POUR L'AMOUR DE DIEU
N'AYEZ PAS PEUR DE DE LUI
« Ne crains pas, je suis ton Dieu,
C’est moi qui t’ai choisi, appelé par ton nom.
Tu as du prix à mes yeux et je t’aime. Ne crains pas car je suis avec toi.
Toi mon serviteur, je te soutiendrai ; toi mon élu que préfère mon âme,
Je mettrai en toi mon Esprit, je te comblerai de mon Esprit. »
Sommaire de la page
De l'Ancien Testament au Nouveau, Dieu supplie presque l'homme de ne pas avoir peur de lui, de ne pas le craindre, de lui faire confiance.
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La peur de Dieu, la crainte de Dieu, c'est quoi ?
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Deux extraits de l'Ancien Testament : comment la peur de Dieu peut-elle s'instiller dans l'homme ?
- Pourquoi est-il question dans la Bible de la crainte de Dieu ? Pourquoi Dieu serait-il à craindre ?
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- « Ne crains pas », dit Dieu 365 fois dans la Bible
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Comment la morsure du mal a corrompu la Création : les révélations de Jésus à Maria Valtorta au XXe siècle
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« Qu'as-tu fait de ton frère ? » : quand Caïn a commis le premier assassinat de l'histoire de l'Homme
La crainte de Dieu dont il est question dans la Bible est à relier avec le respect, l'affection que l'on éprouve pour une personne toute-puissante mais intègre et bienveillante. Elle n'est pas la méfiance et l'appréhension qu'inspire un Être surpuissant vengeur.
Dieu est LE chef-d'œuvre d'amour, patience, miséricorde, et ensuite seulement, de justice.
365 fois, dans la Bible, il dit en s'adressant à l'homme : « Ne crains pas ».
Sous-entendu : « Ne me crains pas, moi, qui t'aime comme tu ne peux l'imaginer, moi qui génère l'énergie de l'univers qui te fait vivre. J'ai créé pour toi une merveille, la terre, tout en beauté de somptueux paysages, animaux, et de couleurs. Viens à moi. Ne crains pas les épreuves que tu vivras sur terre car je serai avec toi pour t'aider à les affronter comme pour me réjouir avec toi de tes joies ; tout ceci n'est rien, tout ceci n'est que passager, car ce que je veux t'offrir pour l'éternité après ta mort dépasse ton entendement. »
Pensez-y : l'éternité...
Alors confiance !
Dieu n'a pas créé les hommes, ni n'a envoyé son Fils s'incarner en homme afin de les approcher au plus près, de leur délivrer sa Bonne Nouvelle d'amour, et de racheter leurs fautes, pour finalement, les juger arbitrairement et cruellement lors de leur mort.
Et puis Dieu espère en l'homme.
Dès l'Ancien Testament, bien avant Jésus-Amour, Dieu-Amour donnait déjà le ton...
La crainte de Dieu
La peur de Dieu
c'est quoi ?
Deux extraits de l'Ancien Testament : comment la peur de Dieu peut-elle s'instiller dans l'homme ?
Voici un exemple de texte de l'Ancien Testament qui peut faire peur et craindre Dieu :
« Mais tu n’as pas rendu gloire au Dieu qui tient dans sa main ton souffle et tous tes chemins. » (Daniel 5, 23)
« Que votre paix soit grande ! Voici l’ordre que je donne : Dans toute l’étendue de mon empire, on doit trembler de crainte devant le Dieu de Daniel, car il est le Dieu vivant, il demeure éternellement ; son règne ne sera pas détruit, sa souveraineté n’aura pas de fin. Il délivre et il sauve, il accomplit des signes et des prodiges, au ciel et sur la terre, lui qui a sauvé Daniel de la griffe des lions. » (Daniel 6, 28)
Or, on ne doit pas craindre Dieu de peur qu'il nous extermine, comme sa toute-puissance le lui permet, mais par respect de sa grandeur. Ce Dieu Tout-Puissant n'a pas besoin de nous. Il pourrait être excédé par notre attitude déplorable, mais aime tellement les hommes qu'il s'est fait leur serviteur en Jésus qui est allé au point de laver les pieds de ses disciples et de mourir sur une croix après avoir subi pendant 27 heures le pire des souffrances physique, morales et spirituelles qu'un homme peut expérimenter. Dieu a vraiment tout fait pour rouvrir les portes de son cœur aux hommes.
Pourquoi est-il alors question dans la Bible de la crainte de Dieu ? Pourquoi Dieu serait-il à craindre ?
Il y a crainte et crainte.
La première réaction, lorsqu'on découvre Dieu et sa puissance, c'est la stupeur et la crainte. Ainsi a réagi l'apôtre Pierre lorsque Jésus a rempli miraculeusement son filet de poissons au point de faire chavirer la barque. Alors qu'il venait d'utiliser le mot "rabbi" pour parler à Jésus, il s'adresse maintenant à lui en lui disant "Seigneur". La majesté de Jésus est évidente aux yeux de Pierre, ce qui a éveillé en lui l'adoration, mais pas encore l'amour. Aussi dit-il à Jésus : "Éloigne-toi de moi car je suis un pécheur !" Simon Pierre ressent sa petitesse, son indignité, aussi veut-il mettre de la distance entre la Toute-Puissance de Dieu à laquelle il vient d'assister, et lui-même. Mais Dieu, lui, veut au contraire se faire le plus proche possible de l'homme et susciter l'amour, surtout pas la crainte. Jésus rassure son futur grand apôtre et écarte sa peur en lui confiant une mission : il lui annonce qu'à l'avenir, il sera pécheur d'homme.
La seconde réaction, c'est la crainte d'être puni par le Seigneur pour le péché, de ne pas devenir saint, ou la peur de la colère d'un Être suprême que l'on peut percevoir comme menaçant, la crainte phobie du jugement de Dieu lors de la mort et d'aller en enfer ! Or Dieu est bien loin de ce portrait. Par ailleurs il ne punit pas mais enseigne, toujours pour le Bien de celui qui reçoit l'épreuve, car, étant pure bonté, Dieu ne crée jamais de mal ni de souffrance. Or il faut bien plus craindre d'être séparé de Dieu, de l'offenser, de ne pas ce qu'il demande, crainte inspirée par l'amour qui gagne le cœur de celui qui peu à peu s'enfonce dans le mystère de cet Amour complètement extravagant de Dieu pour sa créature, que l'on découvre au fur et à mesure de sa progression spirituelle, intimement liée à la lecture de la Bible et de bons commentaires des textes bibliques (pour recevoir l'Évangile du jour accompagné de commentaires de l'Église, abonnez-vous à l'email Jésus Aujourd'hui). De plus, le jugement de Dieu n'est pas à craindre pour qui croit en Jésus et met en œuvre avec toute sa bonne volonté ses deux commandement d'amour :
- aimez-vous les uns les autres et pardonnez-vous ;
- tu aimeras ton Dieu de toutes tes forces et de toute ton âme.
Par ailleurs le sacrement de réconciliation (du pardon), c'est-à-dire la confession opérée par un prêtre in persona Christi, efface tout péché en le lavant dans le sang du Christ qui est celui qui pardonne et qui est réellement présent au moment où le prêtre dit "Je vous pardonne tous vos péchés." C'est pour cela que Jésus est mort sur la croix ! Il faut user et abuser de la confession afin de parvenir presque blanc aux portes de la mort et ne laisser aucun péché impardonné que l'accusateur, l'ennemi de Dieu et des hommes, Satan, puisse avancer lorsqu'une âme décédée paraît de le trône de Dieu, vacillante devant l'immensité de Sa Sainteté.
Qu'est-ce alors que la crainte de Dieu au sens biblique du terme ?
Alors que les hommes suscitent peur et jugement dans leurs relations entre eux, ce qui les ronge et les paralyse, les fait douter, la crainte de Dieu au sens biblique du terme fait émerger de l'homme le meilleur de lui-même et leur fait peu à peu percevoir son amour et sa tendresse inimaginables, sa présence à chaque instant. Il s'agit d'un mélange de respect et d'amour affectueux, c'est une perception de l'immensité insondable de la majesté et de la Toute-Puissance de Dieu, de sa grandeur et aussi le désir de faire sa volonté comme un fils ou une fille a envie non seulement de faire plaisir à ses parents, mais saisit aussi que père et mère ont une sagesse que l'enfant n'a pas. C'est aussi une réponse délicate de l'homme à la délicatesse de Dieu.
L'amour de l'homme pour Dieu en raison de l'amour de Dieu pour l'homme grandit au fur et à mesure de la Rencontre, il réduit la crainte de Dieu tel que l'homme du XXIe siècle peut l'entendre, à un respect surpassé par un amour grandissant et que rien ne peut éteindre. C'est aussi une confiance indéfectible en le fait que Dieu, puissance qui pourrait paraître effrayante, est secourable pour toute âme en demande de Sa Présence.
Dieu insuffle toujours un esprit de Vie, de Joie et de Paix !
« Ne crains pas ! », dit Dieu 365 fois
Dieu crée la femme pendant le sommeil d'Adam, par James Tissot
Dans la Bible, on trouve donc 365 fois l'occurrence « Ne crains pas ! »
Et pourtant, Adam dit à Dieu : « J’ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché » (Gn 2,4-3,13).
Le thème de la peur apparaît dans la Bible dès les premières pages, juste après le deuxième récit de la Création. Écoutons :
« Ils entendirent la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin au vent du jour, et l’homme et la femme se cachèrent devant le Seigneur Dieu, au milieu des arbres du jardin.
Le Seigneur Dieu appela l’homme et Il lui dit : "Où es-tu ?"
L’homme dit : "J’ai entendu Ta voix dans le jardin ; j’ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché."Et il dit : "Qui t’a appris que tu étais nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont Je t’avais défendu de manger ?" » (Gn 3, 8-11)
Adam et Ève dans le jardin d'Eden, par James Tissot
De quoi l’homme a-t-il peur ici ? De la voix de Dieu et de sa nudité.
Dieu lui avait-il fait un quelconque reproche pour qu’il en ait peur ? Dieu se promenait en ami dans le jardin, et il avait soif de rencontrer celui-là même qu’il avait créé à l’image de son amour. Sa question retentit comme un appel douloureux, presque une prière : « Où es-tu ? » Il s’agit moins de savoir derrière quel arbre il se cache que de constater que l’homme s’est perdu lui-même. Il ne sait plus qui il est. Il est comme abandonné à sa solitude.
Pourtant, Dieu ne veut pas qu’il se perde. Jésus dira dans l’Evangile : « Votre Père qui est aux cieux ne veut qu’aucun de ces petits ne se perdent » (Mt 18,14).Alors, pourquoi Adam a-t-il peur ? Pour le comprendre, il nous faut remonter un peu plus haut dans le texte. Après avoir modelé l’homme avec la poussière du sol et lui avoir insufflé le souffle de vie, Dieu lui dit : « Tu pourras manger de tout arbre du jardin. » Insondable générosité de Dieu qui ne garde rien de Lui. Il se donne tout entier parce que l’Amour ne compte pas. Tout nous est donné dans une pure gratuité, une pure grâce. Nous sommes les destinataires émerveillés de l’amour infini.
Ève propose du fruit défendu à Adam,
par James Tissot
Puis Dieu pose une limite. Non pas qu’il veuille se garder jalousement une part de sa création en interdisant à l’homme d’y accéder – c’est ce que le serpent suggèrera – mais parce qu’il veut protéger l’homme de lui-même. « Tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. » Dieu instaure une limite. Vivre bien et être heureux, nous dit-il, c’est accepter la non toute-puissance : je ne suis pas Dieu, je suis une créature me recevant sans cesse de mon Créateur. Prendre la place de Dieu, se vouloir l’origine de sa propre vie, conduit à la mort…
Or, le serpent vient précisément semer le doute, et donc la peur, dans le cœur de l’homme : puis-je faire confiance en ce Dieu qui pose ainsi une limite ? Ne serait-il pas jaloux de ses prérogatives ? Être libre, ne serait-ce pas m’affranchir de Dieu ?
S’exprime ici la peur la plus profonde, la plus enracinée en nous, celle de nos origines : Suis-je le fruit d’un désir amoureux ? Ai-je été désiré, aimé sans condition ? Puis-je faire confiance à cette voix qui s’écrie en contemplant sa création : « Voilà, c’est très bon ! » ? Puis-je me recevoir comme une bénédiction du Père ?
Adam et Ève prennent conscience de leur nudité, par James Tissot
Le péché des origines, qui entraîne la peur et l’angoisse, est l’incapacité de croire en l’amour premier de Dieu, de m’accueillir avec joie et reconnaissance comme son enfant bien-aimé.
Nous comprenons alors pourquoi l’homme a si peur de sa nudité : « J’ai eu peur parce que je suis nu. »
Le second récit de la Création s’était pourtant achevé ainsi : « Tous deux étaient nus, l’homme et sa femme, sans se faire mutuellement honte » (Gn 1,25).
La nudité dans la Bible exprime une position de faiblesse, le manque de protection. L’homme et la femme existent l’un devant l’autre, tels qu’ils sont, sans avoir besoin de se cacher. Ils accueillent le manque en eux, leur faiblesse, et n’ont pas peur de demeurer ainsi l’un devant l’autre. Au contraire, il règne entre eux une grande harmonie, nourrie de l’acceptation réciproque. L’autre, si proche et pourtant si différent, avait fait bondir l’homme de joie : « Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair » (v.23).
L'ennemi de Dieu et de l'homme, par James Tissot
Or, le serpent vient instiller dans le cœur de l’homme non seulement la peur envers son créateur, mais aussi la peur de l’autre différent. « Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils surent qu’ils étaient nus. Ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes » (2, 7). Nous la connaissons bien cette peur : peur d’être dévoilé par l’autre, mis à nu par lui. Nous excellons dans l’art de nous cacher, de nous créer un personnage qui tout à la fois nous révèle et voile une partie de notre être. Nous apprenons dès le plus jeune âge à nous protéger du regard des autres.
« La conséquence de la peur, c’est la violence. Croyant se protéger, l’homme accuse la femme : « La femme que tu as mise auprès de moi, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre » (2,12). La meilleure défense, c’est l’attaque, dit-on. Et la femme, à son tour, de chercher à se disculper : « Le serpent m’a trompée et j’ai mangé » (2,13).
Adam et Ève sont chassés du Paradis, par James Tissot
Ainsi, la première occurrence biblique de la peur de Dieu concerne la relation nouvelle induite par la désobéissance. Ce qui est dire que la peur du divin n’est pas présentée comme une expérience première, originelle, mais bien plutôt comme conséquence de la transgression. Elle est liée à la culpabilité d’un homme qui ne sait plus imaginer Dieu que comme justicier foudroyant, ennemi de sa créature.
Désormais, rien n’y fera : l’homme marqué par le péché se formera spontanément de Dieu une image menaçante. La peur de Dieu devient ainsi la grande peur de l’humanité. Par une inversion qui appartient à la logique du péché, Dieu est perçu comme celui qui risquera toujours de faire mourir. Autre leçon capitale du texte de la Genèse : en enchaînant le récit du meurtre d’Abel sur celui de la désobéissance à la parole divine, il invite à relier l’histoire des peurs et des violences qui travaillent les relations humaines au drame initial qui se joue entre Dieu et l’humanité » (Anne-Marie Pelletier, Christus n°212, p.422-423).
Pistes pour une méditation
• J’invoque l’Esprit Saint pour lui demander la grâce d’accueillir la Parole comme une parole de vie.
• Je relis le deuxième récit de la Création, en Genèse 2,1-3,13.
• Je contemple le regard de Dieu sur sa Création, son projet d’amour pour les hommes.
• J’accueille la peur de l’homme et de la femme. En quoi rejoint-elle mes propres peurs ?
• Je laisse retentir la question de Dieu : « Où es-tu ? »
© https://franciscains.fr/meditation-franciscaine-confinement-novembre/
Comment la morsure du mal a contaminé la Création
Le fruit défendu mangé par Ève est à l'origine de la contamination de l'homme par le mal, introduisant un dérèglement dans la Création parfaite de Dieu mais sans surprise pour Lui, qui l'avait déjà anticipé (en prévoyant d'envoyer Son Fils). À une mystique nommée Maria Valtorta (dont l'œuvre plantureuse, principalement L'Évangile tel qu'il m'a été révélé, a été mise au ban par l'Église catholique), Jésus aurait révélé ceci :
« Ne lit-on pas dans la Genèse que Dieu donna à l’homme la domination sur tout ce qui existe sur terre, autrement dit sur tout sauf sur Dieu et ses ministres angéliques ? N’y lit-on pas qu’il a créé la femme pour servir de compagne à l’homme pour partager sa joie et sa domination sur tous les êtres vivants ? N’y lit-on pas qu’ils avaient le droit de manger de tout à l’exception du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ? Pourquoi donc ? Qu’est-ce que sous-entendent ces mots : “ afin qu’il domine ”, ou “ l’arbre de la connaissance du bien et du mal ” ? Vous l’êtes-vous jamais demandé, vous qui demandez tant de choses inutiles, mais ne savez demander à votre âme les vérités célestes ?
Si votre âme était vivante, elle vous le dirait, elle qui, quand elle est en état de grâce, est comme une fleur dans les mains de votre ange gardien, comme une fleur sous le baiser du soleil, baignée de rosée par l’Esprit Saint qui la réchauffe et l’illumine, l’arrose et la pare de célestes lumières. Combien de vérités votre âme ne vous révèlerait-elle pas si vous saviez converser avec elle, si vous l’aimiez comme celle qui vous donne la ressemblance de Dieu, qui est Esprit comme votre âme est esprit ! Quelle grande amie vous auriez si vous aimiez votre âme au lieu de la détester au point de la tuer ! Quelle parfaite et sublime amie avec laquelle vous pourriez vous entretenir des choses du Ciel, vous qui êtes si avides de parler, alors que vous vous dégradez l’un l’autre par des amitiés qui, loin d’être toutes indignes, n’en sont pas moins presque toujours inutiles et s’étalent en flots nuisibles de vaines paroles toutes terrestres.
N’ai-je pas dit : “ Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous ferons notre demeure chez lui ” ? L’âme en état de grâce possède l’amour et par-là même elle possède Dieu, c’est-à-dire le Père qui la maintient, le Fils qui l’enseigne et l’Esprit qui l’éclaire. Elle possède donc la connaissance, la science et la sagesse. Elle possède la lumière. Imaginez donc quelles sublimes conversations vous pourriez lier avec votre âme ! Ce sont elles qui ont comblé le silence des prisons, le silence des cellules, le silence des ermitages, le silence des chambres de saints malades. Elles ont réconforté les prisonniers dans l’attente du martyre, les cloîtrés à la recherche de la Vérité, les solitaires aspirant à une connaissance anticipée de Dieu, elles ont aidé les malades à supporter, que dis-je, à aimer leur croix.
Si vous saviez interroger votre âme, elle vous apprendrait la signification véritable, exacte, aussi vaste que la création, de ce mot “ qu’il domine ” : “ Pour que l’homme domine sur tout. Sur ses trois niveaux : le niveau inférieur, animal ; le niveau intermédiaire, moral ; et le niveau supérieur, spirituel. Tous trois tendent à une seule fin : posséder Dieu. ” Le posséder en le méritant par cette maîtrise absolue qui tient assujetties toutes les forces du “ moi ” pour les faire servir à ce seul but : mériter de posséder Dieu. Elle vous dirait que, si Dieu a interdit la connaissance du bien et du mal, c’est parce qu’il avait accordé gratuitement le bien à ses créatures, et il ne voulait pas que vous connaissiez le mal ; car le mal est un fruit doux au palais mais, une fois son suc descendu dans le sang, il y crée une fièvre qui tue et suscite une soif ardente de sorte que, plus on boit de ce suc mensonger, plus on en a soif.
Vous objecterez : “ Et pourquoi l’y a-t-il mis ? ” Parce que ! Parce que le mal est une force qui est née toute seule, comme certaines maladies monstrueuses peuvent s’en prendre aux corps les plus sains.
Lucifer était un ange, le plus beau des anges, un esprit parfait qui n’était inférieur qu’à Dieu. Dans son être de lumière, naquit pourtant une bouffée d’orgueil. Au lieu de la dissiper, il la condensa en la couvant. Le mal est né de cette incubation. Il existait avant l’apparition de l’homme. Dieu avait précipité hors du paradis cet Incubateur du mal qui l’avait souillé. Mais il est resté l’éternel Incubateur du mal et, comme il ne pouvait plus souiller le paradis, il s’en est pris à la terre.
La métaphore de l’arbre tend à démontrer cette vérité. Dieu avait dit à l’homme et à la femme : “ Vous connaissez toutes les lois et tous les mystères de la création. Mais n’essayez pas de m’usurper le droit d’être le Créateur de l’homme. Mon amour, qui circule en vous, suffira à la propagation de la race humaine, sans luxure ; le seul mouvement de la charité suscitera les nouveaux Adam de la race humaine. Je vous donne tout. Je me réserve uniquement ce mystère de la formation de l’homme. ”
Satan a voulu retirer à l’homme cette virginité intellectuelle ; de sa langue de vipère, il a flatté et caressé les membres et les yeux d’Eve, provoquant en elle des réflexes et une excitation qu’ils n’avaient pas avant, quand la malice ne les avait pas encore intoxiqués. Elle “ vit ”. Elle voulut essayer. C’était l’éveil de la chair. Ah, si elle avait appelé Dieu ! Si elle avait couru lui dire : “ Père ! Je suis malade. Le Serpent m’a caressée et le trouble est en moi. ” Le Père l’aurait purifiée et guérie par son souffle : de même qu’il lui avait infusé la vie, il aurait pu lui infuser une nouvelle innocence en lui faisant oublier le poison du serpent et même en suscitant en elle de la répulsion pour le Serpent, comme cela arrive chez ceux qui, attaqués par une maladie, en gardent une instinctive répugnance. Mais Eve ne va pas vers le Père. Elle revient vers le Serpent. Cette sensation lui est douce. “ La femme vit que l’arbre était bon à manger et séduisant à voir… Elle prit de son fruit et mangea. ” Alors elle “ comprit ”. Désormais la morsure du mal était descendue en elle. Elle vit avec des yeux neufs et entendit avec des oreilles nouvelles les mœurs et les voix des brutes. Et elle les désira d’un désir fou.
Elle a commencé seule à pécher, mais elle termina avec son compagnon. Voilà pourquoi une condamnation plus lourde pèse sur la femme. Si l’homme est devenu rebelle à Dieu, s’il a connu la luxure et la mort, c’est à cause d’elle. C’est à cause d’elle qu’il n’a plus su dominer ses trois règnes : celui de l’esprit, puisqu’il a permis que l’esprit désobéisse à Dieu ; celui de la conduite morale, parce qu’il a permis que les passions le dominent ; celui de la chair, parce qu’il l’a rabaissée aux lois instinctives des bêtes. “ C’est le serpent qui m’a séduite ”, dit Eve. “ C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé ”, dit Adam. Depuis lors, la triple convoitise s’attache aux trois règnes de l’homme.
Seule la grâce peut desserrer l’étreinte de ce monstre impitoyable. Si elle est vivante, très vivante, si la volonté d’un enfant de Dieu fidèle la maintient toujours plus vivante, elle parvient à étrangler le monstre et à n’avoir plus rien à craindre : ni les tyrans intérieurs – ceux de la chair et des passions –, ni les tyrans extérieurs – ceux du monde et des puissants de ce monde –, ni les persécutions, ni la mort. Et, comme dit l’apôtre Paul[45] : “ Mais je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à l’Evangile de la grâce de Dieu. ”
« Qu’as-tu fait de ton frère ? »
Caïn mène Abel à la mort, par James Tissot
La transgression de l’interdit fondamental plonge l’humain dans la solitude et la peur. La peur suscite une réaction de défense qui engendre souvent la violence. L’humanité semble prise dans un engrenage de peur et de violence qu’elle ne maîtrise plus et qui ne fait que s’accroitre de génération en génération. C’est ce que nous racontent les 14 premiers chapitres de la Genèse.
L’épisode qui suit le récit de la transgression est comme un condensé du drame qui se joue.
Lisons : « Et l’Humain avait connu Eve sa femme et elle fut enceinte en enfanta Caïn, et elle dit : "J’ai acquis un homme avec Adonaï", et elle continua à enfanter son frère Abel.
Et Abel fut pasteur de petit bétail tandis que Caïn cultivait le sol.
À la fin de la saison, Caïn apporta au Seigneur une offrande de fruits de la terre ;
Abel apporta lui aussi des prémices de ses bêtes et leur graisse.
Le Seigneur tourna son regard vers Abel et son offrande,
Mais il détourna son regard de Caïn et de son offrande.
Caïn en fut très irrité (brûlé) et son visage fut abattu.
Le Seigneur dit à Caïn : "Pourquoi t’irrites-tu ? Et pourquoi ton visage est-il abattu ?
Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ?
Si tu n’agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, est avide de toi. Mais toi, ne le domineras-tu pas ?"
Et Caïn parla à Abel son frère…, et, quand ils étaient dans le champ, Caïn se dressa vers Abel son frère et le tua.
Et le Seigneur dit à Caïn : "Où est Abel ton frère ?"
Et il dit : "Je ne connais pas. Suis-je le gardien de mon frère ?"
Et il dit : "Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie du sol vers moi. Tu es maintenant maudit du sol qui a ouvert la bouche pour recueillir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus sa force. Tu seras errant et vagabond sur la terre."
Caïn dit au Seigneur : "Ma faute (et sa conséquence) est trop lourde à porter. Si tu me chasses aujourd’hui de l’étendue de ce sol, je serai caché à ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera."
Le Seigneur lui dit : "Eh bien ! Si l’on tue Caïn, il sera vengé sept fois". Le Seigneur mit un signe sur Caïn pour que personne en le rencontrant ne le frappe. Caïn s’éloigna de la présence du Seigneur et habita dans le pays de Nod à l’orient d’Eden. »
Caïn tue Abel, par Daniele Crespi
Que ressentez-vous en écoutant cet épisode ? N’êtes-vous pas, comme Caïn, indigné par l’attitude de Dieu qui semble faire du favoritisme en regardant l’offrande d’Abel et ignorant celle de Caïn ? Caïn est bouillant de colère, de ressentiment envers Dieu, mais aussi de jalousie envers son frère. Malgré le dialogue et la mise en garde que Dieu essaie d’instaurer avec lui, Caïn se laisse posséder par sa colère et supprime Abel, objet de sa frustration. Nous sommes tétanisés par tant de violence en quelques lignes.
Relisons attentivement le texte afin de ne pas risquer de faire des contre-sens. Je suis ici la lecture du bibliste André Wénin . Elle n’est évidemment pas la seule interprétation possible.
Et l’Humain avait connu Eve sa femme… ce verbe connaître, employé ici avec une connotation sexuelle, est utilisé ailleurs dans la Bible avec l’homme comme sujet exerçant un pouvoir sur sa partenaire, comme s’il cherchait à la posséder. N’est-ce pas ce que Dieu avait prédit après que la femme eut succombé à la convoitise et mangé le fruit : « Ton homme dominera sur toi ? » (Gn 3,16).
« J’ai acquis un homme avec Adonaï. » Cette curieuse expression peut, certes, exprimer son émerveillement de l’enfant accueilli comme un don de Dieu ; mais Ève parle « d’acquérir » comme si l’enfant était sa chose, qu’elle pouvait exercer sur lui une mainmise. D’autre part, le père est absent de son action de grâce, comme si elle avait fait seule cet enfant avec la complicité d’Adonaï. Cette attitude la place dans une relation fusionnelle avec l’enfant, presque incestueuse : l’enfant est tout pour moi et il reçoit la mission de me combler.
Ainsi donc, dès sa conception, l’enfant est victime d’une double violence : celle d’une relation dominant/dominé entre ses parents, et celle d’une mère qui l’enferme dans une relation fusionnelle.
…et elle continua à enfanter son frère Abel. Aucune réaction de la mère à la naissance de son second fils, sans doute ici un jumeau. Comme s’il n’existait pas à ses yeux. La mère coupe ainsi Caïn de son père mais aussi d’une relation fraternelle avec Abel en entretenant une relation exclusive avec l’aîné.
Cela nous permet de considérer autrement le fait que le Seigneur regarde l’offrande d’Abel plutôt que celle de Caïn. Dieu ne cherche-t-il pas à ouvrir un espace dans l’enfermement où sa toute-puissance a conduit Caïn ? À le libérer de ce face-à-face mortifère avec sa mère pour, enfin, regarder Abel et l’accueillir comme un frère ?
L'assassinat d'Abel par Caïn, par Lovis Corinth
Aveuglé par sa douleur, les émotions qui le submergent, Cain ne peut ni voir ni entendre. Il se sent rejeté, nié par Dieu. Il n’est donc rien à ses yeux ?
Dieu n’abandonne pas Caïn à lui-même. Il revient vers lui et met des mots sur sa souffrance, sur son ressenti : « Pourquoi t’irrites-tu ? Et pourquoi ton visage est-il abattu ? » Il lui offre un espace pour que sa colère sorte, s’exprime, s’extériorise. Mais Caïn se mure dans le silence et sa colère rentrée.
Dieu met alors Caïn face à sa liberté. C’est pour lui l’heure du choix :
« Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ? Si tu n’agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, est avide de toi. Mais toi, ne le domineras-tu pas ? »
Dieu espère en l’homme. Caïn n’est pas condamné à se laisser dominer par le serpent tapi en embuscade. Il peut relever la tête, accueillir sa vocation d’homme créé à l’image de Dieu.
Caïn ne répond pas et se tourne vers son frère : « Et Caïn dit à Abel son frère… » La phrase s’arrête là. Les mots ne sortent pas de sa bouche. La jalousie et le ressentiment envers son frère ne trouvent pas la médiation du langage. Caïn ne trouve dès lors comme exutoire que de supprimer son frère pour mettre fin à ce feu intérieur qui le dévore. Nous connaissons bien ce phénomène de projection : nous projetons sur l’autre le malaise profondément enfoui en soi que l’on ne peut pas ou ne veut pas voir. En supprimant l’autre, on ressent un apaisement forcément passager puisque la cause du malaise n’est pas traitée.
Caïn va être dès lors abandonné à sa solitude, « errant et vagabond ». Et pourtant, Dieu ne l’abandonne pas à son sort et trace sur lui un signe de salut.
Ce déferlement de haine, de jalousie, d’autodestruction va se poursuivre au long des chapitres suivants du livre de la Genèse jusqu’à ce qu’un autre frère, Joseph, vienne rompre l’enchaînement de la violence en pardonnant à ses frères qui, eux aussi, cherchaient à le tuer avant de le vendre comme esclave en Égypte.
Pistes pour une méditation
- Je demande à l’Esprit Saint de m’éclairer sur ces peurs qui me paralysent dans la relation ou qui suscitent en moi colère et angoisse.
- Je relis l’épisode en me mettant successivement à la place de chacun des personnages : Adam, Ève, Caïn, Abel, Dieu… mais peut-être aussi cette bête tapie en embuscade.
- Les émotions que cela suscite en moi.
- Face à telle situation relationnelle anxiogène, qu’est-ce que me murmure l’Esprit de vie ? Et quelle serait la voix de la bête tapie en embuscade ? Suis-je libre de choisir entre ces deux voix ?
La punition de Caïn, par James Tissot