au milieu de nous.
De même pour le lieu du Fils de l'Homme, lors de son Jour. Ce Jour marquera la fin des temps, mais on ne pourra assigner d'avance un lieu au Fils de l'Homme, car son avènement signifiera l'effacement de tout lieu repérable par les humains. Tout comme l'éclair, présent partout au même instant, abolit toutes les distances, le Fils de l'Homme, par son avènement immédiat, imprévisible, irréfutable, effacera toute distance entre ici et là. Il sera tout entier au lieu surprenant où il se manifestera dans sa gloire. Il faudra ne le chercher nulle part ailleurs, mais l'accueillir par la foi dans l'ici qu'il aura choisi et le maintenant qui sera éternel.
Jésus ne nous a laissé finalement que deux repères, l'un dans son temps à lui, l'autre dans le nôtre. Dans le temps de Jésus, tout s'ordonne autour de sa passion glorifiante : avant l'heure de sa gloire "il faut qu'il souffre beaucoup et qu'il soit rejeté par sa génération". Dans notre temps, le temps de l'Église et de la mission, la seule urgence est de saisir le Règne de Dieu qui est à notre portée, qui est "parmi nous", partout où le Christ est à l'œuvre.
Ces lumières sur l'espace et le temps, qui nous parviennent comme par éclairs successifs dans les paroles de Jésus, nous aident à situer notre espérance.
Nous n'avons aucun pouvoir, aucune emprise directe sur l'avenir, sur "les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité" (Ac 1,7).
Nous n'avons aucune certitude quant aux lieux humains d'où nous viendra le salut. Jamais nous ne pourrons dire, dans le temps de l'Église : "Le Christ, à coup sûr, veut être cherché là, dans tel style, dans telle expérience, sous telle étiquette. À coup sûr, c'est par là qu'il faut regarder ; ce sont ceux-ci ou ceux-là qui ont trouvé le secret de l'avenir !"
Mais Jésus nous rassure et nous calme : "N'y allez pas ; n'y courez pas !" Nous nous posons des questions parfois angoissées : "Quand ? Où ?" Et Jésus nous répond dans la paix : "Ici, dès maintenant".
Ce qui nous revient, c'est de nous ouvrir, personnellement et communautairement, au règne de Dieu que Jésus fait advenir, ici et maintenant, au milieu de nous. Ce qui construit l'avenir, c'est de vivre authentiquement le présent, l'aujourd'hui de grâce que Dieu nous offre, de faire bon accueil au Règne de Dieu qui chaque jour nous rejoint, nous devance et nous surprend. Les vraies prospectives sur l'avenir partent d'une réflexion courageuse sur le présent, d'une attention, dans le présent, aux germes de vie qui croissent et veulent croître.
Selon Jésus, seuls sont vraiment aptes à bâtir l'avenir ceux qui savent patienter dans la foi et faire taire en eux les questions téméraires ou fébriles. Ce sont les pauvres de cœur, qui acceptent d'assumer le réel, tout le réel, avec la force et la lumière que Dieu dispense par son Esprit, rien que pour aujourd'hui.
Le règne de Dieu
est venu jusqu’à vous »
(Lc 11, 14-26)
« En ce temps-là, Jésus expulsait un démon qui rendait un homme muet. Lorsque le démon fut sorti, le muet se mit à parler, et les foules furent dans l’admiration. Mais certains d’entre eux dirent : « C’est par Béelzéboul, le chef des démons, qu’il expulse les démons. » D’autres, pour le mettre à l’épreuve, cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même devient désert, ses maisons s’écroulent les unes sur les autres. Si Satan, lui aussi, est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il ? Vous dites en effet que c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons. Mais si c’est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? Dès lors, ils seront eux-mêmes vos juges. En revanche, si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous. Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé. Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.” En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée. Alors il s’en va, et il prend d’autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de sept ; ils entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début. »
La guérison d'un possédé déclenche des réactions diverses dans l'auditoire de Jésus. La foule s'étonne. Certains réclament autre chose avant d'admettre qu'il est le Messie, "un signe venu du ciel", comme l'arrêt du soleil ou de la lune, ou un signe dans les étoiles. D'autres enfin vont plus loin : selon eux Jésus a passé un pacte avec le démon, avec Baal le Prince, Béelzébul, la vieille divinité phénicienne.
Et c'est l'occasion pour Jésus de se situer clairement face au faux "prince" de ce monde, de se situer et de nous situer, car c'est sur cela que débouche finalement son bref discours.
Jésus veut inculquer à ses disciples trois convictions.
La première, c'est que, si le démon est réellement chassé, le Règne de Dieu sûrement est là, que Dieu est à l'œuvre en lui, Jésus. Devant les prodiges accomplis par Moïse au nom de Dieu, les magiciens d'Egypte avaient su dire : "C'est le doigt de Dieu !" (Ex 8,15). Il y a maintenant plus que Moïse, et ce sont maintenant des fils d'Israël qui demeurent incrédules.
Deuxième affirmation, que Jésus présente comme une évidence : si le faux prince s'en va, c'est qu'un autre, plus fort, a réussi à le vaincre ; et cet autre, c'est Jésus Messie, par qui le Règne de Dieu fait irruption dans le monde.
Mais la troisième parole de Jésus nous concerne directement : s'il est vrai que Satan a trouvé son maître, définitivement, les suggestions du mal peuvent toujours revenir dans notre cœur si nous usons mal de notre liberté. Nous pouvons toujours tourner le dos à la victoire de Jésus ; et les rechutes peuvent être très lourdes.
La conclusion, Jésus lui-même nous la souffle, et elle tiendrait en une phrase : il est urgent de choisir.
Opter concrètement pour le Règne de Dieu est un devoir, et pour un croyant la neutralité est impensable face à l'Évangile. Ne pas choisir, c'est déjà trahir : "celui qui n'est pas avec moi, disperse" ; celui qui n'aide pas, positivement, le Berger, travaille déjà à disperser le troupeau ; celui qui n'œuvre pas pour l'unité déchire, pour sa part, le tissu de la vie fraternelle.
Paroles abruptes de Jésus, qui nous tiennent "éveillés en la foi".
Paroles qui n'effacent pas le message de miséricorde, car, nous le savons, même nos refus, même nos inerties, même nos rechutes n'arrêteront jamais le Berger qui nous cherche.
Jésus, qui a déjà su "balayer notre maison" et l'arranger pour qu'elle soit heureuse et accueillante, saura bien en retrouver le chemin.
« Seigneur, apprends-nous à prier » (Lc 11, 1-4)
« Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. » Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : “Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation.” »
Ce que le disciple veut apprendre de Jésus, c'est une nouvelle manière de prier qui devienne la caractéristique de sa communauté : "Apprends-nous à prier comme Jean le Baptiste l'a appris à ses disciples". La prière enseignée par Jésus deviendra donc un signe de ralliement pour tous les siens et le premier bien qu'ils auront à partager.
"Quand vous prierez, dites :" Père".
C'est essentiel aux yeux de Jésus, et lui-même parlait à Dieu en l'appelant : 'Abba', un mot intraduisible, dont le sens est à mi-chemin entre Père et Père chéri. C'est donc par là qu'il faut commencer : dire "Père" à notre Créateur. Dire "Père" à Celui qui est maître de l'espace et du temps et qui mène l'histoire du monde comme la destinée de tout homme. Dire "Père", en mettant dans ce nom plus de confiance, plus d'assurance, plus de tendresse qu'aucun père d'ici-bas n'a jamais pu le mériter. Dire "Père" avec la certitude d'être aimés tels que nous sommes, et tels que nous avons été.
Quand on y réfléchit, il y a là une audace inouïe de notre part, et, de la part de Dieu, une offre d'amour qui nous dépasse totalement, au point que certains, hommes ou femmes, qui n'ont gardé de leur jeunesse qu'une image paternelle dévaluée, luttent parfois des années, à l'intime d'eux-mêmes, avant de pouvoir dire avec vérité, et avec bonheur, au début de leur prière : "père", "toi qui es Père à la manière de Dieu ".
C'est seulement lorsque nous nous sommes approchés de Dieu en lui donnant son nom de bonté et de tendresse que nous commençons notre prière, en lui parlant de Lui-même :
"Que ton Nom soit sanctifié" ; c'est-à-dire : que le mystère de ton être et de ton agir soit reconnu et adoré par les hommes. "Que ton Règne vienne" ; c'est-à-dire : que ton plan d'amour et de salut se réalise parmi les hommes comme tu le veux, aux moments que tu as choisis.
Avec le Nom et le Règne de Dieu il est bien question de la gloire de Dieu, mais nous lui sommes associés dans ce que nous demandons, puisque cette gloire par la louange devra venir de nous.
Ainsi la prière, selon Jésus, vise d'abord ce que Dieu attend de l'homme, mais tout naturellement, en vertu de la réciprocité de l'Alliance, dans un deuxième moment la prière aborde ce que l'homme peut attendre de Dieu.
Que va dire l'homme ?... "donne-moi" ? Non pas : il dira : "donne-nous".
"Donne-nous le pain, dont nous avons besoin pour chaque jour. Même lorsque nous prions dans le secret, la prière de Jésus nous fait dire : "donne-nous". Cela ne signifie pas que personnellement nous n'intéressons pas Dieu, car ce nous est fait, à ses yeux, de personnes irremplaçables, aimées chacune comme l'unique. Mais cela veut dire que la dimension communautaire, universelle même, habitera toujours notre prière personnelle.
Il y a des prières de silence, de souffrance, de regard, des cris du cœur ou des admirations qui sont intensément personnelles, et la prière de Jésus était souvent cela : "Je te rends grâces, Père, Seigneur du ciel et de la terre... Père, que ta volonté soit faite et non la mienne". Mais quand nous disons le Notre Père, même dans le secret, c'est toujours une prière universelle : "donne-nous ; donne, Seigneur, à moi et à tous les hommes, le pain dont nous avons besoin".
C'est une prière qui concerne des biens quotidiens, matériels ; mais Dieu, qui nous a créés êtres de chair, n'a pas peur, pour nous, des choses matérielles. Il aime qu'on le prie pour cela aussi, et, en nous fiant à la parabole choisie par Jésus, on pourrait dire : Dieu aime qu'on le dérange, même pour cela, dès lors qu'on garde un cœur ouvert au bonheur de tous.
À vrai dire on ne dérange jamais Dieu : il a toujours le temps, puisqu'il habite l'éternité ; il a toujours de la place, puisqu'il n'habite aucun espace ; il se penche vers chacun avec un cœur universel, et il a pour l'univers des hommes le même regard d'amour qu'il a pour chaque personne.
La demande suivante vise bien chaque croyant en particulier, mais elle est aussi une imploration pour le monde entier : "pardonne-nous nos péchés", et elle a aussitôt son prolongement communautaire : "car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous".
Même la dernière demande du Pater peut être reprise avec ces deux mêmes dimensions, personnelle et universelle : "Ne nous soumets pas à la tentation", c'est-à-dire : Garde-nous de consentir à la tentation. Garde-moi, Seigneur, aux heures où je dois choisir. Garde-nous tous, Seigneur, des forces de refus qui travaillent le monde. Garde-nous tous des séductions du profit, du pouvoir et du plaisir.
Ainsi le Notre Père, qui monte en nous dans les plus beaux moments de notre intimité avec Dieu, fait craquer à chaque fois les limites ou les étroitesses de notre cœur, et nous ouvre au monde que Dieu aime et que Dieu sauve.
« Il n’est pas le Dieu
des morts, mais des vivants »
(Lc 20, 27-38)
« En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. Finalement la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »
Cet épisode de l'Évangile se situe vers la fin de la vie de Jésus. De tous côtés on essaie de le prendre au piège de ses propres paroles, et tous ses adversaires se liguent contre lui.
Qui étaient-ils, ces sadducéens ? C'étaient les descendants d'une très vieille famille sacerdotale, celle de Sadoq. Ils revendiquaient la plus haute charge religieuse de la nation, celle de grand prêtre, qui comportait un pouvoir politique. Par exemple le sadducéen Caïphe, qui condamnera Jésus, était à la fois grand prêtre et chef de l'état, sous la tutelle de l'occupant romain. Du point de vue de la foi, ils étaient plutôt attachés au passé : ils s'en tenaient aux cinq premiers livres de la Bible et ne reconnaissaient pas les traditions orales, plus récentes, des rabbins. Au temps de Jésus ils avaient perdu beaucoup de leur influence sur le peuple, mais on connaissait quand même leurs idées, en particulier leurs querelles avec les pharisiens à propos de la résurrection des morts.
Pour imaginer le cas limite de la femme qui a eu sept maris, dont six beaux-frères, ils s'appuient sur un texte de la Torah : "Quand des frères habitent ensemble et que l'un d'eux vient à mourir sans avoir de fils, la femme du mort ne peut appartenir au-dehors à un homme étranger [à la famille]. Son beau-frère la prendra pour femme, et le premier-né qu'elle enfantera perpétuera le nom du frère qui est mort. Ainsi son nom ne sera pas effacé d'Israël" (Dt 22,5-6).
L'exemple, bien sûr, est totalement inventé, pour poser le problème de la résurrection d'une manière embarrassante : "À la résurrection, de qui cette femme sera-t-elle l'épouse ? La Loi ne peut aboutir à des situations aussi absurdes ; donc la résurrection n'existe pas !"
Jésus n'entre pas dans le jeu de ses ennemis, mais il répond successivement sur deux points :
Tout d'abord il rappelle le comment de la résurrection.
Jésus, qui, dans un autre épisode, a magnifié le mariage en le situant dans l'axe du dessein de Dieu, souligne ici qu'il est lié au temps des hommes et aux besoins affectifs de la vie terrestre.
Par ailleurs, selon Jésus, lorsque nous ressusciterons, nous ne deviendrons pas des anges, mais "comme" des anges. Nous aurons un corps de gloire, mais nos désirs ne seront plus les mêmes. Ce qui comptera dans la vie future, ce sera d'être fils et filles de Dieu. Certes, les époux de la terre se retrouveront, mais pour vivre en plénitude ce qu'ils auront cherché à deux sur la terre : l'amour de Dieu. La vie de Dieu sera tellement fascinante et le rayonnement de sa joie tellement intense que les époux, dans la gloire, n'auront de regard que pour Lui et de bonheur qu'en Lui. De même qu'ici-bas la prière inspirée par l'Esprit est au-delà de tous les mots et les contient tous, de même la communion des élus avec Dieu sera au-delà de toutes les amitiés et les contiendra toutes. Et ce que Jésus révèle de la vie future vaudra pour toute l'affectivité humaine : tout amour, fraternel ou filial, parental ou conjugal, qui en ce monde aura reflété la tendresse de Dieu, sera repris, transcendé et accompli dans le face à face avec le Dieu de la joie.
Puis Jésus réaffirme solennellement la certitude de la résurrection ; et il va droit à l'essentiel.
Nous ressusciterons parce que la puissance de Dieu nous ressuscitera. Les sadducéens sont dans l'erreur et posent mal la question parce qu'ils ont mal lu l'Écriture. Elle atteste, en effet, cette puissance du Dieu qui crée et qui sauve. "Dieu n'est pas un Dieu de morts, mais de vivants". Si donc, lors de l'épisode du Buisson ardent, Dieu déclare à Moïse : "Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob", c'est que ces hommes, bien que morts, sont gardés en vie et en dialogue avec Lui, prêts pour la résurrection.
De plus quand Dieu nous ressuscitera, il ne nous rendra pas la même vie, précaire et limitée, qu'auparavant, mais une vie entièrement nouvelle, qui sera une participation à la vie du Christ ressuscité, et donc une communion totale et définitive avec le Dieu vivant.
« Votre paix ira reposer sur lui »
(Lc 10, 1-12)
« En ce temps-là, parmi les disciples le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.” S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.” Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites : “Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.” Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »
Premier commentaire
Lorsque nous pensons aux besoins de l'Église, au petit nombre des ouvriers et des ouvrières, à la crise des vocations, qui est quasi générale maintenant dans l'hémisphère nord, trop souvent notre prière reste timide, et parfois même pessimiste. Nous demandons l'aide de Dieu, mais en nous résignant au pire. Or, si nous croyons vraiment à la puissance de notre Père, à la présence de l'Esprit qui souffle où il veut, nous ne pouvons pas prier comme des lutteurs découragés, comme des gens battus d'avance.
Jésus ne nous dit pas de prier dans l'attente d'une catastrophe, mais parce que la moisson n'a jamais été aussi belle, qu'elle lève de partout, et qu'il faut chaque jour un supplément de bras et de cœur à l'ouvrage.
Dieu sait ce qu'il a semé, et il connaît bien le rendement de ses champs. Ce serait lui faire injure que de ne pas regarder comme lui l'avenir avec confiance, car Dieu ignore la défaite, et son Fils a vaincu toutes les inerties et tous les refus du monde.
Si nous nous lassons de prier pour les moissonneurs, c'est peut-être que nous ne croyons pas suffisamment à la moisson, à la moisson d'aujourd'hui.
Et la deuxième consigne du Seigneur va dans le même sens : "Dites aux gens : le Règne de Dieu est arrivé chez vous !"
Si notre vie cachée et renoncée a quelque chose à dire au monde, c'est bien avant tout cela : Dieu existe ; nous le rencontrons dans la foi, en Jésus Christ, et il vient au-devant de tous ceux qui le cherchent. Notre joie communautaire, notre enracinement personnel dans la paix et la confiance, notre sérénité dans l'épreuve, notre enthousiasme pour la prière et la mission de l'Église n'ont que cela à proclamer, humblement et inlassablement : notre monde est dans les mains d'un Père, qui le mène "avec des liens d'amour" et "lui apprend à marcher" depuis des siècles (Os 11,1-9) ; l'univers est dans les bras de Dieu, et le peuple saint que son Esprit rassemble est "comme un nourrisson qu'il fait manger et qu'il cajole contre sa joue".
Le drame de notre monde est de ne pas croire à cet amour, de ne pas voir et reconnaître que Dieu, aujourd'hui, est à l'œuvre pour le bonheur de l'homme, de ne pas entendre cette plainte que le prophète Osée mettait sur les lèvres du Seigneur d'Israël : "Ils n'ont pas compris que je prenais soin d'eux !"
Deuxième commentaire
"Priez donc le Maître de la moisson"... Tous les mots portent dans cette consigne toute simple de Jésus.
"Priez"... C'est la seule directive qu'il nous laisse, la seule solution qu'il nous propose, face au manque d'ouvriers et d'ouvrières pour la moisson de Dieu. Car c'est Dieu qui prépare, qui appelle et qui envoie ; mais il ne peut envoyer que ceux et celles qui auront répondu. Prier pour les vocations, c'est prier pour l'appel, et aussi pour les réponses, pour tous ceux et toutes celles qui ont commencé à répondre, qui luttent et souffrent pour répondre, pour tous ceux que déjà le Verbe de Dieu a fascinés et qui cherchent son visage.
Et nous prions non pas d'une prière résignée, mais d'une prière confiante ; non pas battus d'avance, mais certains de la victoire de Jésus. Non pas dans l'impatience, mais dans la joie très douce de rejoindre l'idée de Dieu, le rêve de Dieu, le projet séculaire et universel du salut. Nous prions, non pas en gardant les yeux sur nos misères, notre impuissance et notre indignité, mais en contemplant le cœur de Dieu qui met sa joie à dépasser nos espérances.
Et en priant ainsi patiemment, quotidiennement, ne croyons pas que nous lassons Dieu. C'est nous qui risquons de nous lasser, en imaginant que Dieu n'entend pas, n'écoute pas, ou qu'il y met... de la mauvaise volonté.
La volonté de Dieu est que nous demandions des bras pour la mission, tout comme nous demandons le pain pour chaque jour. Et Dieu, encore aujourd'hui, en chaque aujourd'hui, met sa joie à répondre, mais toujours à l'heure que Lui a choisie.
"Priez donc"... Les ouvriers sont peu nombreux, donc priez. Priez parce qu'on manque de bras, parce qu'il y a pénurie.
Mais qui parle ici de manque, de pénurie ? - C'est Jésus lui-même, qui choisissait et appelait ! Qui se soucie des volontaires que Dieu va appeler ? - Jésus lui-même, qui vient d'envoyer devant lui, deux par deux, soixante-douze disciples ! Au moment même où il envoie, Jésus constate que les ouvriers sont peu nombreux !
Si donc Jésus Messie, de son vivant sur terre, a perçu le manque, c'est que ce manque de bras durera aussi longtemps que la mission de l'Église. L'Église, son Église, n'a donc pas à s'étonner ni à désespérer devant la pénurie, car la disproportion entre l'immensité du travail et le petit nombre d'hommes disponibles dure depuis le temps de Jésus et durera jusqu'à sa venue en gloire.
Jusqu'à la Parousie, l'Église, pour la moisson de Dieu, sera en manque d'ouvriers et d'ouvrières ; jusqu'au dernier jour de la mission, l'Église priera en situation de pénurie. Il faut donc nous installer durablement dans la prière, dans l'imploration et dans la confiance ; il faut nous préparer à demander à longueur de vie.
Ainsi, la prière pour les vocations ne sera pas seulement un moment ponctuel, un réveil saisonnier, mais une dimension de notre prière en Église, une pente de notre intercession communautaire.
"Priez le Maître de la moisson". Voilà le formidable optimisme que Jésus lègue à sa communauté ! Il ne dit pas : "Priez le Maître des labours", ni même : "le Maître des semailles", mais bien : "le Maître de la moisson". Les ouvriers et ouvrières du Seigneur ont parfois et même souvent l'impression que le monde est à l'abandon, que des secteurs entiers de la mission retournent en friche. En réalité, là où nous voyons des herbes folles, Dieu voit déjà la moisson qui lève. Pour Jésus également, pour Jésus missionnaire en Samarie, "déjà les champs étaient blancs pour la moisson" (Jn 4,35).
Quant à nous, jusqu'au dernier jour de la moisson, de cette moisson déjà sur pied, nous entrons dans la réussite de Dieu, dans son travail d'engrangement, et donc dans sa joie de semeur. Et parce que nous partageons déjà avec lui l'enthousiasme de la récolte, c'est à nous de lui réclamer un supplément de bras, un regain de cœur à l'ouvrage.
"Il les envoya deux par deux, et il leur dit : "Priez"!
Ceux qui sont envoyés sont aussi ceux qui prient pour la relève. Ceux qui prient sont déjà envoyés ; ils sont la preuve vivante que Dieu exauce toujours.
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé :
écoutez-le ! »
(Mc 9, 2-10)
« En ce temps-là, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».
Si Jésus n'avait pas pris volontairement la condition de Serviteur, la Transfiguration aurait été son lot quotidien. La gloire qui l'habitait aurait transparu chaque jour dans son humanité sainte.
Mais cela, c'est de l'imagination, c'est une hypothèse, ce n'est pas de la théologie, car l'authentique théologie est un langage sur ce que Dieu est et ce que Dieu a fait "pour nous les hommes et pour notre salut".
Or ce que Dieu a choisi, réellement, c'est l'incarnation de son Fils, dans l'humilité, dans la modestie, dans la pauvreté de Nazareth ; et la lumière éclatante de la Transfiguration, qui nous parle de gloire, d'union indicible avec le Père, nous révèle, par contraste, l'humilité du quotidien de Jésus. L'intensité de sa gloire est telle que même les vêtements de Jésus deviennent éblouissants. C'étaient pourtant des vêtements de charpentier.
C'est bien pourquoi la fête du Transfiguré est si chère à tous les cœurs contemplatifs : au-delà des prises de notre intelligence, elle déploie pour notre cœur le paradoxe inouï de la personne de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, vrai charpentier métamorphosé un instant par la gloire.
Désormais Pierre, Jacques et Jean sauront que le salut n'est qu'en Jésus, et que les temps de Moïse et d'Élie sont passés.
C'est tout le sens de la méprise de Pierre : "Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes !" Trois tentes, Pierre ? mais il y en aurait deux de trop ! Faire trois tentes, ce serait aligner Jésus sur Moïse ou Élie : Jésus serait l'un des prophètes, sans plus !
C'est pourquoi Dieu le Père écarte l'initiative brouillonne de Pierre. Tout comme Dieu a bâti pour David une maison-dynastie, sans que David ait à bâtir sa maison au Seigneur, Dieu couvre les disciples de la nuée sans qu'ils aient pu bâtir leurs tentes de mains d'hommes.
Et la voix venue du ciel commente le geste de Dieu :"Celui-ci est mon Fils bien-aimé". "Celui-ci", dit la voix ; et les disciples ne voient plus que Jésus seul, comme au jour du Baptême où le vol de la colombe avait désigné Jésus seul, Jésus, le Bien-Aimé.
C'est bien ce que nous avons à vivre chaque jour dans la foi.
Sortant en quelque sorte de la nuée théophanique, quand nous quittons l'oraison ou l'Eucharistie, nous ne voyons plus, dans l'ordinaire, que Jésus, "seul avec nous", en habits de charpentier. Mais chaque fois qu'il plaît à Dieu de "révéler son Fils en nous", nous percevons, à l'intime de nous-mêmes, transmise et amplifiée par l'Esprit Paraclet, la voix révélante du Père : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le !" Et nous nous sentons moins seuls et plus forts en descendant de la montagne.
Écouter Jésus, le Bien-Aimé, c'est adhérer à Dieu tel qu'il nous le révèle ; c'est aussi regarder le monde comme il le regarde, et nous ouvrir au salut, à la vie nouvelle, que Jésus nous offre.
Écouter Jésus, c'est garder Dieu et son amour à l'horizon de notre vie, et entrer dans son dessein, jour après jour, parmi ceux qu'il nous donne à aimer et à servir.
Écouter Jésus, c'est nous tourner résolument vers l'avenir et rester aux avant-postes de l'espérance, "puisque, en Jésus Christ, Dieu nous donne de croire en l'homme et nous rend capables de transformer le monde selon son désir" (rapport Dagens, 1033a).
C'est la même espérance qui, au-delà de nos tâches terrestres, nous fait vivre dès aujourd'hui "plus haut que ce qui meurt" (Elisabeth).
Car si la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, la vie de l'homme, c'est la vision de Dieu.
« Dieu a envoyé son Fils dans le monde »
(Jn 3, 16-21)
« En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »
Le jugement : un mot qui a traumatisé durant des siècles les chrétiens ; une idée qui déclenche une allergie immédiate chez beaucoup de croyants de notre époque ; une perspective qui pourtant ouvre sur un vrai dynamisme spirituel, si nous y entrons guidés par le langage johannique.
Car Jean envisage deux sortes de jugement, deux krisis bien différentes :
- Il y a d'abord le jugement ultime, qui sera prononcé à la fin des temps par le Fils de l'homme, et seulement à la fin des temps. Et de ce jugement-là Jésus dit, dans l'Évangile d'aujourd'hui : « Le Père a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé ». L'avènement du Fils de Dieu dans la chair est ordonné au salut des hommes, et jusqu'à la fin de l'histoire humaine toute sentence est reportée.
- Mais bien avant ce jugement décisif, et tout au long du temps des hommes, se poursuit un autre jugement (krisis) : la démarcation immédiate de la lumière et de la nuit. C'est une sorte de discernement et une option vitale ; c'est une allergie aux ténèbres qui survient, instantanée ; c'est comme un seuil critique sans cesse franchi par l'homme, libre devant Dieu pour le refus ou pour l'assentiment. Ce jugement-là trace une frontière, mouvante comme la vie, qui traverse le monde des hommes, le cœur de chacun, et donc aussi chaque communauté qui se réclame du projet de Jésus : "Le jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière".
Celui qui, coupablement, ne croit pas, et ne vient pas à Jésus, a jugé pour lui-même ; « il s'est jugé lui-même », et il reste en deçà de la frontière de la vie.
Celui qui croit, qui vient à Jésus, franchit librement le seuil, il passe de la mort à la vie ; il laisse derrière lui la frontière du jugement, parce qu'il s'avance vers Dieu et s'offre tout entier à la lumière.
C'est surtout cette dynamique de la lumière, ce phototropisme de la foi en Jésus, que l'Évangile de Jean met en relief, pour chaque croyant et pour chaque communauté : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière », dit Jésus.
Celui qui appuie son action et ses choix sur la parole de Jésus n'a pas peur de la lumière.
Ceux qui ensemble soumettent leurs interrogations et leurs projets au regard de Jésus n'ont pas à craindre la lumière que l'Esprit fera jaillir à l'intime des frères. Ils peuvent même s'avancer hardiment vers la lumière : elle ne révélera que la santé des cœurs, une volonté unanime de faire advenir le Royaume. La lumière très douce de l'Esprit viendra attester aux frères en dialogue que leur œuvre de concertation, de discernement, de perspective dans l'espérance, « est faite en Dieu ».